Epilogue de plusieurs mois d'un feuilleton législatif tendu, le Parlement a approuvé définitivement mardi soir la loi sur l'immigration, durcissant nettement les conditions d'accueil des étrangers en France, à la satisfaction de la droite et de l'extrême droite de Marine Le Pen, qui y voit une "victoire idéologique".
Le texte, largement approuvé au Sénat, a été voté à l'Assemblée par 349 voix pour et 186 contre sur 573 votants à l'issue d'une soirée folle, avec les voix de la droite et de l'extrême droite (Rassemblement national, RN). Mais 59 députés de la majorité ont voté contre ou se sont abstenus.
"La majorité vit un moment plutôt douloureux", a admis la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet sur BFMTV-RMC, reconnaissant des "tiraillements". Le soutien de l'extrême droite s'apparente au "baiser de la mort" pour la majorité, s'est alarmé un macroniste de la première heure.
L'exécutif a pour sa part martelé que le texte serait passé même sans les voix du RN - soit si ses députés s'étaient abstenus, NDLR -, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin se félicitant de l'adoption d'un texte "fort et ferme", "pour la protection des Français", pour la "régularisation des travailleurs sans papiers".
Le projet de loi ne serait toutefois pas passé si les députés RN avaient voté contre, soulignent opposition et commentateurs politiques.
"Je suis profondément humaniste", "j'ai veillé à ce que ce texte respecte nos valeurs", s'est défendue la Première ministre Elisabeth Borne mercredi matin sur France Inter.
Elle a dans le même temps reconnu que certaines des mesures étaient probablement inconstitutionnelles et que le texte "serait amené à évoluer" après l'examen du Conseil constitutionnel saisi par le président de la République.
Sur le gril, la Première ministre s'est évertuée à assurer qu'"il n'y a pas de crise" au sein de sa majorité, bien que plusieurs ministres de "l'aile gauche" de la Macronie ont menacé de démissionner si le texte était adopté.
Le président Macron, qui avait fait de ce texte un test de sa capacité à réformer jusqu'à la fin de son deuxième mandat s'exprimera pour sa part dans une émission télévisée mercredi en fin de journée.
République souillée
Réélu en 2022 devant Marine Le Pen avec la promesse de faire barrage à l'extrême droite, le président devra répondre aux critiques de ceux qui l'accusent d'avoir fait voler en éclat le front républicain.
"Cette histoire laissera des traces profondes", "Emmanuel Macron a perdu sur tous les tableaux, estime mercredi le Figaro (droite) dans son éditorial.
Le quotidien de gauche Libération évoquait pour sa part "l'affront républicain", quand la Une de l'Humanité (communiste) dénonce une "République souillée".
Le texte, le 30e sur l'immigration en quatre décennies, se voulait un marqueur du "en même temps" cher à Emmanuel Macron, avec d'un côté un volet répressif sur l'expulsion des étrangers en situation illégale et, de l'autre, la promesse de régulariser certains travailleurs dans les métiers en tension.
Mais faute de majorité absolue à l'assemblée, il a été considérablement durci pour s'assurer les votes des députés de droite : le versement de prestations sociales a été restreint, des quotas migratoires instaurés, l'automaticité du droit du sol remise en question, un "délit de séjour irrégulier" rétabli... Des mesures saluées par le Rassemblement national, qui y voit la consécration de son pilier idéologique, "la priorité nationale".
Eric Ciotti, le président des Républicains (droite classique), un parti dont les idées se rapprochent de plus en plus de celles de l'extrême droite, a salué de son côté une "victoire historique pour la droite".
L'opposition de gauche a fustigé le texte, le président des députés socialistes Boris Vallaud accusant le gouvernement de "céder aux idées les plus rances". Le leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon a dénoncé une "écoeurante victoire".
Sujet récurrent en France, comme ailleurs en Europe, l'immigration enflamme régulièrement la classe politique. Une réforme très controversée sur le sujet a d'ailleurs fait l'objet d'un accord mercredi à Bruxelles.
La France compte 5,1 millions d'étrangers en situation régulière, soit 7,6% de la population. Elle accueille plus d'un demi-million de réfugiés. Les autorités estiment qu'il y aurait de 600.000 à 700.000 clandestins.
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