Deux blocages d'autoroutes par des tracteurs ont commencé vers 14h00 (13h00 GMT), sur l'A13 au nord-ouest de la capitale, et sur l'A4 à l'est.
Au total, huit "points de blocage" autoroutiers ont été prévus par les principaux syndicats de la profession, afin de faire un "siège de la capitale" annoncé "pour une durée indéterminée".
Face au risque de débordements, 15.000 membres des forces de l'ordre ont été mobilisés. Dès dimanche soir, un important dispositif comprenant des blindés de la gendarmerie avait été déployé aux abords de Rungis, le plus grand marché de produits frais du monde, au sud de Paris, a constaté l'AFP.
Le président français Emmanuel Macron a donné "pour consigne" de "garantir que les tracteurs ne se rendent pas à Paris et dans les grandes villes pour ne pas créer des difficultés extrêmement fortes" et de faire en sorte que Rungis "puisse fonctionner ainsi que les aéroports parisiens d'Orly et de Roissy", a précisé le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.
En début d'après-midi lundi, M. Macron a annoncé réunir à 15h15 plusieurs ministres à l'Elysée pour un "point sur la situation agricole", avant le Conseil des ministres prévu à 16h00. M. Macron doit s'envoler en fin d'après-midi pour la Suède, pour une visite d'Etat mardi et mercredi, avant un Conseil européen extraordinaire à Bruxelles jeudi.
Entre blocages d'autoroutes et défilés de tracteurs, la grogne agricole s'était d'abord manifestée en décembre et janvier en Allemagne, avant de toucher la France, mais aussi la Roumanie, la Pologne, ou encore la Belgique.
Alors que des dizaines de tracteurs ont organisé une opération escargot dimanche sur une autoroute du Sud belge, et qu'en Allemagne plusieurs ports dont celui de Hambourg, le plus grand du pays, ont été bloqués lundi par des agriculteurs, le siège de Paris résonne comme un nouveau cap dans la mobilisation européenne.
Episodes climatiques extrêmes, grippe aviaire, flambée des prix du carburant ou afflux de produits ukrainiens exemptés de droits de douane, les facteurs communs de mécontentement ne manquent pas.
"Semaine de tous les dangers"
La nouvelle politique agricole commune européenne (PAC), qui renforce depuis 2023 les obligations environnementales, et les législations du "Pacte vert" européen (ou "Green Deal")- même si elles ne sont pas encore en vigueur - cristallisent tout particulièrement la colère.
La France a beau être le premier bénéficiaire des subventions agricoles européennes avec plus de neuf milliards d'euros par an, ses paysans dénoncent une PAC selon eux déconnectée du terrain.
"La France est l'un des seuls grands pays agricoles dont les parts de marché reculent", pointait un rapport sénatorial français en septembre 2022. En vingt ans, elle est passée du deuxième au sixième rang mondial pour ses exportations - et au troisième européen, après les Pays-Bas et l'Allemagne.
"Les importations alimentaires en France explosent : elles ont doublé depuis 2000 et représentent parfois plus de la moitié des denrées consommées en France dans certaines familles", poursuivait cette étude.
Les agriculteurs européens dénoncent une concurrence déloyale, notamment parce que les produits importés ne sont généralement pas soumis aux mêmes réglementations.
Le nombre d'exploitations agricoles a en outre été divisé en France par quatre en 50 ans: de 1,5 million en 1970, elles sont désormais moins de 400.000.
Le Premier ministre français Gabriel Attal, qui s'est rendu dimanche sur une exploitation agricole, a juré "d'avancer vite" pour répondre à la colère, après avoir annoncé vendredi l'abandon de la hausse d'une taxe sur le gazole des tracteurs ou des sanctions lourdes contre des industriels de l'agroalimentaire ne respectant pas les lois sur les prix.
Des mesure insuffisantes pour les protestataires.
La séquence qui s'ouvre lundi est celle d'une "semaine de tous les dangers, soit parce que le gouvernement ne nous entend pas, soit parce que la colère sera telle qu'ensuite chacun prendra ses responsabilités", a averti Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, premier syndicat agricole.
Le mouvement actuel est la troisième crise d'ampleur à laquelle est confronté l'exécutif depuis le début du deuxième quinquennat d'Emmanuel Macron, après la réforme des retraites qui avait déclenché des manifestations populaires monstres dans tout le pays en 2023, et l'adoption d'une loi immigration controversée en décembre.
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