Al-Ahram Hebdo : Pensez-vous qu’il y ait une prochaine trêve humanitaire, avant le début du mois du Ramadan, qui permettrait la libération des otages israéliens et de prisonniers palestiniens ?
Ayman Al-Raqab : Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, a ignoré délibérément l’accord de Paris auquel Israël a participé avec l’Egypte, le Qatar et les Etats-Unis. L’un des résultats de cette réunion a été la mise en place d’un accord-cadre pour parvenir à une trêve tout au long de quatre mois au cours desquels des prisonniers palestiniens seront libérés sur deux étapes, l’armée israélienne se retirera des villes palestiniennes et la quantité des aides acheminées à l’enclave palestinienne sera augmentée. Ensuite, Netanyahu s’en est désengagé et a demandé de libérer tous les otages israéliens contre 500 prisonniers palestiniens d’un total de 13 000 tout en poursuivant les hostilités à Gaza. Cependant, je crois que nous sommes en passe de conclure une trêve prochainement au cours de laquelle seront libérés 30 otages israéliens, contre 350 prisonniers palestiniens. L’armée israélienne se retirera des profondeurs des villes palestiniennes et les réfugiés palestiniens auront le droit de revenir de Rafah à leurs maisons dans le centre de la bande, à Khan Younès, à Gaza, à l’exception du nord. Cette trêve pourrait être mise en oeuvre pendant le mois du Ramadan ; l’occupation israélienne reviendrait après avoir remis de l’ordre dans les rangs de ses soldats, pour envahir Rafah et prendre le contrôle de l’axe de Philadelphie et le passage de Rafah.
— Après la mort de plus de 29 000 martyrs, majoritairement des femmes et des enfants, quels sont les scénarios de l’après-guerre à Gaza ?
— Dès les premiers jours de la guerre et de l’agression sur la bande de Gaza, Netanyahu, ses ministres, les membres de la Knesset et un nombre d’Etats occidentaux ont mis en avant le scénario de l’après-guerre. Tous les scénarios sans exception ont reposé sur la défaite de la résistance et le contrôle total de la bande de Gaza par l’occupation. Ces scénarios n’ont pas pris en considération la résilience de la résistance. Ils n’ont pas non plus envisagé les compromis avec la résistance comme acteur principal. En faisant une lecture du plan du chef du gouvernement de l’occupation israélienne, qu’il a présenté à la Knesset le 22 février, Netanyahu insiste sur le fait de poursuivre la guerre. Il continue à adopter les idées anciennes qui ont prouvé leur échec durant les cinq derniers mois. Environ 30 000 Palestiniens ont trouvé la mort, majoritairement des femmes et des enfants, en plus des 70 000 blessés. Il n’en demeure pas moins que l’occupation persiste et s’apprête à continuer la guerre pour de longs mois, parce qu’elle est la bouée de sauvetage de Netanyahu qui affiche son intention d’envahir la ville de Rafah, habitée par plus de 1,4 million de Palestiniens qui ont été chassés de la bande de Gaza. Son prétexte est que le commandement de la résistance et les otages israéliens se trouvent à Rafah. Tous ces prétextes garantissent la survie de Netanyahu comme premier ministre. Si la guerre s’arrête, il se trouvera obligé d’appeler à la tenue d’élections anticipées et de clarifier les raisons de sa défaite au niveau sécuritaire. Pour cela, la poursuite de la guerre est une bouée de sauvetage pour lui.
— La solution à deux Etats est-elle toujours valable ?
— Au milieu de cette guerre, la Knesset a rejeté, par une majorité de 99 voix sur 108, la reconnaissance unilatérale de l’Etat palestinien par le reste du monde. Selon les déclarations de Netanyahu, la solution à deux Etats n’est pas envisagée. Pour lui, l’option de la création d’un Etat palestinien est impossible. Nous avons espoir en la Cour Internationale de Justice (CIJ), les Nations-Unies et le monde qui est de plus en plus convaincu que la seule solution réside dans l’application du principe de deux Etats.
— Pensez-vous qu’il soit possible que l’Autorité palestinienne assume à nouveau la gestion de la bande de Gaza ?
— Netanyahu a refusé que l’Autorité palestinienne assume à nouveau la gestion de la bande de Gaza malgré les réclamations américaines et européennes. Netanyahu tente d’instaurer des entités civiles palestiniennes dans différentes régions de Gaza, qui lui seraient loyales, ce qui est impossible.
— L’Egypte a refusé à plusieurs reprises l’expulsion des habitants de la bande de Gaza vers ses terres ou vers tout autre pays. Qu’en pensez-vous ?
— L’Egypte a joué un rôle essentiel pour empêcher le déplacement des habitants de la bande de Gaza. Elle a toujours tenté de parvenir à une solution équitable à la cause palestinienne se basant sur le principe de deux Etats. Le gouvernement et le peuple égyptiens ont oeuvré à la collecte de dons et à l’entrée des aides dans la bande de Gaza qui souffre maintenant d’une famine et de la propagation d’épidémies parmi les déplacés. L’Egypte déploie de grands efforts pour stopper la guerre contre le peuple palestinien dans la bande de Gaza, pour empêcher la tuerie des habitants innocents et pour ouvrir des horizons de paix dans la région, partant de la conviction que la violence n’engendrera que la violence et la haine dans la région.
— Qu’en est-il du front nord et des escarmouches répétées entre Israël et le Hezbollah ? Pensez-vous qu’il soit possible qu’Israël frappe le Liban ?
— Alors que les frappes israéliennes contre la bande de Gaza durent depuis cinq mois, l’affrontement entre l’occupation israélienne et le Hezbollah libanais reste dans le cadre d’accrochages sans atteindre le stade de guerre élargie. Je ne pense pas que ceci puisse avoir lieu dans le temps actuel.
— Vous attendez-vous à une nouvelle intifada contre l’occupation israélienne à Jérusalem et en Cisjordanie pendant le mois du Ramadan ?
— Oui, il est possible qu’une intifada se déclenche à Jérusalem et en Cisjordanie si l’occupation continue à faire pression sur le peuple palestinien. L’Autorité palestinienne cherche à empêcher une telle évolution, mais rien n’est garanti.
— Que pensez-vous de la position américaine qui accorde un soutien sans limite à Israël et au gouvernement de Netanyahu ?
— La position des Etats-Unis et le recours au veto s’affichent dans le cadre d’un soutien américain continu accordé à l’occupation israélienne qui a fait fi de la Maison Blanche à plusieurs reprises. Bien que les conditions posées pour mettre fin à l’occupation israélienne et pour instaurer un Etat palestinien indépendant soient difficiles à mettre en place, toutes les parties concernées, Israël, les Palestiniens, les Etats-Unis et la communauté internationale, ni ne veulent ni ne peuvent s’engager dans un processus politique qui mènerait à la fin de l’occupation. Cependant, selon des informations qui filtrent, les Etats-Unis et d’autres parties commencent à penser à un processus de paix après la fin de la guerre contre Gaza. En plus, le président américain a réitéré son engagement à la solution de deux Etats. Pour que cet engagement ne reste pas un pur slogan levé par Washington sans aucune réalisation et pour éviter de s’engager à nouveau dans un processus politique sans fin, il est important de proposer un point de vue différent pour aboutir à des solutions acceptables pour la partie palestinienne et arabe. Dans le cas contraire, je crains que la pensée des Etats-Unis ne reste coincée dans les cadres anciens qui n’ont abouti qu’à des négociations palestino-israéliennes sans fin et qui n’ont pas réussi à mettre fin à l’occupation et à l’instauration d’un Etat palestinien indépendant.
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