Un deuxième chef de l'armée a été arrêté dans la nuit de mercredi à jeudi en Bolivie après un coup d'Etat avorté marqué par le siège du palais présidentiel.
Affirmant vouloir "restructurer la démocratie", le général Juan José Zuniga, chef de l'armée de terre, et ses hommes ont avancé mercredi en rangs serrés dans les rues de La Paz jusque devant le palais présidentiel où ils ont positionné huit véhicules blindés et lancé des gaz lacrymogènes sur toute personne tentant de s'approcher.
Après plusieurs heures d'occupation et une tentative d'entrer dans le bâtiment où se trouvait le président Luis Arce, le général, en poste depuis novembre 2022, s'est retiré avec ses troupes vers une caserne de la capitale où il a été arrêté.
L'arrestation d'un deuxième responsable militaire, Juan Arnez Salvador, chef de la Marine, a été annoncée par le ministre du Gouvernement (Intérieur), Eduardo Del Castillo qui a fustigé, lors d'une conférence de presse, "deux militaires putschistes qui voulaient détruire la démocratie".
Les deux hauts gradés font l'objet de poursuites pour "soulèvement armé et terrorisme".
Avant son arrestation, le général Zuniga avait affirmé devant des journalistes avoir agi sur ordre du chef de l'Etat qui lui aurait demandé dimanche de "préparer quelque chose" pour rehausser sa cote de popularité.
Le président Arce, un dirigeant de gauche de 60 ans, au pouvoir depuis 2020 à la tête du pays andin, a dénoncé mercredi sur le réseau social X "les mouvements irréguliers de certaines unités de l'armée bolivienne", assurant: "La démocratie doit être respectée".
Selon des journalistes de l'AFP sur place, un véhicule blindé a tenté d'enfoncer une porte métallique du palais où le général Zuniga est entré brièvement avant d'en ressortir.
Entouré de soldats, le général a affirmé que les forces armées tentaient de "restructurer la démocratie, d'en faire une véritable démocratie. Pas celle de quelques-uns, pas celle de quelques maîtres qui dirigent le pays depuis 30 ou 40 ans".
A l'intérieur du palais, le président Arce a destitué les rebelles et fait prêter serment à un nouveau commandement des forces armées, selon les images retransmises en direct à la télévision nationale.
- "des militaires qui salissent l'uniforme" -
"Nous sommes face à une tentative de coup d'Etat par des militaires qui salissent l'uniforme", a dénoncé le président durant la cérémonie.
Les militaires se sont retirés en début de soirée. M. Arce est alors sorti sur le balcon de son palais pour saluer ses partisans rassemblés par centaines sur la place, lançant: "personne ne peut nous enlever la démocratie que nous avons gagnée".
L'ex-président Evo Morales (2006-2019) avait lui aussi affirmé sur le réseau social X qu'"un coup d'Etat se prépare" et accusé le général Zuniga d'être "à la tête" du mouvement.
Depuis mardi, des rumeurs de limogeage circulent à propos de ce haut gradé après ses déclarations visant Evo Morales, premier président indigène du pays et autrefois allié de M. Arce devenu aujourd'hui son plus grand adversaire politique en vue des élections présidentielles de 2025.
Le militaire a ainsi affirmé lundi à la télévision qu'il arrêterait l'ex-chef d'Etat s'il persistait à se porter candidat à la présidence - alors que la Cour constitutionnelle le lui a interdit en décembre 2023.
Après avoir outrepassé la Constitution pour obtenir un quatrième mandat en 2019, M. Morales avait dû démissionner et fuir momentanément le pays sur fond de troubles sociaux et d'accusations de fraude électorale.
- Présidentielle en 2025 -
Le parti au pouvoir en Bolivie, le Mouvement vers le socialisme (MAS), est profondément divisé entre M. Arce et M. Morales, autrefois alliés et aujourd'hui adversaires en vue de la présidentielle de 2025.
Evo Morales brigue, malgré la décision de la Cour constitutionnelle, l'investiture au nom du MAS et accuse Luis Arce qui n'a pas encore officiellement fait acte de candidature, de corruption et de tolérance envers le trafic de drogue.
Les condamnations de l'action du général Zúñiga mercredi ont afflué.
Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres s'est dit "profondément inquiet" et l'Organisation des Etats américains (OEA) a averti qu'"aucune violation de l'ordre constitutionnel" en Bolivie ne serait tolérée.
Les Etats-Unis ont dit suivre "de près" la situation et appelé au calme. La Russie a condamné "fermement" la tentative de coup d'Etat. L'Espagne a appelé à 'respecter la démocratie et l'Etat de droit" en Bolivie.
Les dirigeants du Chili, de l'Equateur, du Pérou, du Mexique, de la Colombie ont appelé au respect de la démocratie. Le président brésilien Luiz Inacio Lula da Silva a écrit sur X : "Je suis un amoureux de la démocratie et je souhaite qu'elle prévale dans toute l'Amérique latine".
Le président vénézuélien Nicolas Maduro a dénoncé une tentative de "coup d'Etat en Bolivie" orchestrée par "l'extrême droite avec un traître militaire".
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