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La sale besogne d’Israël

Chaimaa Mounir*, Mercredi, 04 septembre 2024

Parallèlement à la guerre à Gaza qui se poursuit sans relâche, Israël a lancé une opération d’envergure en Cisjordanie. L’Etat hébreu entend ainsi porter un coup à la résistance palestinienne dans son ensemble. Un objectif loin d’être garanti.

La sale besogne d’Israël

Bien que l’opération militaire de grande envergure annoncée par Israël dès l’aube du mercredi 28 août 2024, sous le nom de « Camps d’été », ait été concentrée dans trois zones du nord de la Cisjordanie : les environs du camp de Jénine, le camp de Nour Shams à Tulkarem et le camp d’Al-Farea dans le gouvernorat de Tubas, il semble qu’elle ait commencé à s’étendre géographiquement pour inclure le sud de la Cisjordanie, notamment après l’opération d’échange de feu qui a eu lieu près du point de passage Tarqumiya à l’ouest de la Galilée dans la matinée du dimanche 1er septembre. Ce qui constitue un indicateur de la prolongation de la durée de l’opération, et ce, face au développement des tactiques de résistance en Cisjordanie et sa capacité à étendre la portée de ses opérations. Par ailleurs, à travers la destruction systématique des camps dans le nord, Israël vise à restaurer le concept de dissuasion, fortement affecté après l’opération « Déluge d’Al-Aqsa ». Il veut obtenir une victoire rapide après avoir épuisé ses opérations majeures à Gaza sans atteindre ses objectifs militaires.

Ainsi, la question est de savoir quels sont les différents objectifs de l’opération en cours et leurs relations avec les plans de déportation, d’annexion et de judaïsation prônés par le gouvernement d’extrême droite israélien. D’autant plus que la Cisjordanie est connue pour son importance politique et religieuse pour la droite israélienne. L’offensive contre la Cisjordanie pourra-t-elle devenir un bourbier dans lequel Israël risque de sombrer davantage, un prélude au déclenchement d’une troisième intifada qu’Israël s’efforce d’empêcher depuis près de 11 mois ?

Israël considère la Cisjordanie, géographiquement reliée à la profondeur israélienne, comme son point faible et comme le front le plus dangereux. Par conséquent, Israël considère le déclenchement d’une nouvelle intifada en Cisjordanie ou d’une opération tel le « Déluge d’Al-Aqsa » à partir de la Cisjordanie comme une menace stratégique pour sa sécurité nationale, ce qui compliquerait le dilemme de la dissuasion israélienne.

Démanteler la structure militaire de la résistance

Ainsi, depuis le 7 octobre dernier, Israël cherche à empêcher une explosion globale en Cisjordanie, et notamment à Jérusalem. Cependant, l’attentat à la bombe du 18 août à Tel-Aviv, revendiqué par le Hamas et le Jihad islamique, a constitué un défi pour Israël et a soulevé des questions sur les limites de l’efficacité de la dissuasion de la résistance en Cisjordanie. Les avertissements se sont multipliés quant aux risques des capacités croissantes de la résistance armée, en particulier dans les camps du nord. Par conséquent, le principal objectif est d’arracher les racines de la résistance palestinienne des camps, en lançant des campagnes d’arrestation et des raids à grande échelle. Or, la capacité d’Israël à atteindre ses objectifs est sujette à suspicion, d’autant plus qu’Israël avait auparavant suivi les mêmes méthodes de violence et de force excessive, notamment à Jénine, et que les factions armées ont vite réorganisé leurs rangs. Par ailleurs, certaines opérations sont menées par de jeunes hommes qui ne font pas partie de structures organisationnelles.

Sur le plan populaire, depuis le « Déluge d’Al-Aqsa », Israël a cherché à rompre le lien entre les résistants et leur incubateur populaire. Les villes, villages et camps de Cisjordanie ont été témoins d’attaques militaires sans précédent, en particulier dans les zones nord de la Cisjordanie, et les incursions israéliennes presque quotidiennes en Cisjordanie se sont poursuivies. Et ce, en rasant les rues et les trottoirs au bulldozer, dans le but de faciliter les raids quotidiens et afin d’imposer une force dissuasive pour empêcher un glissement vers une troisième intifada. Tel-Aviv a donc mené des frappes préventives continues pour empêcher le « Déluge de la Cisjordanie » et a commencé à mettre en oeuvre des plans sanglants en Cisjordanie en déplaçant la population et en exécutant des civils désarmés. Jénine a connu le taux d’incursions le plus élevé en raison de sa résistance similaire à celle de Gaza.

Terroriser les civils

Cependant, Israël a constaté que le niveau de force n’était pas suffisant et a donc décidé, à travers cette opération, de renforcer la dissuasion par des atrocités, afin de terroriser les habitants des camps à travers une tactique qui consiste à porter des coups écrasants à la fois contre la résistance armée palestinienne et contre la population civile. Et ce, pour leur faire comprendre qu’« Israël ne peut pas être vaincu » et que « la résistance est vaine et ses conséquences sont désastreuses pour eux ». En plus de les intimider en transférant le modèle de guerre de Gaza en Cisjordanie, le ministre israélien des Affaires étrangères, Yisrael Katz, a déclaré : « Faire face à la menace en Cisjordanie doit être de la même manière qu’à Gaza ».

Liquider la cause palestinienne

Autre objectif : la dissuasion par le biais des atrocités et le recours à la force excessive afin de rendre la situation tragique et la vie impossible. Yisrael Katz a déclaré : « Nous devons traiter la Cisjordanie comme nous traitons Gaza, y compris l’évacuation temporaire de la population ». Autrement dit, le processus inclut l’objectif de déplacer la population, et cela est devenu clair lorsque les forces israéliennes ont demandé, dimanche dernier, aux résidents du camp de Nour Shams à Tulkarem de partir en leur donnant un délai de 4 heures. Un certain nombre d’habitants ont été contraints de fuir à travers les montagnes après qu’Israël avait utilisé leurs maisons comme casernes militaires dans le quartier de Jénine. Le but est de liquider la question palestinienne et le symbolisme politique des camps représente le droit inaliénable des Palestiniens à retourner dans leurs foyers. Cette opération peut donc être considérée comme une manoeuvre en vue d’une opération dans un avenir proche, qui comprendra le déplacement complet des camps de Cisjordanie. C’est ce qui ressort du programme du gouvernement d’extrême droite sous le nom de « le plan de la résolution » convenu en décembre 2022 à la veille de son investiture, entre les partis Likoud (Benyamin Netanyahu) et Sionisme religieux (Bezalel Smotrich). Celui-ci prévoit que « le peuple juif a un droit exclusif et inaliénable sur la terre d’Israël. Le gouvernement développera l’implantation partout, y compris en Judée-Samarie », c’est-à-dire en Cisjordanie.

En conclusion, la violence excessive des colons soutenue par le gouvernement israélien et le fait d’accélérer, en parallèle, ses plans de colonisation, d’annexion et de judaïsation sont tous des moteurs suffisants pour une explosion attendue en Cisjordanie. Or, le transfert du modèle de Gaza en Cisjordanie ne contribuera peut-être pas à dissuader la population de la Cisjordanie. Au contraire, le risque croissant de déportation sera un facteur de mobilisation d’une résistance globale pour préserver sa survie et son existence.

*Spécialiste des affaires régionales au CEPS

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