L’Egypte est l’un des premiers pays à avoir réagi au décès du président iranien, Ebrahim Raïssi, et du ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian. « L’Egypte exprime avec grande tristesse et grand chagrin ses condoléances après le décès du président Ebrahim Raïssi, président de la République islamique d’Iran, et du ministre des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, et leur entourage, décédés dimanche 19 mai 2024 suite à un douloureux accident », indique un communiqué de la présidence de la République. Le président Abdel Fattah Al-Sissi a également présenté ses sincères condoléances et sa solidarité aux dirigeants et au peuple iraniens « frère » dans cette grande tragédie.
Relations mouvementées
Historiquement, les relations égypto-iraniennes ont connu des hauts et des bas. Sous le régime du roi Farouq, le rapprochement avec l’Iran avait donné lieu au mariage du Chah d’Iran Mohammad Reza Pahlavi à la princesse égyptienne Fawziya, soeur du roi Farouq. Mais celui-ci fut de courte durée et déboucha sur un divorce. La période de Nasser a été marquée par des positions opposées de l’Egypte et de l’Iran, l’un était plutôt l’allié de l’URSS, tandis que l’autre était du côté occidental. L’arrivée au pouvoir d’Anouar Al-Sadate amorce un changement dans la nature des relations mais pas pour longtemps. En 1979, l’avènement de la République islamique d’Iran met fin au régime du Chah qui trouve refuge en Egypte se voyant accorder l’asile par Sadate. L’accueil du Chah en Egypte est vu d’un mauvais oeil par le nouveau régime iranien. La même année, l’Egypte et Israël normalisent leurs relations et aussitôt Téhéran décide de rompre ses relations avec l’Egypte. Le régime iranien va plus loin encore en donnant à une rue de Téhéran le nom de l’assassin de Sadate, Khaled Al-Islambouli, et érige une grande muraille affichant son portrait. Depuis cette date, les relations sont tendues, étant donné les désaccords profonds entre les deux régimes et l’aide iranienne apportée aux groupes islamistes considérés comme une menace sécuritaire pour l’Egypte. Moubarak avait exprimé à maintes reprises son mécontentement face à la situation en appelant Téhéran à cesser ses manoeuvres. Au-delà des désaccords politiques, le président égyptien redoutait le soft power religieux et idéologique iranien. La Révolution de 2011 et l’arrivée de Morsi au pouvoir marquent un changement dans les relations égypto-iraniennes. En 2012, Morsi effectue une visite officielle en Iran à l’occasion du Sommet des pays non alignés. Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad se rend à son tour en Egypte pour assister au Sommet de l’Organisation de la Coopération Islamique (OCI) en février 2013. Des prémices d’un rapprochement entre les deux pays, mais aucune normalisation n’est entamée.
Vers un renouement ?
Depuis quelque temps, de nombreux signaux évoquent un rapprochement entre Le Caire et Téhéran. Cependant, si Téhéran multiplie les déclarations en faveur d’un rapprochement, Le Caire, de son côté, reste assez prudent. Après la normalisation avec l’Arabie saoudite en mars 2023, l’Iran a pris les devants en exprimant sa volonté de resserrer les liens avec Le Caire, avec une médiation tantôt iraqienne, tantôt omanaise. En décembre 2022, le président Abdel Fattah Al-Sissi a rencontré, pour la première fois, le ministre iranien des Affaires étrangères, Hossein Amir-Abdollahian, lors de la Conférence pour la coopération et le partenariat en Jordanie. En mai, Amir-Abdollahian déclare dans un entretien à l’agence de presse iranienne IRNA que « l’Iran est en contact direct » régulier avec l’Egypte par l’intermédiaire de l’Iraq, dans le but de rétablir les relations diplomatiques. Fada-Hossein Maleki, membre du comité de la sécurité nationale et de la politique étrangère du Parlement iranien, suggère que des « négociations sont en cours entre l’Iran et l’Egypte en Iraq », avec la possibilité d’une rencontre entre les présidents iranien et égyptien, mais l’Egypte garde le silence. Mohamed Abbas, spécialiste de l’Iran, indique à Al-Ahram Hebdo que l’Egypte reste prudente en attendant de voir les retombées du rapprochement irano-saoudien. Et d’ajouter que pour que ce rapprochement se concrétise, il faudrait que l’Iran s’engage à soutenir les efforts de stabilité dans la région, une priorité de la politique étrangère de l’Egypte. En novembre 2023, Sissi rencontre son homologue iranien Ebrahim Raïssi en marge du Sommet arabo-islamique à Riyad. Les discussions portent sur la situation à Gaza. En marge du sommet, Raïssi qualifie l’Egypte de « pays ami ». De son côté, Sissi a affirmé que l’Egypte a la volonté politique d’établir de « vraies relations » avec l’Iran, ajoutant qu’à cette fin, les ministres égyptiens concernés ont été chargés de suivre le rétablissement des relations. Depuis le déclenchement de la guerre à Gaza, les contacts sont plus fréquents, notamment entre les chefs de la diplomatie des deux pays. Fin mars 2024, les deux homologues avaient convenu de poursuivre les concertations et de régler les questions en suspens. Une rencontre récente les réunit le 4 mai à Banjul, en marge de leur participation aux travaux de la 15e session de la Conférence islamique au sommet de l’OCI, réaffichant encore une fois leur volonté de poursuivre les discussions.
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