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Quelle paix défend Trump ?

Aliaa Al-Korachi , Mercredi, 29 janvier 2025

Depuis son retour à la Maison Blanche, le président américain, Donald Trump, multiplie les déclarations controversées qui contredisent ses promesses de paix dans le monde, soulevant des interrogations sur ses véritables intentions.

Quelle paix défend Trump ?
Le retour des déplacés vers le nord de Gaza témoigne du profond attachement des Palestiniens à leur terre.

Donald Trump est sans aucun doute l’homme de toutes les contradictions. Après sa victoire à la présidentielle américaine, Trump avait promis de mettre un terme aux guerres, se présentant comme un « artisan de la paix ». Pourtant, depuis son entrée à la Maison Blanche, le chef de l’exécutif américain multiplie les déclarations et les mesures controversées. Il commence par proposer un plan pour déporter les Palestiniens de Gaza et lever les sanctions à l'égard des colons israéliens de Cisjordanie. Puis il se retire de l'Accord de Paris sur le climat et de l'Organisation mondiale de la santé, coupe les aides au développement et impose des droits de douane aux partenaires commerciaux. Des mesures qui soulèvent bien des interrogations quant à la nature de la paix recherchée par Trump. Selon les observateurs, la rhétorique de la paix adoptée par le président américain est totalement en contradiction avec sa théorie d'influence qui repose essentiellement sur l'idée que la persistance des conflits est essentielle au maintien d'une influence américaine dans diverses régions du monde.

L'insistance répétée de Trump à vouloir changer le nom du golfe du Mexique en golfe américain, à reprendre par la force le contrôle du canal de Panama et du Groenland, territoire danois et plus grande île du monde, ainsi qu'à annexer d'autres régions comme le Canada est en totale contradiction avec le respect de la souveraineté des Etats, comme l’explique Hassan Abou-Taleb, politologue. « Les intentions de Trump ne sont guère encourageantes. Il veut étendre la souveraineté américaine en annexant des territoires, des biens et des actifs appartenant à d'autres nations, sans se soucier du droit international. Pour lui, la grandeur de l'Amérique prime sur tout », explique Abou-Taleb. Et d’ajouter : « Le grand paradoxe de la perception de Trump réside dans le fait qu'il s'est engagé à mettre fin aux guerres, alors que dans la pratique, il promet d’en déclencher de nouvelles, tant sur le plan économique que sur le plan stratégique ».

Nouvelle ère de guerre commerciale

Sous le slogan « Make America Great Again », Trump a décidé de mener des guerres commerciales à grande échelle sans faire de différence entre alliés et adversaires. Lors de sa participation au Forum économique de Davos, il a annoncé qu’« une nouvelle ère dorée de l'Amérique ne fait que commencer », en soulignant qu'il ne permettrait plus « à quiconque d'exploiter les Etats-Unis ». En effet, au premier jour de son retour à la Maison Blanche, Trump a déclaré son intention d'augmenter les droits de douane sur les produits de ses deux voisins, à savoir le Canada et le Mexique de 25 % dès le 1er février. « Si l’Union européenne et la France ne font rien face à Donald Trump, nous allons être écrasés », a déclaré le premier ministre français, François Bayrou. Face à l'arrivée d'une nouvelle Administration américaine, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a exprimé à Davos sa volonté d'établir de nouveaux partenariats, tout en tendant la main à la Chine, soulignant « l'importance d'une approche pragmatique face à cette nouvelle donne politique ». Le président américain a prévenu également qu'il imposerait des droits de douane élevés et d'autres sanctions à la Russie si son homologue russe, Vladimir Poutine, refusait de mettre fin à la guerre en Ukraine. Selon Amr Abdel-Atty, spécialiste des affaires américaines, « les menaces de Trump d'augmenter les tarifs douaniers sur les principaux partenaires commerciaux, notamment le Canada, le Mexique et la Chine, risquent de perturber les chaînes d'approvisionnement mondiales. En plus, les mesures de rétorsion de la part des partenaires commerciaux pourraient également créer des incertitudes sur les marchés internationaux ».

Gaza : De l’huile sur le feu

Un appel à la guerre. Avant même d'être investi président des Etats-Unis, Donald Trump s'est vanté du rôle qu'il avait joué dans l'obtention d'un cessez-le-feu et la libération des otages à Gaza. Toutefois, lorsqu'un journaliste lui a demandé s'il pensait qu'Israël et le Hamas maintiendraient l'accord de cessez-le-feu historique, il a répondu : « Ce n'est pas notre guerre, c'est la leur ». Ainsi, l'une des premières décisions de Trump après son investiture a été d'annuler un décret pris par son prédécesseur, Joe Biden, visant à imposer des sanctions aux colons impliqués dans des actes de violence en Cisjordanie occupée. La décision de Trump a coïncidé avec une nouvelle attaque de colons dans deux villages de Cisjordanie et avec l'opération « Mur de fer », menée par l'armée israélienne dans la ville de Jénine. Il a également permis la livraison de 1 800 bombes que l'Administration Biden avait interdit d'envoyer à Israël, avertissant que leur utilisation causerait une « grande tragédie humaine ».

La proposition de Trump de transférer les habitants de Gaza vers l'Egypte et la Jordanie a suscité une grande indignation à travers le monde. « J'aimerais que l'Egypte prenne des gens et que la Jordanie prenne des gens. On parle probablement de 1,5 million de personnes, ça pourrait être temporaire ou à long terme », a déclaré Trump. La réponse ne s'est pas fait attendre. La Jordanie et l'Egypte ont fermement rejeté tout projet de déplacement des Palestiniens de Gaza, soulignant qu'une telle mesure serait une liquidation de la cause palestinienne. « Le plan de nettoyage de Gaza à l'issue du conflit ne sera qu'une autre forme de guerre », a déclaré Hassan Jabarin, directeur de l'Organisation palestinienne de défense des droits de l'homme. Le secrétaire général de l'Initiative nationale palestinienne, Mustafa Barghouti, a souligné que Trump veut utiliser la pression politique pour mettre en œuvre ce que le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, n'a pas réussi à faire pendant la guerre. Selon Mohamed Abdel-Wahed, expert stratégique, la proposition de Trump est une simple réédition d'une idée ancienne : le « Deal du siècle », qui a échoué en raison du rejet des pays arabes et des Palestiniens. « L'idée de transférer les Palestiniens vers le Sinaï a été rejetée par l’Egypte à plusieurs reprises, tant au niveau populaire qu'officiel. L'objectif est de déplacer environ un million de Palestiniens de Gaza vers le Sinaï, mettant ainsi en œuvre l'ancien projet israélien de transfert. Le président égyptien, Abdel Fattah Al-Sissi, a clairement averti à propos des dangers de porter atteinte à la sécurité nationale égyptienne et a réaffirmé son rejet de tout transfert de Palestiniens vers le Sinaï ou ailleurs en Egypte et son opposition à tous les plans visant à liquider la cause palestinienne », conclut Abdel-Wahed. Lundi 27 janvier, après 470 jours de guerre à Gaza, des centaines de milliers de Palestiniens sont revenus au nord de l’enclave palestinienne à travers la route d’Al-Rashid, traversant une distance de 7 kilomètres à pied. Ce retour est la plus grande preuve que les Palestiniens sont rattachés à leur patrie et refusent d’être déracinés de leur terre, estiment les experts.

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