En pleine quête d'un nouvel exécutif, Emmanuel Macron va s'éloigner deux jours pour un sommet de l'Otan à Washington, l'occasion de réaffirmer sa place sur la scène internationale où ses partenaires s'inquiètent d'un affaiblissement de la France.
Le chef de l'Etat se rendra mercredi 10 et jeudi 11 juillet dans la capitale américaine, a annoncé l'Elysée, alors que le flou demeure sur les contours du futur gouvernement français à l'issue de législatives où aucun bloc n'a obtenu la majorité absolue.
Un déplacement qui va être suivi de près alors qu'il s'est peu exprimé à l'international depuis sa décision surprise de dissoudre l'Assemblée nationale le 9 juin - ce qui a provoqué un big bang politique en France - hormis lors du sommet du G7 mi-juin en Italie.
"Ce qu'on attend d'Emmanuel Macron à Washington, c'est qu'il rassure les autres alliés", résume Claudia Major, experte à l'Institut allemand des affaires internationales et de sécurité (SWP) à Berlin.
Si les inquiétudes portaient surtout sur une possible arrivée de l'extrême droite au pouvoir, qui aurait pu remettre en cause la parole de la France sur l'Ukraine, la défense européenne et l'Otan, nombre d'interrogations demeurent dans le nouveau paysage politique.
A ce stade, le Nouveau Front populaire, arrivé premier mais sans majorité, revendique la victoire. Mais le scénario d'une grande coalition incluant macronistes, droite et gauche modérées est aussi évoqué. Sans exclure un pays ingouvernable si aucun accord n'est trouvé.
Une France bloquée ?
La France, acteur clé en Europe, entre-t-elle dans des turbulences politiques susceptibles d'entraver son action à l'international ? Restera-t-elle une force motrice au sein de l'Union européenne, au côté de l'Allemagne ?
"La peur c'est une France bloquée, absente, centrée sur elle-même, contre-productive dans un moment international très difficile. C'est un problème pour l'Europe, pour l'agenda de réformes, l'Ukraine (...) tout !", relève Claudia Major.
Des craintes qui s'ajoutent à un contexte déjà lourd avec un président américain, Joe Biden, affaibli par les appels pressants de son camp à sortir de la course à sa réélection et le spectre d'un possible retour de Donald Trump et de son "imprévisibilité".
Au-delà des sessions plénières, Emmanuel Macron aura des entretiens avec les nouveaux Premiers ministres britannique Keir Starmer et néerlandais Dick Schoof ainsi qu'avec le chancelier allemand Olaf Scholz et le chef du gouvernement néo-zélandais Christopher Luxon.
Le chancelier s'est dit soulagé devant l'échec de l'extrême droite française à accéder au pouvoir et espère désormais la formation d'"un gouvernement constructif" à Paris.
Emmanuel Macron sera surtout attendu sur l'Ukraine. "Le sommet de l'Otan va être l'occasion de voir ce qu'il pense maintenant, concernant notamment l'élargissement de l'Otan à l'Ukraine", pointe Lukasz Maslanka, chercheur au Centre for Eastern Studies (OSW) à Varsovie.
"Très attentifs"
Une invitation à intégrer l'Otan n'est toujours pas d'actualité, faute d'accord de Washington et Berlin. Mais l'idée est d'offrir une "série de mesures" qui constituent un "pont vers l'adhésion".
"C'est aussi une bonne occasion pour le président Macron de confirmer que ce qu'il a dit au début 2024 sur l'ambiguïté stratégique est toujours d'actualité", ajoute le chercheur.
Le président français avait alors pris de court ses partenaires en n'excluant pas l'envoi de troupes au sol en Ukraine. "On a eu des engagements assez sérieux concernant l'envoi de Mirage et d'instructeurs français en Ukraine", poursuit Lukasz Maslanka.
Quant à une éventuelle participation de la gauche au gouvernement, "c'est leur attitude vis-à-vis des dépenses militaires qui retient l'attention", dit-il.
"Ce qui est important c'est qu'il soit là", renchérit Camille Grand, ex-secrétaire général adjoint de l'Otan et directeur de l'initiative Défense au Conseil européen pour les relations internationales (ECFR).
"Ce sera une occasion de prendre de la hauteur, de se montrer sur la scène internationale et d'envoyer comme message à Paris qu'il n'est pas démonétisé", fait-il observer.
Pour Michel Duclos, conseiller spécial à l'institut Montaigne à Paris, "Macron sera un peu affaibli" en cas d'instabilité gouvernementale. "Mais rien à voir avec ce que cela aurait été s'il y avait eu une victoire nette du RN. Il est dans la situation de Scholz", estime-t-il.
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