"Sans-faute", "bon élève", "la meilleure incarnation de l'ADN macroniste": le phénomène Attal, déjà benjamin du gouvernement en 2017, puis plus jeune ministre de l'Education nationale, s'est finalement imposé pour succéder à Elisabeth Borne à Matignon à la surprise générale.
Personnalité la plus populaire du gouvernement et de la majorité présidentielle pour un Français sur deux, Gabriel Attal devient également le premier chef de gouvernement français ouvertement gay.
Sa nomination intervient alors que le deuxième quinquennat Macron est englué dans les difficultés: sans majorité à l'Assemblée nationale, confronté à la montée de l'extrême droite, le président français peine à donner du souffle à son deuxième mandat. L'adoption dans la douleur de la très controversée réforme des retraites, et plus récemment d'une loi immigration soutenue par l'extrême droite et ayant fracturé la majorité présidentielle, ont laissé des traces.
Issu de la mouvance des jeunes soutiens de Dominique Strauss Kahn, ancien poids lourd de la gauche tombé en disgrâce après avoir été arrêté pour agression sexuelle en 2012 à New York, Gabriel Attal avait fait partie des premiers socialistes à suivre Emmanuel Macron lors de la création en 2016 de son parti En Marche!, tremplin vers l'Elysée.
- "Un os à ronger pour Gabriel" -
Après la victoire de M. Macron en 2017, ce fils d'un producteur de cinéma, qui a fréquenté les bancs de la très huppée Ecole alsacienne à Paris, s'était fait élire député dans un fief de droite des Hauts-de-Seine, en banlieue parisienne.
De quoi entrer au gouvernement par la petite porte: chargé du modeste secrétariat d'Etat à la Jeunesse, il se fait remarquer par sa "capacité de travail" et son "sens politique", autant que par une ambition assumée. "Si je m'étais interdit des choses, je ne serais probablement pas là où j'en suis aujourd'hui", admettait-il volontiers à l'époque.
En juillet 2020, le Premier ministre de l'époque Jean Castex s'interroge: "A-t-on trouvé un os à ronger supplémentaire pour le jeune Gabriel?"
Pour se faire les dents, le benjamin hérite finalement du poste de porte-parole du gouvernement.
De plateaux de télévision en conférences de presse, Gabriel Attal se révèle dans cet exercice de service après-vente, marqué par la crise du Covid, même si son aplomb le trahit parfois.
Reste qu'il s'impose comme l'un des rares membres du gouvernement à se faire un nom dans l'opinion publique.
- Interdiction de l'abaya -
Après sa réélection en 2022, Emmanuel Macron lui offre le Budget, où son aisance médiatique lui permet d'être l'un des rares ministres envoyés en première ligne pour défendre l'impopulaire réforme des retraites.
La nouvelle récompense ne tarde pas: le prestigieux ministère de l'Education nationale, à partir de juillet 2023.
"Choc des savoirs", "école des droits et des devoirs", prise de position en faveur de l'uniforme, interdiction de l'abaya à l'école, le jeune ministre, omniprésent, monte au front, sature l'espace médiatique et séduit les populations âgées qui constituent le coeur de l'électorat macroniste.
Une conseillère ministérielle s'étonnait il y a quelques semaines de l'emballement autour de cet "apparatchik" volontiers moqué, y compris par les siens, pour son "côté tête à claques du premier de la classe".
Un "M. Macron junior, qui s'est spécialisé dans l'arrogance et le mépris", fustige pour sa part la cheffe des députés de la gauche radicale, Mathilde Panot.
A la tête du gouvernement depuis mai 2022, Mme Borne avait réussi à faire passer des lois difficiles, notamment une très impopulaire réforme des retraites au printemps dernier et une loi controversée sur l'immigration en décembre. Elle a surmonté une trentaine de motions de censure.
Le chef de l'Etat l'a remerciée sur X pour son travail "exemplaire" au "service de la Nation". Mme Borne, 62 ans, était la deuxième femme à occuper ce poste dans l'histoire de France.
Figurant parmi les personnalités politiques préférées des Français et macroniste de la première heure, Gabriel Attal, 34 ans, serait lui, s'il est nommé, le plus jeune Premier ministre de la Ve République.
Parmi les autres noms évoqués figurent le ministre des Armées Sébastien Lecornu, 37 ans, un proche d'Emmanuel Macron venu de la droite, et l'ancien ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, 43 ans, un autre macroniste historique.
'Briseur de code'
Le choix du nouveau Premier ministre est loin d'être neutre pour maintenir l'équilibre précaire du camp présidentiel, mis à mal par les divisions sur la loi immigration, adoptée avec les voix de l'extrême droite.
La mandat du futur chef de gouvernement sera placé sous le signe du "réarmement" vanté par M. Macron lors de ses voeux du Nouvel An: "réarmement industriel, économique, européen" mais aussi "civique", autour notamment du vaste chantier de l'école que Gabriel Attal a porté depuis l'été.
Pour le constitutionnaliste Benjamin Morel, le choix de cette personnalité symboliserait une "stratégie très offensive en vue des élections européennes" de juin, où l'extrême droite est donnée gagnante en France.
Gabriel Attal incarne "la jeunesse, l'ambition, ça évoque un peu en toile de fond le Macron du départ, un briseur de code", selon le politologue Bruno Cautrès, même si sa nomination "ne réglera pas le problème de la majorité", ni celui du "cap principal du mandat".
Le chef de l'Etat fait face à un mécontentement croissant depuis sa réélection en 2022.
Après deux mandats, Emmanuel Macron ne pourra pas se représenter en 2027 et un enjeu crucial sera d'empêcher la figure de proue de l'extrême droite, Marine Le Pen, qu'il a vaincue au second tour des deux dernières présidentielles, de lui succéder.
Issu de la gauche, Gabriel Attal avait fait partie des premiers socialistes à suivre M. Macron à la création en 2016 de son parti En Marche!, tremplin vers l'Elysée.
Entré par la petite porte au secrétariat à la Jeunesse, son ascension a été fulgurante: porte-parole du gouvernement, ministre du Budget, il a hérité de l'Education nationale en juillet.
A la tête de ce ministère, il a séduit les populations âgées qui constituent le coeur de l'électorat macroniste, avec ses prises de position en faveur de l'uniforme ou de l'interdiction de l'abaya à l'école.
En France, le président fixe traditionnellement les grandes orientations du quinquennat, tandis que son Premier ministre, responsable de la gestion quotidienne du gouvernement, paie généralement les pots cassés en cas de turbulences. Mais M. Macron est régulièrement accusé par ses détracteurs de concentrer les pouvoirs et faire de la micro-gestion.
"Le Premier ministre, ce sera Emmanuel Macron", a ainsi ironisé à la télévision publique le candidat de gauche aux européennes Raphaël Glucksmann.
Lien court: