Les malheurs des uns font le bonheur des autres. La multiplication des conflits, qui ont éclaté ces dernières années et continuent à faire rage en ce début de 2024, a poussé la plupart des pays du monde à augmenter leurs budgets militaires pour s’engager dans une course effrénée à l’armement. Selon un rapport publié en avril 2023 par l’Institut international des recherches sur la paix de Stockholm, les dépenses militaires mondiales ont augmenté de 3,7 % en 2022 et s’élèvent désormais à 2 240 milliards de dollars. C’est la plus forte augmentation annuelle depuis au moins 30 ans. Selon le rapport, les pays occidentaux sont en tête des pays exportateurs d’armes, suivis par la Chine et la Russie. L’Allemagne a enregistré une augmentation de ses ventes d’armes de 45 %. Les dépenses européennes en matière de défense ont augmenté de 20 % en 2023 par rapport à 2022. Les Etats-Unis ont dépensé 877 milliards de dollars en 2022 dans l’armement, soit 39 % de l’ensemble des dépenses militaires mondiales et trois fois plus que le montant investi par la Chine, 2e pays en ce qui a trait aux dépenses militaires. Le Japon a connu l’augmentation la plus élevée de son histoire en 2023 en ce qui a trait aux dépenses militaires (+27 %), tandis que l’Asie du Sud-Est a enregistré une augmentation de 4,3 %. Selon Manar Abdelghani, spécialiste au Centre des recherches et des études arabes, cette nouvelle course aux armements s’explique premièrement par la poursuite de la guerre en Ukraine qui a entraîné des changements fondamentaux dans la stratégie européenne de sécurité. « Ce conflit a révélé les failles dans le système européen de sécurité. Il a montré que l’Union européenne n’est pas en mesure de fournir un parapluie de sécurité à ses pays. La recrudescence des tensions entre la Chine et le Taïwan en mer de Chine méridionale et les expériences nucléaires de la Corée du Nord sont d’autres facteurs qui ont poussé les pays à augmenter leurs budgets militaires », explique Manar Abdelghani. Et d’ajouter : « L’augmentation des dépenses militaires a été accompagnée d’un changement des doctrines militaires, notamment dans les pays connus pour leur neutralité ». Le Japon a augmenté son budget militaire de 5,9 % pour atteindre 46 milliards de dollars en réponse aux menaces potentielles de la Chine, de la Russie et de la Corée du Nord. De même, l’Allemagne a consacré environ 100 milliards d’euros à son budget militaire. D’autres pays connus pour leur neutralité, comme la Suède et la Finlande, ont demandé de rejoindre l’OTAN afin de profiter des capacités militaires de cette organisation dont les dépenses militaires ont enregistré une augmentation de 9,9 % en 2022.
Répercussions socio-économiques
« Le phénomène de la course aux armements est un phénomène à la fois militaire, politique, industriel et commercial qui a accru en intensité après la fin de la Guerre froide et l’émergence des technologies modernes », explique Manar Abdelghani. Avec les dépenses militaires colossales et la sophistication de la technologie de l’armement, l’avenir de la planète semble plus sombre que jamais, notamment avec la poursuite des conflits de plus en plus intenses. La course aux armements ne menace pas uniquement la paix et la stabilité mondiales mais aura aussi de graves répercussions tant économiques que sociales. A l’échelle économique, les pays occidentaux ont réduit leurs dépenses dans les secteurs du service public, notamment celui de la santé, au profit d’une augmentation des dépenses en matière de défense. « Cette tendance mènera à une augmentation de la dette publique, fait qui à son tour conduira à la hausse des taux d’intérêt et d’inflation », explique Abdelghani. « Les dépenses militaires affecteront sans aucun doute la capacité des pays à affronter le nouveau variant du Covid-19 », a déclaré le secrétaire général des Nations-Unies, Antonio Guterres. Mais le pire est à venir. L’expansion des industries militaires a fait de celles-ci un des piliers du PIB des pays producteurs, « et, comme toute autre industrie, elles auront besoin d’un marché pour vendre leurs produits, ce qui augmente drastiquement les probabilités d’un conflit à l’échelle mondiale », conclut Abdelghani.
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