Dans la foulée des tensions, Moscou a annoncé la fermeture du consulat américain à Saint-Pétersbourg. (Photo : Reuters)
C’est la plus grave crise entre l’Occident et la Russie depuis la fin de la guerre froide. Suite à la vague d’expulsions de diplomates russes de différents pays occidentaux, Moscou a riposté. Comme mesure de rétorsion, Moscou a expulsé à son tour le même nombre de diplomates que chaque pays européen avait expulsé d’émissaires russes en plus de 60 diplomates américains, affirmant samedi 31 mars que le Royaume-Uni devrait réduire son personnel diplomatique en Russie de plus de 50 personnes, dans ce qui est la plus importante vague d’expulsions croisées de diplomates de l’Histoire.
« Les alliés du Royaume-Uni suivent aveuglément le principe de l’unité euro-atlantique au détriment du bon sens, des normes d’un dialogue civilisé entre Etats », affirme un communiqué du ministère russe des Affaires étrangères. « Ce n’est pas la Russie qui a engagé une guerre diplomatique, ce n’est pas la Russie qui a initié un échange de sanctions ou un échange d’expulsion de diplomates », s’est disculpé le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov.
Auparavant, faisant front uni face à la Russie après l’empoisonnement au Royaume-Uni d’un ex-agent double russe Sergueï Skripal, les Etats-Unis et 18 Etats de l’Union européenne, rejoints par l’Ukraine, l’Australie, le Canada, la Moldavie, l’Albanie et la Macédoine, avaient annoncé la semaine dernière 145 expulsions de diplomates russes. Sans compter les 7 membres de la mission russe au siège de l’Otan à Bruxelles, auxquels l’Alliance va retirer l’accréditation.
Mais pourquoi donc cette crise a-t-elle pris autant d’ampleur, alors que ce genre de scénario sur les espions est sans doute commun, et qu’il est généralement gardé en secret? Selon les experts, l’affaire Skripal, qui tombe en pleine tension entre Moscou et l’Occident, n’est qu’un prétexte aux Occidentaux pour qu’ils répondent d’une manière « massive et coordonnée » à la politique interventionniste et expansionniste du président russe, Vladimir Poutine.
En effet, c’est la politique de ce dernier qui ne cesse d’exacerber la colère des Occidentaux. Et ce, depuis plusieurs années, plus précisément, depuis que le président russe a laissé clairement entrevoir son désir de revenir en force sur la scène internationale, et de se réimposer en tant que puissance mondiale. On l’a vu quand la Russie a annexé la Crimée en 2014, encore plus quand, en septembre 2015, elle est intervenue en Syrie où elle a changé la donne. On l’a vu aussi avec les accusations selon lesquelles la Russie aurait eu un rôle à la présidentielle américaine de 2016.
Face à tant d’« avancées » sur l’échiquier politique international, l’Occident devait réagir. Faisant preuve de solidarité, les Occidentaux tentent donc de faire pression sur la Russie pour limiter son rôle sur la scène internationale. Et ce, à un moment où l’arme des sanctions reste sans lendemain. Car pour Poutine, l’essentiel est de récupérer l’hégémonie de son pays sur la scène internationale quel que soit le prix.
A chacun ses raisons
Or, si la réaction des Occidentaux est la même, chacun a ses propres raisons. Pour les Européens, ce qui dérange le plus c’est l’Ukraine et l’annexion de la Crimée. Pour les Américains, c’est l’intervention russe dans la présidentielle de 2016. Car le président américain Donald Trump — ainsi que toute son Administration — adopte une politique de plus en plus agressive à l’égard de Moscou pour se disculper de cette accusation qui pourrait torpiller son pouvoir. Il est évident que Trump avait saisi l’occasion de l’affaire Skripal pour s’unir avec les Européens et isoler la Russie sur l’arène internationale.
D’ores et déjà, la plupart des experts s’attendent à une aggravation de la crise Est-Ouest les jours à venir, mais elle va en fin de compte s’apaiser pour éviter toute confrontation militaire car nulle superpuissance ne semble disposée à s’enliser dans une troisième guerre mondiale. A l’instar de sa crise avec l’Iran et la Corée du Nord, l’Occident — et surtout les Etats-Unis — va opter pour la désescalade à la dernière minute, mais après l’obtention du maximum des concessions russes. Ce qui semble sûr pour le moment, c’est que nous sommes au bord d’une nouvelle guerre froide.
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