Mercredi, 16 octobre 2024
Dossier > Moyen-Orient >

Moyen-Orient : Un cycle de conflits sans fin

Aliaa Al-Korachi , Mercredi, 28 août 2024

Alors que la guerre à Gaza attire tous les regards, les armes ne taisent pas dans de nombreux pays du Moyen-Orient. Des conflits complexes et multidimensionnels qui prolongent la durée au point de sombrer dans l’oubli.

Moyen-Orient : Un cycle de conflits sans fin

Quand la paix règnera-t-elle sur l’ensemble du Moyen-Orient ? La réponse est malheureusement inconnue. Or, la guerre ne se réduit pas seulement à des images de ruines. Derrière ces clichés se cachent des souffrances invisibles, des cris de terreur mais aussi des Etats en déliquescence. Dans cette région, les conflits s’entremêlent, se prolongent et s’oublient au fil du temps.

En effet, la carte des conflits actuels au Moyen-Orient se divise en deux catégories : ceux engendrés par la guerre à Gaza et ceux alimentés par l’absence de l’Etat. La question qui s’impose est donc : comment sont dessinées les cartes des conflits et quelles sont leurs caractéristiques ?

Les indicateurs de l’instabilité régionale sont multiples. Selon l’Indice mondial de la paix 2024, la MENA (Moyen-Orient et Afrique du Nord) est classée comme la région la moins pacifique au monde pour la neuvième année consécutive. En outre, la longue durée et l’intensité du conflit ont engendré de graves crises humanitaires. Près de la moitié des réfugiés et des personnes déplacées sont originaires du Moyen-Orient. Quant aux dépenses militaires, qui représentent en moyenne 2,4 % du PIB mondial, elles s’élèvent à 4,9 % au Moyen-Orient, soit plus du double de la moyenne mondiale.

Multiples facteurs d’instabilité

« Le Moyen-Orient vit depuis une décennie dans un tourbillon de conflits interconnectés et récurrents, rendant le rêve de paix de plus en plus lointain. La nature complexe de ces conflits attisée par les interventions étrangères a pour effet de prolonger la durée de ces guerres, de modifier les équilibres de pouvoir et de dessiner de nouvelles cartes géopolitiques, sans se soucier de la stabilité des pays de la région », explique Khaled Hanafi, spécialiste des affaires régionales au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram.

Avec plus de 40 000 tués, la guerre de Gaza, qui entre dans son dixième mois, est actuellement la guerre la plus meurtrière au monde. Elle est l’épicentre autour duquel tournent d’autres conflits régionaux : un conflit majeur entre le Hezbollah et Israël, les attaques des milices armées contre des cibles américaines en Iraq, ainsi que les attaques menées par les Houthis au Yémen contre les navires transitant dans cette zone. Pas loin de Gaza, une autre guerre terrible se déroule en Cisjordanie en catimini : arrestations, colonisations illégales, démolitions de maisons et expulsions forcées de Palestiniens.

Outre les conflits liés à la Palestine, il existe une autre catégorie de conflits oubliés liés aux Etats défaillants. Du Soudan au Yémen, en passant par l’Iraq, la Syrie et plusieurs régions dans le continent africain, le fossé ne cesse de s’élargir entre les partis en conflit.

Caractéristiques complexes

Chaque conflit a ses propres caractéristiques, mais ils partagent certains points communs. « Il s’agit principalement de conflits autour de l’Etat, car la plupart d’entre eux sont des conflits internes visant à affaiblir l’Etat-nation, à s’en retirer ou à le remodeler en redistribuant la richesse et le pouvoir pour répondre aux aspirations de différents groupes », souligne Hanafi. Avant d’ajouter : « Ce nouveau type de conflits prolongés, où acteurs internes et forces extérieures se mêlent, se caractérise par trois traits principaux ». Premièrement, l’intransigeance des négociations. Elles nécessitent désormais un accord complexe entre les intérêts des acteurs internes et externes, notamment avec la prolifération des guerres par procuration dans la région. « Avec ce type de conflits hybrides, les guerres par procuration et les négociations sur les intérêts entre les puissances étrangères dans les zones de conflit sont devenues une partie intégrante de la dynamique du jeu d’influence au Moyen-Orient », précise le spécialiste. Deuxièmement, l’émergence de menaces transfrontalières. Les zones de conflit au Moyen-Orient sont devenues des producteurs de menaces non conventionnelles qui s’ajoutent à la crise de l’Etat fragile, telles que les menaces terroristes, les crimes organisés et la migration clandestine. « Il est donc devenu difficile de dissocier ce qui se passe dans le conflit yéménite ou libyen de ses homologues en Iraq, en Syrie, au Mali, en Somalie et en Afghanistan », explique Hanafi. Troisièmement, le fait que les zones de conflit au Moyen-Orient ne sont plus de simples scènes de guerre mais elles sont devenues des arènes géopolitiques où les forces régionales et internationales rivalisent pour modifier leur influence sur la région et dans le monde.

« Les pays de la région auront besoin de plusieurs années, voire de décennies, pour se remettre des conséquences des conflits armés et de leurs répercussions sur les relations entre l’Etat et la société », explique Hanafi, avant de conclure que « la véritable paix au Moyen-Orient ne sera atteinte que si l’Etat récupère sa souveraineté ».

Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique