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Sinaï : Entre résilience et espoir

Racha Darwich , Jeudi, 25 avril 2024

L’Egypte commémore, le 25 avril, le 42e anniversaire de la libération du Sinaï. Une fête qui a, cette année, une portée symbolique en raison des troubles régionaux. Explications.

Sinaï : Entre résilience et espoir

L’Egypte célèbre, le 25 avril, le 42e anniversaire de la libération du Sinaï, qui commémore le départ du dernier soldat israélien de la péninsule et la levée du drapeau égyptien sur les frontières est de l’Egypte, à Rafah au nord et à Charm Al-Cheikh au sud. « Cette année, la fête de la libération du Sinaï intervient dans un contexte particulier. Le Sinaï avec son emplacement stratégique se trouve au coeur des événements régionaux depuis plusieurs mois », souligne l’ambassadeur Mohamed Hégazi. Et d’ajouter que l’Egypte s’est dressée cette année face aux plans israéliens qui visent à déporter les Palestiniens vers le Sinaï. La guerre bat son plein à quelques pas de la péninsule qui a ouvert ses portes pour l’acheminement des aides humanitaires arrivant des quatre coins du monde pour être livrées aux habitants de Gaza. Avec cette guerre acharnée menée par Israël contre le peuple palestinien, les déclarations impertinentes et les insinuations indirectes des responsables israéliens sur la déportation des habitants de Gaza vers le Sinaï, le président Abdel Fattah Al-Sissi a tenu à mettre les points sur les i et a refusé catégoriquement « la liquidation de la cause palestinienne et la déportation des Palestiniens de la bande de Gaza dans le Sinaï », précisant que ce qui se passe à Gaza maintenant n’est pas une attaque contre le Hamas, mais une tentative de pousser les civils à recourir à l’Egypte. « La déportation est une ligne rouge que nous ne permettrons pas de dépasser », a déclaré le président. Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères, Sameh Shoukry, a réitéré la position ferme de l’Egypte concernant ce sujet dans ses rencontres avec ses homologues du monde entier.

Développement global

Cette guerre diplomatique que mène l’Egypte pour défendre le Sinaï intervient alors que la péninsule est la scène d’un plan de développement sans précédent. En 2014, l’Egypte a compris que la lutte contre le terrorisme devait passer par le développement et qu’il ne peut y avoir de développement sans stabilité et sans paix. « Le développement économique du Sinaï est le seul remède à toutes les manipulations qui visent à isoler la péninsule de l’Egypte, que ce soit par la déportation des Palestiniens ou par son occupation. Il était donc primordial que la guerre menée par les forces armées contre le terrorisme soit accompagnée d’un développement global », explique l’économiste Mohamed Shadi. C’est ainsi que l’Egypte a lancé en 2014 la première phase du projet national de protection et de développement du Sinaï avec des investissements de 283 milliards de L.E. 1 015 projets ont été lancés dans le nord du Sinaï dans cadre de la première phase de ce plan, alors que la seconde phase, lancée en octobre 2023, prévoit l’exécution de 300 projets de développement dans les différents secteurs jusqu’en juin 2030 avec un coût de 363 milliards de L.E. « La première étape de ce développement a été la lutte contre le terrorisme et les trafiquants d’armes et de drogue et la fermeture des tunnels dans le Sinaï pour empêcher le mouvement des armes, de la drogue et des criminels. Il fallait ensuite relier la péninsule au reste du pays », ajoute Shadi. Auparavant, seul un tunnel et des ferrys permettaient l’accès au Sinaï. « Nous avons désormais six tunnels sous le Canal de Suez, sept ponts flottants et un réseau de routes de plus de 3 000 km. Le Sinaï possède désormais des axes routiers adéquats pour les 50 prochaines années », a déclaré le premier ministre, Mostafa Madbouly, fin février lors d’une visite à Ismaïliya. « Les projets de développement ont pour objectif de rendre la péninsule vivable afin d’attirer les habitants qui pourront y trouver du travail et vivre aisément sur ses terres en étant séparés de la capitale par quatre ou cinq heures seulement et aussi afin de permettre aux forces armées de parvenir aisément au dernier point frontalier de l’Egypte », commente Shadi.

Projets urbains

Avec 601 000 habitants (489 000 dans le nord et 112 000 dans le sud) selon les estimations de 2021, la population du Sinaï représente à peine 1 % de la population totale de l’Egypte. Avec une majorité de 46 % de la population en âge de travailler (entre 15 et 44 ans), selon le recensement de 2017, l’emploi devient une priorité, d’autant que le taux de chômage dans le gouvernorat du Sud-Sinaï a atteint 27,5 % en 2020 et 14,4 % dans le gouvernorat du Nord-Sinaï, dont la majorité sont des hommes.

Dans ce contexte, l’Etat a construit de nouvelles villes, des écoles gouvernementales, privées et internationales en plus d’une université gouvernementale regroupant 12 facultés et des universités privées car le taux d’analphabétisme dans le Sinaï dépasse les 58 %. Dans le secteur de l’eau potable et du drainage sanitaire, des stations de dessalement et de purification de l’eau ont été construites dans le nord, le sud et le centre du Sinaï. Elles ont permis pour la première fois d’approvisionner les villes de Rafah et de Cheikh Zowayed en eau alors qu’elles comptaient sur l’eau des nappes phréatiques et dans une moindre mesure sur une très petite quantité des eaux du Nil. « Ces eaux ont permis de cultiver de nombreux terrains, surtout après l’approvisionnement du canal de Cheikh Zayed. En plus, les terrains qui se trouvent sur les deux rives du canal ont été attribués aux personnes qui les cultivent », explique Shadi. Et d’ajouter que la ceinture frontalière qui s’étend sur 5 km de large et 14 km de long s’est aussi transformé en terres cultivables après l’opération globale des forces armées et la fermeture des tunnels de fraude.

Transformer la face de la péninsule

Une ligne de chemin de fer est aussi prévue pour relier les ports de Taba et d’Al-Arich aux zones des industries lourdes du centre du Sinaï, d’une longueur de 500 km, afin de faciliter le transport des individus et des marchandises destinées à l’exportation. Dans ce contexte, l’Etat a déployé de grands efforts pour le développement industriel grâce à l’injection de 44,3 milliards de L.E. d’investissements dans 29 projets industriels entre juin 2014 et octobre 2023, qu’il s’agisse d’industries lourdes comme l’usine de ciment d’Al-Arich et le complexe de marbre d’Al-Fagaga ou de petites industries, notamment au sud d’Al-Raswa. Sans oublier le développement touristique de la péninsule qui jouit des plus belles plages du monde sur la Méditerranée et la mer Rouge.

Selon les experts, les priorités du développement économique au Sinaï ont suivi un enchaînement logique qui sert non seulement la région, mais aussi tout l’Etat égyptien. « L’Etat a entrepris le développement global et durable du Sinaï, un développement qui a des dimensions sociales et économiques pour transformer la face de la péninsule que l’Egypte a récupérée par la guerre, les négociations et l’arbitrage », commente le général pilote Dr Hesham Elhalaby, conseiller à l’Académie militaire pour les études stratégiques. Il explique que la libération du Sinaï est le couronnement d’un long processus qui a commencé par la guerre d’Octobre 1973. « Pendant les six années durant lesquelles Israël a occupé le Sinaï, entre 1967 et 1973, de nombreuses tentatives de restaurer la paix ont été menées mais Israël a toujours refusé de restituer la terre. C’est la victoire de 1973 qui a instauré le principe de la terre contre la paix dans les négociations qui se sont achevées par la signature du traité de paix et les accords de Camp David en vertu desquels Israël a rendu le Sinaï à l’Egypte. Mais lors de son retrait en 1982, Israël a refusé d’évacuer ses forces de la région de Taba. Il a alors fallu mener une nouvelle bataille, celle de l’arbitrage qui nous a permis de restituer la totalité des terres du Sinaï. Chacune de ces étapes a été marquée par un grand professionnalisme », conclut Elhalaby.

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