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L’Egypte, bien plus qu’un simple médiateur

Samar Al-Gamal , Lundi, 07 octobre 2024

Alors que la guerre israélienne à Gaza entre dans sa deuxième année, l’Egypte continue à jouer un rôle multifacette au milieu des tensions croissantes, des crises humanitaires et des escalades régionales. Explications.

L’Egypte, bien plus qu’un simple médiateur

Les attaques israéliennes fusaient depuis le 7 octobre 2023 sur Gaza. Aujourd’hui un an après, les raids pleuvent sur le Liban, et entre les deux, il y a eu les assassinats de hauts dirigeants du Hamas, du Hezbollah et de l’Iran. Au Caire, les condamnations d’Israël ont rapidement été exprimées dès les premiers jours d’octobre 2023 appelant à un cessez-le-feu immédiat et mettant en avant la nécessité de protéger les civils palestiniens, et leurs échos ont retenti au Liban en septembre 2024.

Des condamnations égyptiennes, prudentes et mesurées, reflétant une volonté de préserver le rôle-clé de l’Egypte en tant que médiateur régional, un rôle que Le Caire a assumé avec persévérance tout au long de la guerre. Cette médiation s’est exercée en collaboration avec des acteurs influents tels que le Qatar et les Etats-Unis, mais aussi, dans un geste inédit, en étendant les contacts à l’Iran. Bien que l’Egypte entretienne des relations historiquement tendues avec Téhéran, elle reconnaît l’importance d’éviter une confrontation directe entre Israël et l’Iran, qui pourrait dégénérer en un conflit de grande échelle.

« Le Caire veut agir de manière à résoudre les problèmes actuels conformément à une politique constante qui, pour résumer, vise à soutenir la stabilité et le développement dans la région », explique une source égyptienne proche du dossier palestinien.

Message à Téhéran

Le Caire redoute un embrasement régional qui serait difficile à contenir et préfère résoudre les problèmes dans la région par des moyens pacifiques. Ce sont là en deux mots résumés les principes de la position égyptienne dans la crise actuelle.

Les responsables égyptiens ont tendance à croire qu’un cessez-le-feu à Gaza est l’issue qui apaiserait les tensions. C’est d’ailleurs le message qu’ils ont transmis à Téhéran pour tenter de le dissuader de riposter à l’assassinat, par Israël, d’Ismaïl Haniyeh sur son territoire.

Aucune référence à Haniyeh ni, plus tard, au leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, n’est venue du Caire, qui a critiqué la politique d’assassinat israélienne, qui a provoqué un choc à travers le Moyen-Orient.

L’Egypte ne voit pas d’un bon oeil les milices armées quoi qu’elles soient et ce, bien avant la guerre actuelle, et pas uniquement parce que les attaques houthies ont affecté le trafic dans le Canal de Suez, et de facto l’économie égyptienne. Cependant, contrairement aux reproches abrupts faits au Hamas dans les conflits passés, l’Egypte a affirmé cette fois-ci à travers son chef de la diplomatie, Badr Abdelatty, et en présence de son homologue américain, Antony Blinken, que Le Caire considère le groupe palestinien de résistance comme « une faction nationale palestinienne ».

Une source égyptienne explique que les assassinats ciblés d’Israël risquent de compliquer davantage les tentatives égyptiennes de contenir la crise. La situation devient de plus en plus complexe à gérer et complique davantage les relations égypto-israéliennes. Liés par un accord de paix vieux de 45 ans, la coordination entre les deux pays s’est poursuivie tout au long de cette année d’hostilités, et l’Egypte insiste sur le fait de préserver « le gain stratégique » de cette entente en dépit de tout.

« Nous tenons à respecter le traité de paix avec Israël, à condition que ce dernier respecte tous ses engagements et ses obligations », explique une source égyptienne.

La source ne cache pourtant pas que « la politique d’Israël à l’égard de Gaza et son rejet de toutes les tentatives de règlement ont créé un niveau de tension palpable dans les relations entre les deux pays ».

Mensonges israéliens

Un point focal des tensions est la présence militaire israélienne à la frontière de l’Egypte le long du corridor de Philadelphie, qui longe la frontière avec Gaza, et du côté palestinien du poste-frontière de Rafah, saisi par Israël en mai dernier. Les Israéliens occupent ces deux territoires sous prétexte de « stopper la contrebande d’armes à la résistance palestinienne ». Les responsables égyptiens considèrent qu’il s’agit de « purs mensonges » et d’une tentative de la part du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, de « masquer son échec à Gaza » et de « bloquer l’accord de cessez-le-feu ».

« La question du corridor de Philadelphie n’a pas été abordée au début des négociations, mais en suivant la position israélienne, il est clair qu’à chaque fois que nous nous rapprochons d’une trêve, Netanyahu commence à poser de nouvelles conditions », avait affirmé à l’Hebdo une source proche du dossier. Selon la source qui avait parlé sous le couvert de l’anonymat, « l’Egypte a réussi à fermer complètement les tunnels de son côté, parce que cette fermeture sert avant tout la sécurité nationale de l’Egypte ».

« Aujourd’hui, la position de l’Egypte vis-à-vis du contrôle israélien du corridor de Philadelphie ne diffère pas de celle concernant Gaza dans son ensemble, nous demandons un retrait total d’Israël », ajoute la source. Une source diplomatique avait aussi auparavant affirmé à l’Hebdo que « si les Israéliens veulent rester, qu’ils restent en tant que forces d’occupation et en assumant la responsabilité de cette occupation avec tout ce que cela implique : la responsabilité de nourrir les Palestiniens à Gaza et d’assumer les attaques de la résistance, mais une telle présence ne sera jamais dans le cadre d’une nouvelle entente avec Le Caire ».

La position ne diffère pas de celle consistant à rejeter le déplacement forcé des Palestiniens vers le Sinaï, l’un des potentiels projets israéliens. « Cette position a été aussi cruciale au début de la guerre », affirme la source diplomatique, ajoutant qu’« elle a porté ses fruits et Le Caire a adopté la même ligne de conduite aujourd’hui au sujet de Rafah ».

A mesure que le conflit avançait, les tensions entre l’Egypte et Israël se sont intensifiées bien que les liens diplomatiques entre les deux pays soient restés intacts. « L’Egypte n’a jamais été un simple médiateur dans la question palestinienne ou dans la guerre à Gaza, mais un partenaire à part entière, surtout que cette question relève de la sécurité nationale égyptienne », dit l’une des sources qui ont parlé à l’Hebdo. Selon elle, l’Egypte continue d’espérer encore qu’Israël réévaluera ses politiques actuelles et donnera une chance aux efforts politiques, afin d’éviter une détérioration de la situation qui pourrait conduire à un conflit incontrôlable. « Nous misons également sur un rôle plus actif des Etats-Unis pour préserver leurs intérêts dans cette région stratégique », conclut la source.

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