
La commission mixte sur l'accord de 2015 doit se réunir le 1er septembre dans un contexte d'extrême tension.
C’est une visite qui s’inscrit dans un contexte explosif, celle du directeur général de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), arrivé lundi 24 août à Téhéran. La première de Rafael Mariano Grossi en Iran depuis sa prise de fonction en décembre dernier. Le site de la télévision d’Etat iranienne, Irib News, a dit qu’il s’agissait d’une visite visant à améliorer la coopération concernant les activités nucléaires de Téhéran, le communiqué de l’agence que Grossi abordera « la possibilité pour les inspecteurs de l’AIEA d’accéder aux endroits dans lesquels ils souhaitent se rendre ». « J’ai décidé de venir personnellement à Téhéran afin de souligner l’importance de la coopération et de la mise en oeuvre complète de tous les engagements en matière de garanties avec l’AIEA », a déclaré Mariano Grossi.
Une visite qui intervient en amont d’une réunion, le 1er septembre, de la commission mixte sur l’accord de 2015 sur le nucléaire iranien, mais qui intervient surtout dans une période de fortes tensions entre les Etats-Unis et les Européens après la tentative de Washington de maintenir un embargo sur les armes en Iran et son projet de réimposer des sanctions onusiennes contre la République islamique. Vendredi 21 août, Washington a accusé Pékin, Londres et Paris de « manquer à leur devoir » en s’opposant à la procédure américaine, selon laquelle toutes les sanctions prises par l’Onu contre l’Iran devraient s’appliquer de nouveau le 19 septembre. Ce mécanisme dit « snapback » au titre de « participant » à l’accord sur le nucléaire de 2015 a été formellement activé la veille à l’Onu. Mais les Etats-Unis se sont immédiatement heurtés au refus catégorique de leurs alliés européens et des autres grandes puissances. En effet, Washington s’est trouvé isolé aux Nations-Unies, 13 des 15 pays membres du Conseil de sécurité ayant exprimé leur opposition. Les opposants ont fait valoir que l’initiative de l’Administration Trump s’appuyait sur une procédure prévue par l’accord de 2015, dont les Etats-Unis se sont retirés en 2018. Pour contrer l’argument selon lequel ils ont eux-mêmes dénoncé l’accord de 2015, les Etats-Unis arguent du fait que la résolution de 2015 du Conseil de sécurité les mentionne toujours comme l’un des participants. Mais dans une lettre commune adressée jeudi 20 août au Conseil de sécurité, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la France déclarent que « toute décision ou mesure prise sur la base de cette procédure ou son issue éventuelle serait dénuée de tout effet juridique ».
Réponse américaine : « Nous n’avons besoin de la permission de personne pour lancer le snapback », a dit à des journalistes Brian Hook, l’émissaire américain pour l’Iran. « L’Iran viole ses engagements en matière de nucléaire. Les conditions pour lancer le snapback sont là », a-t-il insisté. « La Chine, la Russie, la France et le Royaume-Uni ont décidé d’ignorer le point de vue du Conseil de coopération du Golfe », qui rassemble « les pays les plus proches du danger », a-t-il dit. Et le responsable américain de réitérer que, quelle que soit la position des autres pays du Conseil de sécurité, ce mécanisme ne peut être bloqué. Quant au secrétaire d’Etat américain, Mike Pompeo, il a mis en garde la Russie et la Chine contre un refus de sanctionner Téhéran en les menaçant de mesures de représailles. « Je vous assure que les Etats-Unis utiliseront tous les moyens à leur disposition pour être sûrs que les Chinois et les Russes soient incapables de livrer des armes qui nous menacent à l’Iran », a-t-il affirmé à Fox News. Mais d’ores et déjà, Téhéran brave Washington : en visite en Russie samedi 22 août, le ministre iranien de la Défense, Amir Hatami, a déclaré que Téhéran souhaitait renforcer la coopération bilatérale dans le domaine militaire et organiser de nouvelles manoeuvres navales avec Moscou et Pékin, faisant référence aux exercices conjoints des trois pays tenus du 27 au 30 décembre 2019 dans le nord de l’océan Indien et en mer d’Oman, non loin du détroit d’Ormuz.
Les alliés de Téhéran sous pression
Nous sommes donc face à un bras de fer qui implique plusieurs parties. Dans ce contexte de pression maximale contre Téhéran, la tension est de nouveau montée dans le Golfe. L’Iran a annoncé jeudi 20 août détenir, depuis le 17, un navire des Emirats arabes unis après la mort de deux pêcheurs iraniens. Dans le même temps, l’Iran a présenté deux nouveaux missiles de croisière d’une portée de 1 000 et 1 400 kilomètres.
Une démonstration de force qui vient compléter la panoplie des missiles iraniens, alors que les Etats-Unis tentent de réimposer les sanctions contre l’Iran, mais aussi de resserrer l’étau contre ce pays par tous les moyens. Lors de la visite du premier ministre iraqien, Moustafa Al-Kazimi, à Washington le 20 août, il était certes question des relations bilatérales et de la présence américaine en Iraq, mais aussi des moyens de faire face à « l’agression iranienne » dans la région. Car si Bagdad est un allié de Washington, il entretient aussi des relations fortes avec Téhéran. Et si les Américains reconnaissent les liens culturels et religieux entre les deux pays, l’Administration Trump entend tout faire pour diminuer l’influence de l’Iran en Iraq, qu’elle juge déstabilisatrice. Les Etats-Unis ont ainsi appelé l’Iraq à démanteler tous les « groupes armés, qui ne sont pas sous le contrôle total du premier ministre », selon les termes de Mike Pompeo, qui, sans les désigner explicitement, parlait des milices chiites pro-Iran. Il a promis de « soutenir les forces de sécurité iraqiennes » pour « diminuer la puissance des milices qui terrorisent depuis trop longtemps le peuple iraqien et sapent la souveraineté nationale de l’Iraq ».
Outre l’Iraq, la pression se fait de plus en plus forte au Liban contre le Hezbollah, le parti chiite pro-Iran. Accusé d’être en partie responsable de tous les maux du pays du Cèdre, le Hezbollah est de plus en plus pointé du doigt en raison de ses liens avec Téhéran. Sa direction a certes été blanchie par le Tribunal Spécial pour le Liban (TSL) de toute responsabilité dans l’assassinat de l’ancien premier ministre libanais, Rafic Hariri, mais un de ses membres a été reconnu coupable. Une condamnation qui, selon Pompeo, « contribue à confirmer ce que le monde reconnaît de plus en plus : que le Hezbollah et ses membres ne sont pas des défenseurs du Liban comme ils le prétendent, mais forment une organisation terroriste dont l’objectif est de promouvoir les projets sectaires néfastes de l’Iran ».
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