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Soutien à Gaza : L’Egypte sur tous les fronts

Aliaa Al-Korachi , Jeudi, 23 janvier 2025

Outre les efforts de médiation, Le Caire est appelé à gérer plusieurs dossiers cruciaux au lendemain de l’accord de cessez-le-feu : acheminement de l’aide humanitaire, consolidation du cessez-le-feu et lancement de la reconstruction de la bande de Gaza. Focus.

Soutien à Gaza : L’Egypte sur tous les fronts

Aides humanitaires : La course contre la montre

 L’épopée des camions. A 11h15, après trois heures de retard, le grondement des bombardements cesse, cédant enfin la place aux klaxons des camions, franchissant le terminal de Rafah, pour porter secours aux habitants de cette ville sinistrée. Un moment longtemps attendu. Dès le premier jour de l’entrée en vigueur du cessez-le-feu dans la bande de Gaza, la scène la plus marquante a été l’alignement de plusieurs centaines de camions d’aide humanitaire et d’ambulances chargés d’aides alimentaires et médicales attendant le feu vert pour entrer. Selon l’accord de cessez-le-feu, 600 camions doivent entrer chaque jour, dont 50 transportant du carburant et 300 dédiés au nord de la bande de Gaza, la région la plus durement touchée par la guerre. En raison des obstacles logistiques et de l’entrée en vigueur tardive du cessez-le-feu, 330 camions d’aide humanitaire ont pénétré le premier jour de la trêve dans la bande de Gaza. Les organisations internationales et locales, telles que l’UNRWA et le Programme Alimentaire Mondial (PAM), réceptionnent ces aides pour les distribuer aux déplacés dans toutes les régions du secteur, y compris le sud, le centre et le nord. « Outre la consolidation du cessez-le-feu, la priorité absolue est de répondre à la situation humanitaire catastrophique dans la bande de Gaza. L’Egypte est sur tous les fronts pour assurer la sécurité et la fluidité des convois d’aide humanitaire à l’intérieur de la bande de Gaza », a déclaré Badr Abdelatty, ministre des Affaires étrangères et de l’Emigration, qui a exprimé l’espoir de voir entrer 1 000 camions d’aide par jour à Gaza. « Le risque de famine reste présent, d’où la nécessité d’introduire rapidement l’aide pour la distribuer aux habitants. La priorité est donnée à l’introduction de tentes pour les familles déplacées en raison du froid et de la baisse des températures », a déclaré Nebal Farsakh, porte-parole du Croissant-Rouge palestinien. En fait, sur le plan humanitaire, l’Egypte a été fortement présente, fournissant plus de 87 % de l’aide humanitaire totale qui est entrée dans la bande de Gaza depuis le début de la crise.

Par ailleurs, quelles sont les mesures prévues par l’Egypte pour accueillir les blessés ? Avec l’intensification des frappes israéliennes et le resserrement du siège imposé par l’occupation à la bande de Gaza, des milliers de blessés et de malades sont confrontés à une mort certaine en raison de l’effondrement du système de santé. Selon le ministère de la Santé, les hôpitaux du Nord-Sinaï ont été entièrement équipés pour accueillir les différents types de blessés. La capacité des équipes médicales dans les services d’urgence, la disponibilité des stocks de médicaments, de fournitures médicales et de sang dans les hôpitaux d’Al-Arich, de Bir Al-Abd et de Cheikh Zoweid au Nord-Sinaï et dans les gouvernorats voisins ont été également renforcées pour recevoir les blessés palestiniens. A la frontière, des équipes médicales spécialisées dans tous les domaines se tiennent prêtes à accueillir les blessés et les malades en provenance de Gaza. Des examens médicaux sont immédiatement effectués pour déterminer le traitement le plus approprié.

 Une diplomatie toujours active

 La médiation de l’Egypte a été déterminante dans la réussite de l’entrée en vigueur de l’accord de cessez-le-feu. Cependant, il reste encore du travail diplomatique à accomplir pour parvenir à un cessez-le-feu durable. C’est ce qu’explique l’ambassadeur Rakha Hassan, membre du Conseil égyptien des affaires étrangères, qui souligne que « l’Egypte accorde une grande importance à la réussite de cet accord pour plusieurs raisons. La première est d’ouvrir des perspectives politiques afin de parvenir à une paix durable et lancer de véritables négociations pour la création d’un Etat palestinien ». Et d’ajouter : « Le rôle de l’Egypte a dépassé celui d’un simple médiateur. Les actions du Caire reflètent une vision stratégique profonde fondée sur une compréhension des enjeux de la crise dans la bande de Gaza. L’accord actuel, dans tous ses articles, s’est inspiré de l’initiative égyptienne présentée en mai dernier, qu’Israël avait cherché à contourner à l’époque ». En effet, depuis le début de la crise, les positions politiques égyptiennes ont fait preuve de fermeté face à l’escalade israélienne : rejet de toute opération militaire israélienne dans la bande de Gaza, rejet des actes de destruction et des assassinats systématiques et rejet des tentatives de liquidation de la cause palestinienne aux dépens de l’Egypte ou de tout autre pays.

Selon Mona Soliman, politologue, pendant les 15 mois de l’agression meurtrière contre la bande de Gaza, Israël a toujours cherché à saper le rôle égyptien en cherchant à impliquer l’Egypte dans le conflit afin d’en faire un acteur au lieu d’un médiateur neutre. Ces tentatives ont pris diverses formes, allant de l’accusation de l’Egypte de fermer les passages frontaliers, de tergiverser dans les négociations pour prolonger le conflit, jusqu’à la propagation de rumeurs sur un éventuel transfert forcé des Palestiniens vers le Sinaï, en passant par les mensonges relatifs au trafic d’armes vers la bande de Gaza. Samir Ragheb, expert militaire et stratégique, indique : « Nous sommes face à une étape cruciale qui exige d’agir sur trois fronts simultanément : le premier consiste à mettre en oeuvre avec précision et sans délai les différentes phases de l’accord de cessez-le-feu. Le deuxième concerne la gestion de toutes les dimensions de la situation à Gaza après la fin de la guerre, notamment la sécurisation de la situation politique, économique et sécuritaire, ainsi que la reconstruction. Le troisième front vise à préparer la reprise du processus politique et à lancer un processus de paix sérieux conduisant à la solution des deux Etats ».

 Consolider le cessez-le-feu

 Sur un autre volet, consolider l’accord de cessez-le-feu et assurer sa mise en oeuvre sur le terrain constitue également une tâche essentielle pour la diplomatie égyptienne. Un jour avant l’entrée en vigueur, une salle d’opérations conjointe a été mise en place au Caire afin de faciliter l’échange sans obstacles des détenus et des prisonniers entre les deux parties, palestinienne et israélienne, favoriser l’entrée de l’aide humanitaire et la circulation des personnes après la réouverture du passage de Rafah. La chambre comprend des représentants d’Egypte, de Palestine, du Qatar, des Etats-Unis et d’Israël. « Deux mécanismes ont été mis en place à Rafah : l’un pour superviser l’entrée de l’aide, en coordination avec la Croix-Rouge et l’UNRWA, et l’autre pour évacuer les malades de la bande de Gaza vers l’Egypte ou d’autres pays », souligne Rakha. Et d’ajouter : « Il était essentiel de mettre en place des garanties pour suivre la mise en oeuvre de l’accord, étant donné les déclarations israéliennes selon lesquelles Netanyahu souhaitait se concentrer sur la première phase, puis reprendre la guerre. C’est pourquoi la cellule de crise commune constitue un mécanisme important permettant de gérer tout dysfonctionnement dans cet accord et de s’assurer qu’aucun problème ne puisse conduire à son effondrement ».

Par ailleurs, l’accord stipule le retrait d’Israël de l’axe de Philadelphie. Quelle sera la position d’Israël à cet égard ? « Cet axe est situé à l’intérieur de Gaza, mais selon l’accord de paix avec Israël, il ne doit pas y avoir de forces israéliennes. La déclaration selon laquelle Israël ne se retirera pas reflète, à mon avis, une grande faiblesse. Par exemple, Israël a déclaré qu’il n’y aurait plus de présence du Hamas dans la bande de Gaza. Or, vous avez vu à la télévision, le premier jour de l’application de l’accord, la présence de forces du Hamas, que ce soit la police ou les forces combattantes. En outre, les otages n’ont été libérés que grâce à des négociations, et le Hamas n’a pas été éliminé. Par ailleurs, l’Administration américaine sortante a dépensé 30 milliards de dollars pour aider Israël sans obtenir de résultats concrets. Je pense que Trump sera intéressé dans son deuxième mandat par la stabilité de la région du Moyen-Orient afin de devenir un terrain fertile pour les investissements américains et sécuriser ses intérêts en mer Rouge », affirme Rakha Hassan. Avis partagé par Ragheb, qui explique que « les déclarations israéliennes concernant l’axe de Philadelphie sont en contradiction avec les termes de l’accord de cessez-le-feu qui prévoit un retrait progressif. Il s’agit d’une manoeuvre politique destinée à rassurer les plus radicaux au sein de la société israélienne ».

 Un sommet international pour la reconstruction de Gaza

 La reconstruction de Gaza est un autre un défi majeur après le cessez-le-feu. La troisième phase sera consacrée à la mise en oeuvre des plans de reconstruction sur une période de 3 à 5 ans. L’accord prévoit que « les travaux comprendront la construction de logements, de bâtiments publics et la réhabilitation des infrastructures vitales selon un calendrier précis ». En effet, dès les premiers jours de la mise en oeuvre de l’accord, des caravanes (maisons mobiles) et des tentes ont été introduites en grande quantité pour réinstaller les déplacés et ceux dont les maisons ont été détruites. Selon l’ONU, il faudra attendre jusqu’en 2040 pour reconstruire tous les bâtiments qui ont été détruits. Comment l’Egypte envisage-t-elle la reconstruction de Gaza après la guerre ? Le ministre des Affaires étrangères, Badr Abdelatty, a déclaré que « l’Egypte s’apprête à organiser une conférence internationale au Caire pour la reconstruction de Gaza et mène, avec la communauté internationale, des opérations de déblaiement et de reconstruction dans l’enclave palestinienne ». En 2021, l’Egypte a consacré 500 millions de dollars à la reconstruction de la bande de Gaza. Selon l’ambassadeur Rakha Hassan, « l’initiative égyptienne prévoit une reconstruction globale des infrastructures, sous supervision internationale et régionale. Elle s’inscrit dans le cadre d’une vision plus large à travers laquelle Le Caire cherche à autonomiser le peuple palestinien et à réaliser ses aspirations légitimes, à savoir l’établissement d’un Etat indépendant aux frontières de 1967 avec Jérusalem-Est pour capitale ». Et d’ajouter : « L’Egypte a annoncé qu’elle organiserait une conférence internationale pour mobiliser des fonds destinés à la reconstruction. Une tâche cruciale, car elle nécessite une intervention rapide dans des secteurs vitaux tels que la santé, l’eau, l’assainissement, l’éducation, etc. L’Egypte dispose d’une expertise reconnue dans le domaine de la reconstruction post-conflit et est prête à apporter son soutien ». « Le rôle de l’Egypte est également crucial. Car notre pays est le point d’entrée principal des matériaux de construction, tels que le ciment et les briques. C’est pourquoi augmenter la capacité du passage de Rafah est un défi logistique considérable à relever pour pouvoir accueillir les camions transportant les matériaux », conclut le diplomate.

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