Des gens passent devant un panneau COP28 à Expo City lors du sommet des Nations Unies sur le climat à Dubaï le 5 décembre 2023. Photo: AFP
L'issue des négociations sur le climat les plus importantes depuis 2015, à la COP28, pourrait reposer sur une ambiguité autour d'un mot crucial, selon des experts: les "unabated fossil fuels", ou les énergies fossiles sans mesure de réduction des émissions de carbone.
Parmi les options très controversées retenues par les négociateurs de la COP28 dans un projet d'accord cette semaine, il y a notamment celle d'accélérer "les efforts visant à éliminer progressivement les +unabated fossil fuels+" - les combustibles fossiles non adossés à des dispositifs de captage de carbone - et à réduire leur utilisation pour atteindre la neutralité carbone d'ici 2050.
Il existe également une option consistant au cours de cette décennie à "abandonner rapidement le +unabated coal power+" - l'énergie alimentée au charbon sans mesure pour récupérer le CO2.
Le problème, disent les experts, est de préciser ce que cela recouvre réellement. "Des termes comme +unabated+ n'ont pas de signification claire pour le moment", a déclaré à la presse cette semaine Lisa Fischer, analyste du groupe de réflexion E3G.
"Abated" désigne généralement le captage des émissions avant qu'elles ne soient rejetées dans l'atmosphère.
Une note de bas de page dans le dernier rapport de référence de l'organe consultatif scientifique des Nations unies, le Giec, indique que les combustibles fossiles "unabated" sont "ceux qui ne font pas l'objet d'interventions permettant de réduire considérablement" les émissions de gaz à effet de serre.
Pour l'heure, les discussions sur la réduction des émissions portent essentiellement sur les technologies de captage et de stockage du carbone (CSC) qui piègent les émissions à la sortie des centrales électriques ou sites industriels. L'industrie pétrogazière et les principaux pays producteurs, dont les Émirats arabes unis, hôtes de la COP28, en font l'apologie.
À court terme, le Giec estime que les émissions de gaz à effet de serre doivent être réduites de près de moitié au cours de cette décennie pour contenir le réchauffement climatique à +1,5 °C.
Cela implique de remplacer rapidement les combustibles fossiles par des énergies renouvelables, affirment les experts, qui notent que le CSC n'a guère de rôle à jouer dans cette décennie cruciale.
En 2022, 35 installations dans le monde ont piégé seulement un total de 45 millions de tonnes de CO2, selon l'Agence internationale de l'énergie.
Or il faudrait réduire les émissions mondiales de 22 milliards de tonnes "au cours des sept prochaines années", répète Sultan Al Jaber, président de la COP28, qui dirige par ailleurs la compagnie pétrolière émiratie Adnoc.
Diversion
Même à plus long terme, les scientifiques prévoient que l'utilisation des techniques de CSC sera limitée et concentrée sur les secteurs les plus difficiles à décarboner, comme le ciment.
Dans une déclaration publiée avant les négociations sur le climat, la High Ambition Coalition, qui regroupe des pays tels que la France, le Kenya et la Colombie, a déclaré que les technologies de réduction n'avaient qu'un rôle "minime" à jouer pour décarboner l'énergie.
"Nous ne pouvons pas l'utiliser pour donner un feu vert à l'expansion des combustibles fossiles", ont-ils déclaré. Certains craignent aussi que la technologie ne soit pas suffisamment efficace.
Car une dépendance excessive à l'égard du CSC à grande échelle - et une performance insuffisante - pourraient entraîner un excédent de 86 milliards de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre entre 2020 et 2050, selon une analyse du groupe Climate Analytics.
Lisa Fischer de E3G y voit "une tactique de diversion": "On ne peut pas vraiment installer un petit dispositif de captage du carbone sur chaque pot d'échappement de voiture".
Jusqu'à présent, installer des dispositifs de captage de CO2 sur des centrales électriques au gaz ou au charbon, puis stocker le CO2, s'est avéré techniquement faisable, mais peu rentable.
Selon un rapport de la Smith School of Enterprise and the Environment (Université d'Oxford), une forte dépendance à l'égard du CSC coûterait au moins 30.000 milliards de dollars de plus que de parier sur les énergies renouvelables et l'efficacité énergétique.
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