Malgré l’annexion, par la Russie, de quatre régions séparatistes, l’Ukraine ne baisse pas les bras et poursuit sa contre-offensive pour regagner du terrain. L’armée ukrainienne est entrée, samedi 1er octobre, dans Lyman, ville stratégique de l’est de l’Ukraine, dans la région de Donetsk. Saluant cette importante victoire tactique, Lyman étant un noeud ferroviaire crucial, le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, a assuré que la semaine prochaine, « de nouveaux drapeaux ukrainiens flotteront sur le Donbass », où se trouve la région de Donetsk. La perte pour Moscou de Lyman serait un nouveau revers pour l’armée russe, après avoir essuyé plusieurs échecs militaires depuis début septembre et le lancement de la contre-offensive de Kiev dans le sud et l’est de l’Ukraine. « Menacées de se faire encercler, les troupes alliées ont été retirées de Lyman vers des lignes plus favorables », a indiqué dans un communiqué le ministère russe de la Défense.
« La reprise de Lyman était prévisible. Kiev se prépare à cette opération depuis plusieurs semaines. Car la reprise de Lyman peut constituer un tournant dans la guerre. Bien sûr, l’Ukraine est soutenue par l’Occident à tous les niveaux, militairement et politiquement. Il n’en demeure pas moins que tous les scénarios sont possibles. La guerre ne se terminera pas si vite, la Russie a toujours ses tactiques et ses plans », estime Dr Moatez Salama, analyste au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.
En revanche, Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques à l’Université du Caire, explique que ce sont les troupes russes qui se sont retirées de Lyman, et que c’est seulement après ce retrait que l’armée ukrainienne a occupé la ville. « Il n’y a pas eu de combats entre les deux armées, donc pas de vainqueur. Il s’agit d’un redéploiement stratégique des troupes russes, le temps de se réorganiser. Moscou a organisé les référendums et les cérémonies des annexions des quatre régions stratégiques ukrainiennes, puis s’est retiré de Lyman », explique l’experte, estimant que le président russe, Vladimir Poutine, a réalisé son but essentiel, à savoir occuper ces quatre régions hautement stratégiques.
Mais que va-t-il se passer après ? Soliman s’attend à ce que Poutine appelle à un cessez-le-feu et au lancement de négociations de paix. « Il ne va pas céder et ces régions sont pour lui des régions russes qu’il va défendre jusqu’au dernier soldat. Il est vrai que ces annexions sont illégitimes au vu du droit international et qu’elles ne sont pas reconnues, mais il a déjà fait la même chose en 2014, quand il a annexé la Crimée. Cette annexion n’a, depuis, pas été reconnue, il n’empêche que la Crimée reste sous contrôle russe. C’est la politique du fait accompli », explique Dr Mona Soliman, tout en ajoutant que Poutine possède en main une carte de pression importante avec l’arrivée de l’hiver et la crise de l’énergie en Europe. Selon l’analyste, qui rappelle que la Russie fournissait 40 % des besoins énergétiques des pays d’Europe occidentale, les accords signés avec l’Algérie et le Qatar pour l’approvisionnement en gaz restent insuffisants, et l’Occident a toujours besoin du gaz russe. « C’est une carte de pression importante que Poutine va utiliser sur la table des négociations », affirme-t-elle.
A défaut du Conseil de sécurité, un vote à l’Assemblée générale
La reprise de Lyman intervient au lendemain de la signature par Vladimir Poutine des documents d’annexion, aux côtés des dirigeants des régions séparatistes d’Ukraine de Donetsk et Lougansk (est), et de celles occupées par les troupes russes de Zaporijia et de Kherson (sud). Une cérémonie en grande pompe a été organisée à l’occasion au Kremlin, vendredi 30 septembre. « La victoire sera à nous », a dit Poutine dans son discours, tout en pointant du doigt l’Occident, qu’il a accusé de vouloir préserver un « système néocolonial », assurant de son côté qu’il « n’aspirait pas » à restaurer l’URSS. Et deux jours après la cérémonie, la Cour constitutionnelle russe a jugé ces annexions « conformes à la Constitution ».
Ces annexions, qui ont fait suite à des référendums tenus la semaine dernière, ne sont toutefois pas reconnues par la communauté internationale, tout comme les scrutins. Cependant, la communauté internationale se trouve impuissante: comme prévu, la Russie a utilisé son veto vendredi 30 septembre pour empêcher l’adoption d’une résolution du Conseil de sécurité de l’Onu condamnant ces annexions. En dehors du veto russe, la résolution a recueilli dix voix en sa faveur et quatre pays se sont abstenus, la Chine, l’Inde, le Brésil et le Gabon, un résultat que les Occidentaux ont décrit comme une preuve de l’isolement de la Russie.
Les Occidentaux vont désormais se tourner vers l’Assemblée générale, qui devrait se prononcer dans les prochains jours. Ce futur vote à l’Assemblée générale, où aucun des 193 Etats membres n’a pas de veto, permettra d’évaluer plus précisément le degré d’isolement de la Russie, alors que certains pays en développement s’agacent que l’Occident concentre toute son attention sur l’Ukraine. Au printemps, l’Assemblée générale avait voté trois résolutions concernant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, la troisième fin avril s’étant traduite par un effritement de l’unité internationale face à Moscou.
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