« En Afrique, au cours du deuxième trimestre de 2024, 17 pays ont été frappés par 152 opérations terroristes, faisant plus de 5 000 victimes et causant la mort de 1 936 morts ». C’est ce que vient de dévoiler une récente étude publiée par la fondation Maat pour la paix et le développement, en soulignant que ces données pourraient être doublées. Le Nigeria arrive en tête des pays les plus touchés par le terrorisme en 2024 avec 52 opérations recensées. Bien que la plupart des opérations soient attribuées à des inconnus, des éléments armés de Boko Haram et du groupe séparatiste IPOB sont suspectés d’être impliqués dans ces opérations. « Malgré les opérations de sauvetage menées par l’armée nigériane en libérant en mai dernier des centaines des otages kidnappés dans la forêt de Sambisa, le principal bastion de Boko Haram, le mouvement conserve néanmoins sa capacité de manoeuvre de lancer des attaques organisées, de tendre des embuscades et d’utiliser des femmes kamikazes dans certaines attaques », souligne le rapport de Maat.
Le Soudan arrive en deuxième position avec 27 opérations terroristes causant la mort de 694 personnes. Les Forces de soutien rapide sont largement accusées d’être à l’origine de ces violences en ciblant les civils, comme en témoigne le bombardement du village de Wad Al-Noura.
La République démocratique du Congo occupe la troisième place avec 20 opérations terroristes ayant causé la mort à 370 personnes. Ces opérations ont été attribuées aux Forces démocratiques alliées, au mouvement M23 et à la milice Codeco. Selon Maat, la hausse du nombre des victimes est due à une stratégie visant à semer le chaos et à cibler les civils comme en témoigne le massacre de plus de 80 personnes dans la région de Beni.
La Somalie arrive en quatrième position avec 10 opérations terroristes, faisant 269 victimes. Toutes ces attaques ont été attribuées à la milice Al-Shabab. « La Somalie connaît une baisse progressive des taux de terrorisme grâce aux opérations militaires des forces somaliennes ciblant les bastions d’Al-Shabab, qui lui ont infligé des pertes en vies humaines et en matériel », affirme le rapport.
Le Soudan du Sud arrive au 5e rang avec sept opérations terroristes causant la mort de 98 personnes. Les actes de violences sont multiples, comme l’attaque d’Al-Shabab contre le village d’Agwara et les affrontements entre les clans Lek et Dok à Juba. Le rapport confirme que « la violence sectaire est le fléau le plus répandu en Afrique du Sud ». De même, la Libye a connu 7 opérations terroristes. Il s’agit d’une augmentation significative du nombre d’opérations qui sont attribuées à divers groupes armés, dont le groupe Al-Kabwat et la brigade 101, comme affirme Nesrine Hisbane, chercheuse au Maat. « Les ingérences étrangères constituent un facteur décisif qui alimente les conflits, afin de protéger leurs propres intérêts. Il est temps d’y mettre fin », souligne Nesrine.
Le Kenya arrive à la 9e place avec 3 opérations terroristes qui ont fait 29 victimes, alors que le Burkina Faso, le Mali, l’Afrique du Sud et le Tchad ont également connu deux opérations terroristes et une baisse relative du nombre d’opérations commises, tandis que l’Afrique centrale, la Tunisie, l’Ethiopie et le Mozambique ont chacun connu une opération terroriste.
Nouvelles stratégies des groupes terroristes
Le rapport a consacré une partie aux activités de différents groupes armés en Afrique. Selon Maat, Boko Haram est le groupe le plus important en termes de capacité organisationnelle, d’intensification de l’activité et d’innovation de nouvelles méthodes de planification d’attaques. En ce qui concerne Daech, les Etats-Unis ont porté un coup dur contre ses activités en Somalie, notamment dans la région de Bosaso. Depuis lors, le groupe n’a commis que deux opérations au Nigeria et au Mozambique et a perdu l’un de ses dirigeants éminents en Afrique de l’Ouest.
Par ailleurs, les forces alliées démocratiques soutenues par Daech en RDC ont été responsables de 11 opérations terroristes. Selon Maat, cette capacité à mener des attaques s’explique par la fragmentation du groupe en petites factions pour éviter d’être ciblées directement, et par son recours aux armes blanches plutôt moins détectables que les explosifs.
Quant au mouvement Al-Shabab, il a mené cinq opérations en Somalie, deux au Kenya et une au Soudan du Sud, en jouant sur l’alimentation des conflits claniques, comme en témoigne le conflit dans la région de Galgadud, causant la mort de plus de 55 personnes. Le rapport a également souligné que la compétition entre Daech et Al-Shabab pour le contrôle de la Somalie a été particulièrement intense, aboutissant à la prise de contrôle de la chaîne de montagnes Maskad par Daech. Quant à Al-Qaëda, malgré son déclin notable, elle a mené deux opérations au Burkina Faso, causant la mort de plus de 223 personnes.
Le rapport consacre également une partie aux efforts des pays africains dans la lutte contre le terrorisme, notamment l’organisation du Sommet contre le terrorisme d’Abuja dans la capitale nigériane en avril dernier. Ce sommet, organisé avec le Bureau des Nations-Unies de lutte contre le terrorisme, a discuté des moyens de coopération régionale dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent en Afrique.
Ayman Aqil, président de la fondation Maat, a appelé à une mise en oeuvre effective des conclusions du Sommet d’Abuja, notamment la création d’un centre régional de lutte contre le terrorisme. Il a également souligné la nécessité de développer des outils technologiques innovants pour mieux traquer les groupes terroristes. Et de conclure : « Les pays africains doivent faire face, par tous les moyens possibles, aux pressions socioéconomiques telles que la pauvreté et le chômage qui affectent le continent et poussent les individus à s’engager dans des activités extrémistes » .
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