Le président turc Recep Tayyip Erdogan et le président iranien Ebrahim Raisi lors d’une cérémonie de bienvenue à Ankara, le 24 janvier 2024. Photo : AFP
La visite, annoncée et reportée à deux reprises, intervient sur fond de tensions croissantes au Moyen-Orient.
"L'une des questions importantes qui inquiète tous les musulmans et les peuples éveillés dans le monde aujourd'hui est la question palestinienne", a souligné Raïssi avant son départ, selon l'agence officielle iranienne Irna.
"L'Iran et la Turquie ont une position commune de soutien au peuple palestinien et à (sa) résistance", a-t-il ajouté.
Malgré les efforts menés pour arrêter les bombardements sur Gaza, "à cause du soutien des Américains et des Occidentaux au régime sioniste, nous continuons d'assister au martyre de femmes, d'enfants et d'innocents palestiniens", a dénoncé Raïssi.
Le président Erdogan a lui aussi pris fait et cause pour le Hamas. Plus de 25.000 Palestiniens, pour la plupart des civils, ont été tués dans les opérations militaires israéliennes dans la bande de Gaza, selon le ministère de la santé de Gaza.
Le chef de l'Etat turc a qualifié Israël d'"Etat terroriste" et le Hamas de "groupe de libérateurs".
Erdogan, qui a rappelé début novembre l'ambassadeur de Turquie à Tel-Aviv, a toutefois jugé impossible de "rompre complètement" avec Israël.
Les Iraniens ont accusé Israël d'avoir tué ces dernières semaines un haut responsable iranien en Syrie et le numéro deux du Hamas au Liban, faisant craindre une extension de sa guerre contre le Hamas, tandis que les Gardiens de la Révolution ont mené mi-janvier une attaque au Kurdistan irakien contre "un quartier général" d'où opéraient, selon eux, les services de renseignement extérieur israéliens.
Ajoutant à une situation explosive, les rebelles yéménites Houthis soutenus par Téhéran, disant agir en solidarité avec les Palestiniens, ont multiplié ces dernières semaines les attaques contre des navires marchands en mer Rouge et dans le golfe d'Aden, entraînant des frappes américano-britanniques au Yémen.
"Les Iraniens jugent positives les déclarations fermes d'Erdogan, mais ils lui reprochent de ne pas rompre avec Israël", souligne Arif Keskin, chercheur spécialiste des relations turco-iraniennes à Ankara, pour qui la guerre à Gaza a toutefois créé une "proximité tactique" entre Téhéran et Ankara.
"Il est possible que Raïssi et Erdogan annoncent des mesures symboliques concernant la Palestine, mais je pense qu'ils se concentreront sur les manières de contenir le conflit (...) car c'est ce qu'Ankara et Téhéran souhaitent", estime Arash Azizi, maître de conférences en sciences politiques à l'Université américaine de Clemson.
Mais les deux voisins entretiennent des relations complexes sur plusieurs dossiers.
La Turquie a notamment appuyé les groupes rebelles en Syrie contre le président Bachar al-Assad, soutenu par Moscou et Téhéran.
Le soutien d'Ankara à l'Azerbaïdjan à propos du territoire disputé du Haut-Karabakh, dont Bakou s'est emparé en septembre lors d'une offensive éclair, a aussi irrité l'Iran, qui s'inquiète que la montée en puissance de Bakou dans le Caucase puisse alimenter des ambitions séparatistes au sein de sa propre minorité ethnique azérie.
L'Iran voit en outre d'un mauvais oeil toute ambition de l'Azerbaïdjan, allié d'Ankara, de se ménager un couloir en territoire arménien vers l'enclave du Nakhitchevan qui longe la frontière nord de l'Iran et pourrait compliquer son propre accès à l'Arménie.
La visite du président Raïssi, qui sera accompagné d'une large délégation, vise aussi à renforcer les liens commerciaux avec Ankara, souligne Arash Azizi.
"La Turquie est un pays musulman, un voisin et un partenaire commercial et économique important de la République islamique", a rappelé M. Raïssi, souhaitant porter "le volume des échanges et les relations économiques entre nos deux pays à 30 millions de dollars".
Les deux présidents pourraient ainsi discuter de l'ouverture d'un nouveau point de passage entre leurs deux territoires en vue de faciliter le commerce bilatéral.
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