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Washington-Téhéran  : Les scénarios d’avenir

May Atta , Mercredi, 13 novembre 2024

La victoire de Donald Trump aux Etats-Unis relance le débat sur le retour de la politique de « pression maximale  » contre l’Iran.

Washington-Téhéran 

« Les Etats-Unis sont le grand Satan, quel que soit le président », écrit Kayhan, le journal iranien considéré comme le plus conservateur du pays placé sous le contrôle des Gardiens de la Révolution. La plupart des responsables et dirigeants iraniens ont répété cette affirmation plusieurs fois ces dernières semaines avant et après l’élection aux Etats-Unis. Le porte-parole de la diplomatie iranienne a déclaré le 7 novembre que son pays avait une expérience amère avec les différentes Administrations américaines, soulignant que cette situation était due, en grande partie, aux sanctions économiques américaines imposées à l’Iran depuis plus de quatre décennies et demie.

La longue histoire des sanctions américaines

Les Etats-Unis ont imposé des sanctions économiques à l’Iran dès 1979 après la Révolution islamique qui a radicalement rompu les relations diplomatiques entre les deux pays. En 1995, Washington a imposé d’abord un embargo sur le pétrole, suivi d’un embargo économique plus large. Toutes les transactions financières ou commerciales ont été interdites entre les deux pays. 20 ans plus tard, Barack Obama a tenté de trouver un accord pour faire baisser les tensions. Il a proposé à l’Iran de mettre fin à son programme de recherches nucléaires et, en échange, de lever les sanctions. Cette proposition a débouché sur un accord historique, signé le 14 juillet 2015 à Vienne, en Autriche. Mais cela n’a pas duré longtemps. Le président américain Donald Trump, élu en 2016, a ravivé la flamme en 2018 et a rompu unilatéralement l’accord sur le programme nucléaire iranien. Il a aussi multiplié les sanctions économiques, portant leur nombre à près de 1500, ce qui a affaibli l’économie iranienne et provoqué une explosion de l’inflation et du chômage. Mais après l’élection de Joe Biden et surtout en 2022, Washington allège les sanctions contre l’Iran et signe plusieurs dérogations visant à inciter Téhéran à revenir au respect de l’accord de 2015. Biden veut également lever les sanctions contre l’Iran qui ont contribué à faire augmenter les prix du pétrole et du gaz, notamment aux Etats-Unis. Dans un geste d’apaisement, Biden a autorisé le transfert de 6 milliards de dollars de fonds iraniens gelés en Corée du Sud, dans le cadre d’un accord d’échange de prisonniers avec l’Iran. Mais en octobre dernier, les Etats-Unis répondent aux attaques de missiles iraniens sur Israël par de nouvelles sanctions. Ces sanctions visent les industries iraniennes de pétrochimie et de pétrole, ainsi qu’une vingtaine de navires et plusieurs entreprises à l’étranger, accusés de faciliter le transport, les exportations ou la production dans ces secteurs.

Après cette longue histoire de sanctions et le retour de Trump, de nombreuses questions restent en suspens: quel sera l’impact de l’élection de Trump sur l’avenir du programme nucléaire, le programme de missiles et la présence militaire de l’Iran dans la région ?

Le système militaro-nucléaire iranien

Les programmes nucléaires et balistiques iraniens constituent les enjeux les plus cruciaux, tant pour l’Iran que pour les Etats-Unis qui craignent une montée en puissance de Téhéran dans la région. Ce programme se construit lentement mais sûrement sous le regard de la communauté internationale. « L’Iran essaie d’être une puissance nucléaire et militaire pour ne pas succomber aux menaces israéliennes », explique l’écrivain et analyste syrien Amjad Ismail Agha. Il ajoute que Trump pensait que l’accord de 2015 augmentait la puissance militaire et nucléaire de l’Iran et renforçait son influence dans la région. « Mais en réalité, la signature de l’accord nucléaire en 2015, qui a continué jusqu’en 2018, n’a pas produit de grand changement en Iran. Le retrait de Trump de l’accord nucléaire a donné à l’Iran une marge de manoeuvre pour réactiver son programme nucléaire. Aujourd’hui, les capacités balistiques iraniennes sont parmi les facteurs qui ont empêché une action militaire contre l’Iran. En plus, l’Iran poursuit son programme nucléaire sans le contrôle de la communauté internationale », explique Agha. Il ajoute: « Toutes les tentatives de Trump d’arrêter le développement du programme nucléaire et militaire en annulant l’accord de 2015 ont échoué. Le programme militaire iranien progresse sur tous les volets ». Selon le dernier rapport trimestriel de l’Agence Internationale de l’Energie Atomique (AIEA), l’Iran possède aujourd’hui 5751 kilos d’uranium, soit presque 20 fois plus qu’auparavant, dont 160 kilos enrichis à 60%, proches des 90% nécessaires pour fabriquer une bombe atomique. En 2022, l’Iran est parvenu à fabriquer un missile hypersonique évoluant à des vitesses supérieures à 6000 kilomètres par heure. Les Gardiens de la Révolution, l’armée idéologique du régime islamique, ont annoncé aussi avoir utilisé pour la première fois leur missile balistique hypersonique « Fattah » en octobre dernier contre Israël. Cette arme, la plus récente dans l’arsenal balistique iranien, peut parcourir plus de 1 400 kilomètres.

Pressions maximales

Les sanctions économiques contre l’Iran demeurent un outil que Trump pourrait utiliser durant son second mandat. Trump a multiplié les sanctions économiques contre l’Iran en 2018, surtout en ce qui concerne l’exportation du pétrole. Le retour de Trump réveille le mauvais souvenir de la « pression maximale » et des sanctions contre l’Iran après le retrait des Etats-Unis de l’accord nucléaire de 2015. « Cette décision avait fait chuter les investissements étrangers en Iran et considérablement réduit les exportations de pétrole iranien, principale ressource financière de Téhéran. Ces sanctions ont augmenté l’inflation qui a atteint 40 % durant cette période en Iran et a limité la capacité de Téhéran dans plusieurs domaines », explique Ali Atef, expert des affaires iraniennes. La monnaie iranienne est tombée à son plus bas niveau de l’histoire, après la victoire de Trump à l’élection présidentielle.

Selon Agha, la baisse du rial iranien indique que Téhéran doit relever davantage de défis après l’élection de Trump et que l’économie iranienne peut se détériorer dans le futur. « Les répercussions négatives des sanctions américaines sur l’économie iranienne lors du premier mandat de Trump, qui ont gravement affecté la vie des citoyens iraniens, n’ont pas conduit à un changement fondamental dans le comportement de l’Iran. La politique de Trump n’a pas poussé Téhéran à une réévaluation stratégique de sa politique régionale et de ses ambitions nucléaires », ajoute Agha.

Quels scénarios? Plusieurs experts affirment que les relations futures entre l’Iran et les Etats-Unis, avec l’arrivée de Trump, sont imprévisibles. « Il est fort probable qu’au cours de son prochain mandat, qui débutera en janvier 2025, Trump reprenne la politique de pression économique maximale en mettant en oeuvre une série de sanctions économiques successives, ce qui laisse présager un scénario peu prometteur pour l’économie iranienne », conclut Atef.

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