Depuis que les discussions ont commencé et qu’il est question d’une trêve avant le Ramadan, les rebondissements n’en finissent pas. Avec tantôt l’espoir d’un accord imminent, tantôt des signaux peu encourageants. « Il y a eu un progrès significatif dans les négociations », a dit un haut responsable égyptien cité par la chaîne AlQahera News, qui a également annoncé qu’elles ont repris au Caire mardi 5 pour la troisième journée consécutive. Pourtant, la veille, c’est une demande israélienne qui semblait retarder à nouveau la signature d’un accord. Alors que juste avant, un responsable américain faisait savoir que l’Etat hébreu avait « plus ou moins accepté » un accord de trêve à Gaza prévoyant un arrêt des combats de six semaines contre la libération de 42 otages sur les 130 toujours détenus à Gaza, le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a exigé un nouveau préalable à tout accord : que le Hamas transmette la liste exhaustive des noms des otages israéliens toujours vivants. Or, le Hamas, qui a reconnu ne pas savoir « qui est vivant ou mort » parmi eux, veut un accord d’un cessez-le-feu définitif, une augmentation de l’aide humanitaire entrant dans la bande de Gaza, un retour dans le nord des centaines de milliers de civils déplacés et un retrait militaire israélien du territoire. Des conditions rejetées, jusqu’à présent, par Israël qui, pendant ce temps, continue de bombarder le sud de Gaza sans répit.
A noter que les pourparlers du Caire se tiennent sans la partie israélienne. Ce sont des médiateurs égyptiens, américains et qataris qui tentent d’arracher un compromis aux deux camps, afin d’obtenir un accord de trêve avant le début du mois sacré (ndlr : aucune annonce sur une trêve n’était encore faite au moment de l’impression du journal).
« Les négociateurs finiront par arriver à un accord de cessation des hostilités, ne serait-ce que pour un temps limité, parce que la situation humanitaire est devenue intenable. Mais la guerre va reprendre après la trêve. La tendance générale en Israël, pas seulement au sein du gouvernement de Netanyahu, est pour une destruction du Hamas », estime Dr Mona Soliman, professeure de sciences politiques, qui prévoit qu’Israël reprendra ses frappes contre le Hamas après la trêve et continuera de cibler des responsables du Hamas, même à l’étranger.
Et après la trêve ?
Mais qu’en est-t-il de l’après-trêve, si trêve il y a ? Netanyahu l’a fait savoir : son projet d’offensive contre Rafah est loin d’être écarté. Il a aussi annoncé le maintien d’une présence militaire à Gaza après la guerre. L’après-trêve reste donc très aléatoire. « Cela dépend de plusieurs facteurs : la situation interne en Israël, les relations palestino-palestiniennes et les enjeux régionaux et internationaux », explique Mona Soliman, qui estime que pour parvenir à la création d’un Etat palestinien, un large consensus est nécessaire entre les factions palestiniennes, les parties régionales, les puissances internationales, et avant cela, à l’intérieur d’Israël. Or, à l’heure qu’il est, Netanyahu a clairement affiché son opposition à la création d’un Etat palestinien.
Est-ce dans cet cadre que s’inscrit la visite, dimanche et lundi derniers à Washington, du centriste Benny Gantz, membre du cabinet de guerre israélien et grand rival de Netanyahu et dont le parti fait parfois office de contrepoids aux alliés d’extrême-droite du premier ministre ? La visite, qui aurait déclenché une réprimande de la part de Netanyahu, est en tout cas le signe de l’élargissement des fissures au sein du gouvernement israélien, près de cinq mois après le début de la guerre contre Gaza, et ce, alors que de nombreuses voix appellent, en Israël, à la tenue d’élections anticipées. Elle survient surtout dans un contexte de profonds désaccords entre le premier ministre israélien et le président américain, Joe Biden, sur la manière d’atténuer les souffrances des Palestiniens à Gaza et de créer une vision d’après-guerre pour l’enclave. Dans ce contexte, disent les analystes, Gantz se présenterait comme un remplaçant à Netanyahu.
Premiers morts de faim
Or, faute d’un plan à long terme, pour le moment, il n’est pas question d’une fin de la guerre, mais seulement d’une trêve.
Le désastre humanitaire est tel qu’elle devient essentielle d’autant plus que la poursuite de la guerre pendant le Ramadan ne ferait qu’exaspérer les tensions. D’où la pression accentuée des Etats-Unis, fidèles alliés d’Israël.
« Etant donné l’ampleur des souffrances à Gaza, il doit y avoir un cessez-le-feu immédiat pour au moins les six prochaines semaines, ce qui est actuellement sur la table des négociations », a déclaré dimanche la vice-présidente américaine, Kamala Harris. Elle a réitéré la demande des Etats-Unis à Israël de laisser entrer davantage d’aides humanitaires dans la bande de Gaza.
Preuve que Washington fait pression sur Netanyahu, c’est en recevant Benny Gantz que Kamala Harris a fait ces déclarations, faisant part de la « profonde crise humanitaire à Gaza ».
Car sur place, la situation devient intenable. A Khan Younès, près de Rafah, des Palestiniens récupèrent les corps en décomposition qui jonchent les rues de cette ville transformée en champ de ruines et les évacuent dans des couvertures. Selon le Bureau de coordination de l’aide humanitaire de l’ONU (Ocha), la famine est « quasiment inévitable » pour 2,2 millions d’habitants de Gaza, soit l’immense majorité de la population, l’aide humanitaire n’arrivant qu’au compte-gouttes, alors que les besoins sont immenses.
L’Ocha précise qu’environ 1,17 million de personnes sont confrontées à des niveaux d’insécurité alimentaire « d’urgence » et que la situation de 500 000 autres est « catastrophique ».
Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes. Un camion transporte à lui seul 50 000 rations. Avant la guerre déclenchée, quelque 500 camions approvisionnaient quotidiennement la bande de Gaza en nourriture, en médicaments et en carburant. Ce chiffre est tombé à moins de 100 ces derniers jours. « Pour assurer le minimum vital, il faudrait 200 camions », explique un responsable onusien.
Autre chiffre révélateur, au moins dix enfants sont morts de faim cette semaine à Gaza. Et selon Christian Lindmeier, porte-parole de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), « les chiffres non officiels seraient malheureusement plus élevés ». « Le système à Gaza, nous l’avons dit à plusieurs reprises, est à genoux. Il est plus qu’à genoux », a poursuivi le responsable de l’OMS, expliquant que tous les services essentiels à Gaza ont plus ou moins été coupés — notamment l’eau et l’électricité.
Les images aussi parlent d’elles-mêmes. Celles de Palestiniens en détresse courant sur les plages pour récupérer les aides larguées avec des parachutes.
Ou encore celles de la centaine de Palestiniens tués et des centaines d’autres blessés par des balles israéliennes, jeudi dernier, en tentant d’obtenir de l’aide d’un convoi de secours au sud-ouest de la ville de Gaza.
Des images qui ont suscité l’émoi du monde et qui ont peut-être poussé à intensifier les pressions sur Israël.
En attendant que l’action internationale aboutisse un jour à un règlement global.
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