Suite à la visite de Pelosi, l’armée chinoise a lancé les plus importants exercices militaires de son histoire jamais menés autour de Taïwan. (Photo : AP)
Entre Washington et Pékin, les sujets de désaccord ne manquent pas. L’un d’entre eux, et pas des moindres, Taïwan, est revenu en scène après la visite, la semaine dernière à Taïwan, de la présidente de la Chambre des représentants américaine, Nancy Pelosi, qui a provoqué la colère de Pékin. Il s’agit de la visite la plus importante d’un élu américain à Taïwan en 25 ans. Le régime chinois, farouchement hostile à toute forme de reconnaissance internationale pour Taïwan, a perçu comme une provocation majeure la visite à Taipei de Nancy Pelosi.
Et les réactions de la Chine ne se sont pas fait attendre. La première a été le lancement, par l’armée chinoise, des plus importants exercices militaires de son histoire jamais menés autour de Taïwan : des exercices pratiques conjoints en mer et dans l’espace aérien entourant l’île de Taïwan, incluant des avions de chasse, des navires de guerre et des missiles balistiques dans ce que le ministère taïwanais de la Défense considère comme « une simulation de blocus et d’invasion de Taïwan ».
Ces vastes manoeuvres se sont achevées dimanche 7 août, mais Pékin compte mener de nouveaux exercices à tir réel jusqu’au 15 août dans la mer Jaune, qui sépare la Chine de la péninsule coréenne. Ces exercices sont un avertissement envoyé à la présidente taïwanaise, Tsai Ing-wen, issue d’un parti indépendantiste, et aux Etats-Unis, accusés par Pékin d’avoir « trahi » leur parole en renforçant ces dernières années leurs relations avec les autorités taïwanaises.
Pour les observateurs occidentaux, c’est un avant-goût sans précédent de ce que serait une vraie campagne militaire de Pékin contre son voisin. Pour la première fois, l’armée chinoise a mené des exercices sur le flanc est de Taïwan, une zone hautement stratégique pour l’approvisionnement de l’île et par laquelle arriveraient d’éventuels renforts américains. Le signal est clair : Pékin peut désormais empêcher toute entrée ou sortie de l’île de navires et d’avions civils ou militaires. Depuis longtemps, les analystes prédisent une telle stratégie de la part de la Chine en cas de guerre pour conquérir Taïwan.
Suspension des discussions sur le climat
Pékin a également annoncé « imposer des sanctions » à Pelosi et à sa « famille proche ». Autre réaction, la Chine a annoncé vendredi 5 août mettre fin à la coopération avec les Etats-Unis sur plusieurs dossiers. Tout d’abord, Pékin a suspendu les négociations sino-américaines sur le changement climatique et annulé un entretien entre les dirigeants militaires, ainsi que deux réunions sur la sécurité. La Chine et les Etats-Unis, les deux plus importants émetteurs de gaz à effet de serre, avaient noué un accord surprise sur le climat lors du sommet de la COP26 à Glasgow l’an dernier. Ils s’y engageaient à travailler ensemble pour accélérer les actions pour le climat lors de la prochaine décennie et à se réunir régulièrement pour s’attaquer à la crise climatique. Parmi les autres mesures annoncées par Pékin, le ministère des Affaires étrangères a dit suspendre la coopération avec Washington sur le rapatriement des migrants illégaux, ainsi qu’en matière de justice, de criminalité transnationale et de lutte antidrogue.
En réponse, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a dénoncé la « disproportion totale » de la réaction chinoise. La Chine ne devrait pas prendre en « otage » les discussions sur des questions telles que le changement climatique car cela « ne punit pas les Etats- Unis, mais le monde entier », a-t-il dit. Ces dernières années, la Chine a imposé des sanctions à de nombreux représentants américains pour avoir agi, selon elle, contre ses intérêts et s’être exprimé sur les droits de l’homme concernant Hong Kong et le Xinjiang (nord-ouest), parfois sans spécifier la nature de ces sanctions. Officiellement, Washington ne reconnaît pas Taïwan. Mais dans les faits, Taïwan jouit de tous les avantages d’une pleine relation diplomatique avec les Etats-Unis. Ces derniers n’ont pas d’ambassade à Taipei, mais un « institut américain » en fait office. Aux Etats-Unis, le « bureau de représentation économique et culturel de Taipei » est également une ambassade qui ne dit pas son nom.
Pékin a également imposé des sanctions économiques et multiplié les efforts pour isoler Taipei du reste du monde, des initiatives qui pourraient chambouler définitivement le statu quo dans le détroit de Taïwan, avertissent les experts. Cependant, selon Washington, les difficultés économiques actuelles de la Chine rendent peu probable le fait qu’elle prenne le risque à court terme d’une perturbation majeure dans le détroit de Taïwan, une des voies navigables les plus fréquentées au monde.
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