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Ayman Omar : Sans un gouvernement homogène qui reflète le climat de confiance, tous les engagements de Joseph Aoun risquent de rester lettre morte

Amira Samir , Mercredi, 15 janvier 2025

3 questions à Ayman Omar, universitaire et chercheur libanais en affaires économiques et politiques.

Ayman Omar

Al-Ahram Hebdo : Durant les deux ans de vacance présidentielle, la crise économique s’est nettement aggravée. Selon vous, quels sont les secteurs économiques les plus urgents à soutenir ?

Ayman Omar : Depuis plus de 5 ans, le Liban souffre d’une crise financière et d’un effondrement économique sans précédent, qu’il n’a pas connus même pendant les pires moments de la guerre civile des années 1980. L’élection de Joseph Aoun et l’espoir qu’il suscite marquent un nouveau chapitre. Néanmoins, le président libanais élu est confronté à de nombreux défis économiques. Il doit immédiatement entamer les réformes exigées par le Fonds monétaire international afin d’améliorer la notation de crédit du Liban par les agences de notation mondiales et de restaurer la confiance dans les finances libanaises.

La relance économique nécessite en priorité une restructuration du secteur bancaire, une réduction de la dette publique et une stabilisation de la monnaie. Il est également important de relancer l’activité industrielle et de créer des emplois, ce qui permettra de relancer la croissance du Produit Intérieur Brut (PIB) qui a diminué d’environ 6,6 % en 2024, portant ainsi la baisse cumulée du PIB réel depuis 2019 à plus de 38 %, selon le dernier rapport de la Banque mondiale publié le 10 décembre 2024. Autre défi : la nécessité de résoudre le problème chronique des coupures de courant. Ce secteur est responsable d’environ 45 % de la dette publique libanaise et impose un lourd fardeau aux citoyens.

Tout ceci passe par la formation d’un gouvernement efficace pour rétablir l’ordre dans les administrations publiques et améliorer ainsi la qualité des services offerts.

— L’agression israélienne contre le Liban a exacerbé les défis déjà existants du processus de reconstruction. Quels sont donc les principaux obstacles que le nouveau président devra surmonter ?

— Selon le dernier rapport publié par la Banque mondiale le 14 novembre 2024, soit 13 jours avant l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, les dégâts matériels et les pertes économiques causés par la guerre s’élevaient à environ 8,5 milliards de dollars. Les premières estimations des dommages causés par l’agression israélienne évaluent les pertes matérielles à 3,4 milliards de dollars et les pertes économiques totales à 5,1 milliards. Les secteurs les plus touchés par la guerre, tels que l’agriculture et le tourisme, nécessitent un soutien prioritaire.

Le Liban, accablé par la dette publique, le déficit de ses finances publiques et la pénurie de ses réserves de devises étrangères, ne peut pas commencer à reconstruire sans l’aide de la communauté internationale et des pays amis, en particulier l’Arabie saoudite et le Qatar. Mais la communauté internationale impose des conditions à l’Etat libanais pour obtenir ce soutien. Ces conditions incluent la mise en oeuvre des résolutions internationales, notamment la résolution 1 701 et ses amendements pour mettre fin à la guerre, et la mise en oeuvre de la résolution 1 559 pour désarmer le Hezbollah. La communauté internationale considère que le président Joseph Aoun est une personnalité qualifiée, c’est pourquoi il a été élu sur la base de ses compétences. Le président élu a envoyé un message à la communauté internationale à cet égard à travers son discours d’investiture après son élection.

— Mais l’élection d’un nouveau président ne suffit pas à résoudre les problèmes économiques. Un consensus entre le programme présidentiel et celui du gouvernement est indispensable pour y faire face …

— Le principal défi après l’élection du président est de former un gouvernement homogène qui reflète le climat de confiance et de sérénité instauré par l’élection du commandant en chef de l’armée. Si cela n’est pas réalisé, tous les engagements pris dans le discours d’investiture risquent de rester lettre morte. Cela nécessite un changement de mentalité des anciennes forces politiques, basées sur des quotas dans le processus de formation du gouvernement, et que certains partis abandonnent certaines de leurs revendications en matière de répartition de certains ministères au nom de l’intérêt public. Vient ensuite la deuxième étape, qui est le consensus national sur la déclaration ministérielle, qui est le plan du gouvernement pour être cohérent avec le discours de serment. Si un accord global est trouvé sur ces points de divergence, comme cela a été évoqué lors de l’élection présidentielle, les choses avanceront en douceur pour faire face à tous les défis précités. Dans le cas contraire, une nouvelle intervention de la communauté internationale pourrait s’avérer nécessaire pour régler ces différends, comme cela a été le cas lors du processus électoral.

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