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Haut-Barrage : Le projet grandiose d’hier et d’aujourd’hui

Racha Darwich , Samedi, 20 janvier 2024

Inauguré le 15 janvier 1971, le Haut-Barrage d’Assouan a permis de booster les secteurs agricoles et industriels en Egypte. Son rôle aujourd’hui demeure d’une importance cruciale.

Haut-Barrage : Le projet grandiose d’hier et d’aujourd’hui

Le 15 janvier 1971, l’Egypte a fêté l’inauguration du Haut-Barrage d’Assouan. Les études sur la création du barrage avaient commencé dès octobre 1952, quelques mois seulement après la Révolution du 23 Juillet. L’Egypte a soumis à la Banque mondiale une demande pour financer le projet. Après des études détaillées, celle-ci a confirmé sa faisabilité technique et économique et a présenté en décembre 1955 une offre de financement qui équivaut au quart du coût du projet. Une offre qu’elle a retirée en juillet 1956 à cause des pressions exercées par les forces coloniales. L’Egypte a alors décidé de nationaliser le Canal de Suez pour financer le projet avant de recourir à l’Union soviétique.

Le 27 décembre 1958, un accord a été signé entre l’Egypte et l’Union soviétique selon lequel l’URSS prêterait à l’Egypte 400 millions de roubles pour exécuter la première phase du barrage. C’est ainsi que la première pierre du projet a été posée le 9 janvier 1960 avant que l’URSS ne décide, en août de la même année, de financer la seconde phase du projet grâce à un prêt de 500 millions de roubles. Vers la mi-1964, le cours du Nil a été détourné pour commencer le stockage de l’eau dans le lac Nasser d’une capacité de stockage de 162 milliards de m3 d’eau. « Le Haut-Barrage est le plus grand projet architectural du XXe siècle. Il a protégé l’Egypte de la sécheresse et des inondations pendant des dizaines d’années. Il est aussi l’incarnation de la volonté du peuple égyptien qui a été capable de construire ce projet colossal », a déclaré le ministre de l’Irrigation et des Ressources hydriques le 9 janvier, à l’occasion de la commémoration du début des travaux dans le Haut-Barrage. Le projet a permis d’énormes développements dans les secteurs agricole et industriel, mais aussi urbain et touristique.

Importance cruciale

Le barrage revêt une importance cruciale pour l’Egypte, qui est essentiellement un pays agricole. Depuis la nuit des temps, elle souffrait de l’irrégularité du rendement du Nil qui pouvait atteindre 151 millions de m3 certaines années et d’autres 42 seulement. « Le Nil a une nature particulière. C’est un fleuve qui connaît 7 années d’abondance, 7 années de sécheresse et 6 années de flux moyen. D’où l’idée de trouver un moyen de stocker l’eau », explique Dr Nader Noureddine, professeur de ressources hydriques à l’Université du Caire, qui révèle que les pays du bassin du Nil ont connu, au cours des 40 dernières années, 13 vagues de sécheresse et de famine qui ont causé la mort de 17 millions de personnes (27 millions selon certaines estimations), alors que l’Egypte n’en a nullement souffert grâce au Haut-Barrage. La plus forte période de sécheresse a eu lieu entre 1981 et 1988, alors que la dernière s’est prolongée sur plus de 10 ans, entre 2006 et 2017, à cause des changements climatiques et du réchauffement.

Par ailleurs, les crues du Nil qui survenaient pendant les mois d’été de juillet à septembre anéantissaient des villages complets, surtout en Haute-Egypte, où le flux du fleuve était très fort, car cette région est plus élevée que la Basse-Egypte. « Autrefois, il était impossible d’habiter sur les îles et les rives du Nil qui étaient submergées pendant la saison des crues. Aujourd’hui, elles abritent les quartiers les plus huppés », explique Dr Abbas Sharaky, professeur à l’Université du Caire. En effet, le Haut-Barrage a permis de régulariser le flux de l’eau dans le fleuve qui est devenu stable tout au long de l’année. C’est ainsi que 2 millions de feddans ont été bonifiés dès son inauguration, alors que l’agriculture se limitait à 6,5 millions de feddans dans le Delta et la vallée du Nil. Mais il n’y a pas que la superficie des terrains agricoles qui a augmenté, le rendement des terres a été aussi amélioré. « Autrefois, le paysan cultivait la terre une seule fois en hiver. Dès que l’eau des crues diminuait, il semait les grains qui grandissaient grâce à l’eau emmagasinée dans le sol. Les racines suivaient l’eau jusqu’à une profondeur de 1 mètre. Seul le coton était planté en avril, car ses tiges sont assez fortes et pouvaient résister à la crue quand elle arrivait en juillet. Après le Haut-Barrage, les paysans cultivent la terre jusqu’à trois fois par an », précise Noureddine.

Avantages hydro-électriques

Lors de son inauguration, le Haut-Barrage produisait 2,8 mégawatts d’électricité par heure, qui représentaient 50 % de la consommation électrique de l’Egypte. Ce qui a permis d’introduire l’électricité dans près de 4 500 villages qui vivaient dans le noir. Bien que la production du Haut-Barrage ne représente aujourd’hui que 5 % de la production électrique de l’Egypte, elle demeure la source la moins coûteuse.

« Il ne faut pas oublier aussi qu’avoir de l’eau dans le fleuve tout au long de l’année signifie qu’il y a de la pêche et des poissons toute l’année. Il est aussi devenu possible d’organiser des croisières sur le Nil entre Louqsor et Assouan ou entre Le Caire et Assouan toute l’année grâce à la stabilité du niveau de l’eau dans le fleuve », ajoute Noureddine.

Enjeux

Cependant, la construction du Haut-Barrage a imposé des enjeux à l’Etat. Autrefois, la crue du Nil apportait d’énormes quantités de glaise qui élevaient le niveau des terres agricoles de 1 mm par an et qui constituait un fertilisant naturel. Ce n’est qu’après 1971 que l’Egypte a commencé à utiliser les engrais chimiques. De plus, l’irrigation a obligé l’Etat à construire un vaste réseau de drainage agricole qui a coûté d’énormes sommes d’argent, alors que la salinité des terres agricoles du Delta a augmenté, ainsi que la corrosion des côtes de la méditerranée, car les 22 milliards de m3 d’eau qui étaient autrefois déversées dans la mer permettaient de repousser la mer. « Mais tout ceci est incomparable au volume des bénéfices réalisés. Sans parler des milliers de vie sauvées en nous protégeant des vagues de sécheresse, le Haut-Barrage a permis de réaliser des gains de 570 milliards de livres dans le secteur agricole et de 260 milliards dans le secteur de l’industrie grâce à la production de l’électricité », explique Nader Noureddine.

Le Haut-Barrage  et le barrage de la Renaissance

Avis partagé par Abbas Sharaky, qui explique que les eaux emmagasinées dans le lac Nasser ont sauvé l’Egypte durant les 4 dernières années au cours desquelles l’Ethiopie a effectué des remplissages successifs du Barrage de la Renaissance d’un total de 41 milliards de m3 d’eau, dont 26 l’année dernière seulement, soit 53 % de notre part d’eau. « Mais ceci ne signifie nullement que le barrage de la Renaissance n’a pas porté préjudice à l’Egypte. Le citoyen n’a rien ressenti. Mais l’Etat en a payé le coût en réduisant les cultures avides d’eau comme le riz et les bananes et en construisant d’énormes stations de traitement des eaux usées », conclut Sharaky.

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