Al-Ahram Hebdo : Dark Web, Deep Web … après l’incident de Choubra Al-Kheima, on parle de plus en plus de ces notions. De quoi s’agit-il ? Et quelle est la différence entre eux ?
Dr Mohamed Mohsen Ramadan : Le Dark Web est une partie d’Internet qui n’est pas accessible via les moteurs de recherche ordinaires tels que Google ou Bing, car les sites du Dark Web sont cachés derrière des couches de cryptage. Ce qui rend difficile de suivre ou d’identifier leurs propriétaires ou utilisateurs. Pour accéder au Dark Web, les utilisateurs doivent utiliser des technologies et des programmes spéciaux. Les sites Web sombres utilisent généralement une technologie de cryptage connue sous le nom de réseau Tor pour masquer l’identité et l’emplacement des utilisateurs. Le Dark Web est utilisé à des fins illégales telles que le trafic de drogues et d’armes, la diffusion de pédopornographie, les activités terroristes et le piratage de comptes et vol de données.
Quant au Deep Web, il désigne l’ensemble des contenus sur Internet qui ne sont pas accessibles via les moteurs de recherche publics tels que Google ou Bing. Cela inclut le contenu protégé par des mots de passe, les bases de données privées, les forums fermés, etc. Le contenu sur le Deep Web peut être tout à fait légal, contrairement au Dark Web. Mais il est invisible pour les moteurs de recherche en raison de la façon dont les sites sont structurés. Le Dark Web est une partie du Deep Web.
— Comment peut-on donc faire face aux dangers de ces sites ?
— A la lumière de la prolifération de concepts tels que le Dark Web, la nécessité de promouvoir la sensibilisation technologique au niveau des individus et des organisations est plus importante que jamais. C’est ainsi que les institutions gouvernementales et privées peuvent offrir des programmes de sensibilisation à la technologie et à la cybersécurité. Il existe d’ailleurs un programme gratuit intitulé les « Ambassadeurs de la sensibilisation à la technologie » que je présente avec d’autres experts en informatique et qui est parrainé par le ministère de la Solidarité sociale et la Fondation des leaders pour les sciences administratives et le développement. Il s’avère indispensable de lancer des campagnes de sensibilisation aux dangers et des stages de formation à l’utilisation de la technologie de manière sûre et responsable.
— Quelle est la relation ou la nature de la bataille entre le Dark Web et la cybersécurité ?
— La bataille entre le Dark Web et la cybersécurité est une bataille permanente. Alors que les cybercriminels développent de nouvelles méthodes, les autorités, les entreprises de cybersécurité et les gouvernements développent de nouvelles façons pour lutter contre les menaces.
Le Dark Web est une sérieuse menace à la cybersécurité. Il est utilisé pour exercer un large éventail d’activités criminelles, notamment le vol de données et les cyberattaques. Les logiciels malveillants, les rançongiciels et autres logiciels espions sont souvent diffusés sur le Dark Web. Les informations d’identité volées, y compris les numéros de carte de crédit et les informations personnelles, sont vendues sur le Dark Web.
Dans ce contexte, de nombreux efforts sont déployés pour lutter contre ces menaces. Le monde entier travaille pour faire face aux activités criminelles sur le Dark Web, alors que les entreprises de cybersécurité développent de nouveaux outils et technologies pour identifier et prévenir les menaces provenant du Dark Web, parallèlement au lancement des campagnes de sensibilisation pour les individus et les entreprises sur les menaces du Dark Web.
— Comment les jeunes sont-ils attirés dans ce Dark Web ?
— La curiosité entraîne souvent les jeunes à découvrir tout ce qui est mystérieux. Ils peuvent être attirés par l’idée d’accéder à un contenu qui n’est pas disponible sur Internet, comme des informations sur des sujets sensibles ou illégaux. Ils peuvent aussi penser que le Dark Web leur offre un haut niveau de confidentialité. Ce qui leur permet de mener des activités illégales ou dangereuses sans craindre d’être reconnus ou poursuivis. Mais souvent, ils se sentent poussés par leurs amis ou collègues à rejoindre le Dark Web.
— Mais s’aventurer sur ces réseaux peut changer la vie d’un utilisateur pour toujours …
— S’aventurer sur le Dark Web peut, en effet, avoir de graves conséquences sur la vie d’un utilisateur. Il peut devenir victime d’escroquerie ou de vol. Le Dark Web est un refuge pour les cybercriminels, qui peuvent exploiter des utilisateurs naïfs pour voler leurs informations personnelles ou financières. En plus, le Dark Web renferme une énorme quantité de contenus préjudiciables, tels que des images de violence ou de pédopornographie. L’exposition à ces contenus peut entraîner de graves problèmes psychologiques, tels que le trouble de stress post-traumatique et la dépression. Le Dark Web peut aussi devenir très addictif, car il permet aux utilisateurs d’accéder à des contenus et à des pratiques qui ne sont pas disponibles sur l’Internet ordinaire. Sans oublier que les utilisateurs qui se livrent à des activités illégales sur le Dark Web peuvent faire l’objet de poursuites de la part des autorités. Les parents doivent surveiller les activités en ligne de leurs enfants et utiliser les systèmes de contrôle parental pour bloquer l’accès aux sites malveillants sur le Dark Web.
— Face à ces défis, quels sont les efforts déployés par l’Egypte pour sécuriser les infrastructures de communication et d’information ?
— Conscient des défis croissants auxquels sont confrontées les infrastructures de communication et d’information, en particulier avec le recours croissant à la technologie numérique, l’Etat déploie des efforts inlassables pour protéger cette infrastructure et la protéger des cybermenaces. C’est ainsi qu’ont été créés plusieurs organes et conseils spécialisés comme le Centre national de préparation aux urgences en matière d’informatique et de réseau, Egyptian Computer Emergency Readiness Team (EG-CERT), en avril 2009 et le Conseil suprême de la cybersécurité en 2014. Au niveau législatif, plusieurs lois ont été adoptées comme la loi sur la protection des données personnelles et la loi contre la cybercriminalité qui a été adoptée en 2018 pour criminaliser les cybercrimes, tels que le piratage de comptes, l’extorsion électronique et la diffusion de désinformation. L’Etat a également lancé en 2019 la Stratégie nationale de cybersécurité dans le but d’améliorer la cybersécurité en Egypte et de protéger l’infrastructure de communication et d’information. Par ailleurs, l’Egypte coopère avec d’autres pays et des organisations internationales pour lutter contre la cybercriminalité et échanger des expériences dans le domaine de la cybersécurité. Elle participe également à des conférences et événements internationaux liés à la cybersécurité. En parallèle, l’Egypte travaille sur le développement des infrastructures de télécommunications et d’information, l’utilisation de technologies de cybersécurité avancées et le renforcement du capital humain en formant constamment les cadres humains, afin d’améliorer leurs capacités à faire face aux cybermenaces.
— Quelle est l’importance du Centre de données et d’informatique en nuage inauguré la semaine dernière ?
— Le centre travaille sur la fourniture d’applications et de paiements critiques, d’applications liées à l’intelligence artificielle, à l’analyse de données massives pour la prise de décision à tous les niveaux, à l’analyse des données gouvernementales et à la localisation de l’utilisation des technologies de l’information. L’importance de ce Cloud Computing Center en Egypte se résume dans la sauvegarde des données, en particulier le big data, en créant des copies de sauvegarde pour de nombreux centres périphériques de stockage, afin d’éviter les problèmes qui causent la perte de données. Il oeuvre aussi au transfert des données rapidement et avec une grande précision. Ce qui contribuera à fournir les 170 services gouvernementaux disponibles via le portail de l’Egypte numérique d’une manière plus rapide et plus stable.
Par ailleurs, il assure la sécurité des données qui concernent l’Etat et les citoyens, car il s’appuie sur une technologie de pointe en matière de protection des données et de sécurité nationale. Il oeuvre aussi à repousser les cyberattaques auxquelles sont confrontés les systèmes de travail électroniques qui, à leur tour, augmentent les risques associés à la perte de données.
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