Le président chinois Xi Jinping se rend dimanche en Europe, déterminé à ne pas transiger sur son soutien inébranlable à la Russie, en allant d'abord en France, un soutien-clé de l'Ukraine, puis en Hongrie et en Serbie, deux alliés de Moscou.
Il s'agit de sa première tournée européenne depuis la pandémie de Covid-19, qui avait vu le géant asiatique se couper presque totalement du monde pendant près de trois ans.
S'il souhaite désormais renouer le contact et approfondir les liens avec l'Europe pour contrebalancer les tensions avec Washington, Xi Jinping ne semble pas prêt à renoncer à son soutien à Moscou.
Et il espère aussi manifester son mécontentement après les enquêtes européennes visant les pratiques commerciales chinoises.
Pour Paris, avec qui Pékin célèbre cette année 60 ans de relations diplomatiques, le sujet numéro un sera la guerre en Ukraine.
"La Chine étant l'un des principaux partenaires de la Russie", Emmanuel Macron entend "l'encourager à utiliser les leviers dont elle dispose sur Moscou afin de changer les calculs de la Russie et de pouvoir contribuer à une résolution de ce conflit", selon l'Elysée.
L'an dernier en Chine, le chef de l'Etat avait appelé Xi Jinping à "ramener la Russie à la raison". Peu après, le président chinois avait appelé son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky pour la première fois depuis le début du conflit en février 2022.
Mais les avancées diplomatiques escomptées par Paris s'étaient arrêtées là.
Le sujet devrait être au coeur de l'échange trilatéral, lundi à Paris, entre Emmanuel Macron, Xi Jinping et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
"Leviers"
"On verra jusqu'où Xi Jinping ira pour faire plaisir à Emmanuel Macron", note Valérie Niquet, directrice Asie à la Fondation pour la recherche stratégique (FRS).
"Mais la Chine ne bougera pas sur l'Ukraine".
Les autorités chinoises se disent officiellement neutres et n'ont jamais condamné l'invasion russe. Signe de la solidité des relations Pékin-Moscou, le président russe Vladimir Poutine se rendra en Chine en mai.
"Si les Européens s'attendent à ce que la Chine impose des sanctions à la Russie ou se joigne aux Etats-Unis et à l'Europe pour imposer des sanctions économiques à la Russie, je pense que c'est vraiment peu probable", estime Ding Chun, directeur du Centre d'études européennes de l'université Fudan à Shanghai.
Mais Pékin reste "le seul acteur international qui dispose des leviers suffisants" auprès de Moscou, confie une source diplomatique française.
C'est pourquoi "Paris va mettre la question du soutien de la Chine à la Russie au coeur des discussions, ce qui ne sera pas une conversation agréable", prédit Abigaël Vasselier, experte de l'institut Mercator d'études sur la Chine (Merics).
Un autre sujet risque de crisper le dialogue, celui des enquêtes européennes sur les pratiques commerciales chinoises dans différents domaines: automobile, ferroviaire, panneaux solaires, éolien ou encore dispositifs médicaux.
"Alliance des autocraties"
Pékin accuse l'Europe de "protectionnisme" et compte bien le faire savoir à Paris.
"La Chine est très désireuse de mettre ce sujet sur la table, mais la France soutient les plans de la Commission européenne", note Philippe Le Corre, expert du groupe de réflexion américain The Asia Society Policy Institute.
Quitte à en faire les frais: "Les Chinois tiennent la France pour responsable de l'enquête (sur les véhicules électriques chinois), ce qui est faux", affirme Marc Julienne, responsable des activités Chine à l'Institut français des relations internationales (Ifri).
En réponse, "il y a une coercition économique de la part de la Chine, même si elle le nie, avec l'enquête qu'elle a lancée sur les eaux-de-vie et cognacs. Personne n'est dupe, c'est une manière de cibler la France".
L'atmosphère s'annonce plus chaleureuse lors de la deuxième étape de la tournée européenne de Xi Jinping, qui après son passage en France lundi et mardi, sera de mercredi à vendredi en Hongrie et en Serbie, deux pays entretenant des liens amicaux avec Pékin et Moscou.
"L'idée est de mettre en avant une alliance des autocraties face au monde occidental" et "de montrer qu'il (Xi Jinping) a encore des alliés en Europe", analyse Valérie Niquet.
La visite coïncide avec le 25e anniversaire du bombardement par l'Otan de l'ambassade de Chine à Belgrade en 1999: "Commémorer le bombardement de l'Otan sur l'ambassade chinoise permet aussi de préparer la visite de Poutine en Chine" en martelant que "l'Otan est une menace pour la sécurité internationale", analyse Wang Yiwei, directeur du Centre d'études sur l'Union européenne à l'université chinoise de Renmin.
Les Européens espèrent peut-être transmettre, via Xi Jinping, un message à Vladimir Poutine à l'occasion de sa venue prochaine à Pékin, indique Marc Julienne.
Mais "il n'y a pas vraiment de raison que Xi Jinping se fasse le porte-parole des Européens auprès de Vladimir Poutine". D'ailleurs, "on a beaucoup plus le sentiment que Moscou fait passer des messages à l'Europe via la Chine".
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