Le président français Emmanuel Macron a appelé lundi 6 mai devant son homologue chinois Xi Jinping, au début de sa visite d'Etat en France, à des "règles équitables pour tous" dans les échanges commerciaux entre l'Europe et la Chine. "L'avenir de notre continent dépendra très clairement aussi de notre capacité à continuer à développer de manière équilibrée les relations avec la Chine", a-t-il dit à l'Elysée à l'ouverture d'une réunion à trois en présence aussi de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen. Il a ajouté que la "coordination" avec Pékin sur les "crises majeures" en Ukraine et au Moyen-Orient était "absolument décisive".
Le président chinois Xi Jinping a plaidé lundi à Paris pour que son pays et l'Union européenne (UE) renforcent leur "coordination stratégique" et demeurent "des partenaires", sur fond de multiples différends, du commerce aux droits humains.
"En tant que deux importantes puissances mondiales, la Chine et l'UE doivent demeurer des partenaires, poursuivre le dialogue et la coopération, approfondir la communication stratégique, renforcer la confiance mutuelle stratégique, consolider leur consensus stratégique et procéder à une coordination stratégique", a déclaré Xi au début d'une rencontre trilatérale à l'Elysée avec le président français Emmanuel Macron et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Le président chinois Xi Jinping est arrivé lundi à l'Elysée pour le début officiel de sa visite d'Etat de deux jours en France, à l'occasion des 60 ans des relations diplomatiques entre les deux pays
Il a été accueilli par son homologue français Emmanuel Macron dans la cour d'honneur du palais présidentiel où avait été déployée la garde républicaine. Les deux hommes devaient avoir dans la foulée un premier entretien en présence de la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, venue pour aborder notamment les nombreux différends commerciaux croissantes entre l'Europe et la Chine.
Le président français, qui espère toujours poser son pays en "puissance d'équilibre" dans le bras de fer sino-américain, entend aussi tenter à nouveau de convaincre son homologue chinois, fidèle allié de la Russie, de contribuer à la fin de la guerre en Ukraine, même si l'espoir d'une percée reste modeste.
Le numéro un de la superpuissance asiatique est arrivé dimanche à Paris, de retour en Europe pour la première fois depuis 2019.
Il doit être accueilli par Emmanuel Macron, flanqué pour l'occasion par la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen afin d'afficher, comme il y a cinq ans et l'an dernier en Chine, un front continental uni sur les questions commerciales.
"Nous devons agir pour garantir que la concurrence soit équitable et non faussée", a dit la patronne de l'exécutif de Bruxelles avant la rencontre. Selon elle, "l'Europe ne peut pas accepter" le "commerce déloyal" causé par l'afflux de véhicules électriques ou d'acier chinois fabriqués grâce à des "subventions massives".
Le président français prône aussi la "réciprocité" et la défense de la "sécurité nationale" des Européens.
Mais il a reconnu, dans La Tribune Dimanche, que ces derniers ne sont "pas unanimes" sur la stratégie car, dit-il, "certains acteurs voient toujours dans la Chine essentiellement un marché de débouchés". Une pique à peine voilée à l'égard de l'Allemagne, souvent accusée de faire cavalier seul pour préserver ses exportations de voitures vers la deuxième puissance économique mondiale.
Trêve olympique
S'il s'est "coordonné" en amont avec le chancelier allemand Olaf Scholz, celui-ci ne participera pas aux rencontres parisiennes, officiellement pour des raisons d'agenda.
Les différends commerciaux sont nombreux et pourraient déboucher sur des hausses des taxes douanières. Menacée d'être prise en tenailles entre les économies américaine et chinoise, massivement aidées par la puissance publique, l'Union européenne a multiplié ces derniers mois les enquêtes sur les subventions étatiques chinoises à plusieurs secteurs industriels, notamment aux véhicules électriques.
A Pékin, ces mesures jugées "protectionnistes" passent mal. Les autorités chinoises ont lancé leur propre enquête antisubventions visant essentiellement le cognac français, contre laquelle le président français compte s'élever.
Le président Xi assure dans une tribune publiée dimanche dans Le Figaro que les deux pays peuvent "approfondir leur coopération en matière d'innovation pour promouvoir le développement vert", comme c'est déjà le cas avec les usines de batteries, et espère que la France offrira à ses entreprises "un climat d'affaires juste et équitable".
Si aucun contrat mirobolant n'a été annoncé à ce stade, un forum économique franco-chinois est prévu lundi au théâtre Marigny.
Après un accueil protocolaire en grande pompe en début d'après-midi aux Invalides, le duo franco-chinois aura ensuite un tête-à-tête plus politique suivi de déclarations à la presse et d'un banquet à l'Elysée.
Le Français compte demander au Chinois de soutenir la "trêve olympique" à l'occasion des Jeux de Paris cet été.
Paris veut a minima s'assurer que la Chine, principale alliée du président russe Vladimir Poutine, ne bascule pas dans un soutien clair à son effort de guerre face à Kiev. Voire "l'encourager à utiliser les leviers" dont elle dispose sur Moscou pour "contribuer à une résolution de ce conflit", selon l'Elysée.
Obséquieux
Emmanuel Macron avait porté ce même message il y a un an en Chine, avec des résultats modestes.
Souhaitant le retour de "la paix et la stabilité" en Europe, Xi Jinping affirme dans Le Figaro vouloir "oeuvrer avec la France et toute la communauté internationale à trouver de bonnes pistes pour résoudre la crise" en Ukraine. Mais il continue d'afficher son soutien à la Russie, et se rendra après la France en Serbie et en Hongrie, deux pays restés proches de Moscou, avant de recevoir probablement le président Poutine en Chine.
Le président français enfoncera le clou mardi, dans les Pyrénées, à l'occasion d'une escapade plus personnelle entre les deux hommes.
Sur la question sensible des droits humains, Emmanuel Macron dit préférer évoquer "les désaccords" plutôt "derrière des portes closes".
Plusieurs milliers de Tibétains, selon leurs représentants, ont manifesté dimanche à Paris contre la venue du président chinois, en France, "pays des droits de l'homme" qui accueille "un dictateur".
Le candidat des socialistes français aux élections européennes Raphaël Glucksmann, fervent défenseur de la cause des Ouïghours, a appelé lundi Emmanuel Macron à être "ferme" face à Pékin. Dans une lettre ouverte publiée dans Le Monde, il reproche au président de "dérouler le tapis rouge" de façon "obséquieuse" à un "dictateur".
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