Lundi, 14 octobre 2024
Dossier > Gaza, la guerre >

Cisjordanie : La guerre parallèle

Nada Al-Hagrassy , Mercredi, 17 janvier 2024

Si la situation à Gaza fait toujours couler de l’encre 100 jours après l’assaut israélien contre Gaza, le front de la Cisjordanie vit dans des conditions aussi sombres, sinon pires qu’à Gaza. Décryptage.

Guerre à Gaza : L’enlisement

Alors que l’attention du monde se tourne vers Gaza, la Cisjordanie vit une situation non moins cruelle. « Des bulldozers qui suppriment les camps de réfugiés, des détenus déshabillés sur lesquels on crache, des exploitants agricoles privés de leurs récoltes. La situation en Cisjordanie occupée se détériore rapidement sur fond de guerre à Gaza avec des niveaux de violence jamais vus depuis des années », a mis en garde le chef des droits de l’homme de l’ONU, Volker Türk.

En effet, les colons israéliens ont recours à la violence et aux abus contre les Palestiniens, ce qui met la situation en Cisjordanie au bord de l’explosion. Depuis le 7 octobre, exactement comme à Gaza, les forces israéliennes mènent des raids et des campagnes cruelles d’arrestation contre les Palestiniens. Le gouvernement israélien a même accordé la permission aux colons de porter les armes et de recourir aux actes les plus violents contre les Palestiniens de Cisjordanie sous prétexte de combattre le terrorisme. A la violence méthodique s’ajoute le recours à la détention administrative qui est une forme de détention arbitraire des Palestiniens de Cisjordanie. Entre le 1er octobre et le 1er novembre, le nombre total des Palestiniens placés en détention administrative, sans inculpation ni procès, est passé de 1 319 à 2 070. Le Haut-Commissariat de l’Organisation des Nations-Unies aux Droits de l’Homme (HCDC) a recensé depuis le commencement des bombardements israéliens sur Gaza 300 Palestiniens tués en Cisjordanie, dont 79 enfants. « La déshumanisation des Palestiniens qui caractérise de nombreuses actions des colons est très inquiétante et doit cesser immédiatement », a déclaré Türk. D’ailleurs, dans sa dernière mise à jour, le Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU (OCHA) a souligné que 2023 était « l’année la plus meurtrière pour les Palestiniens de Cisjordanie ». Dans son rapport, le HCDH note « une forte augmentation des frappes aériennes et des incursions de véhicules blindés de transport de troupes et de bulldozers envoyés dans les camps de réfugiés et d’autres zones densément peuplées de Cisjordanie ».

Redessiner le paysage démographique de la Cisjordanie

Selon les analystes, la guerre parallèle menée par Israël en Cisjordanie loin des yeux du monde lui permet de créer une nouvelle réalité sur le terrain pour liquider la cause palestinienne et anéantir toute possibilité de création d’un Etat palestinien indépendant, d’autant plus que la Cisjordanie n’occupe pas le devant de la scène internationale comme Gaza.

Pour atteindre cet objectif, Israël a recours ces jours-ci, en parallèle à la guerre à Gaza, à deux politiques, à savoir forcer les habitants de la Cisjordanie à se déplacer hors de leurs terres et confisquer leurs maisons. Si la déportation forcée de la population de Gaza a suscité l’indignation mondiale, malheureusement celle qui se déroule en Cisjordanie passe sous silence. En effet, le journal israélien Haaretz a révélé que les colons de la Cisjordanie avaient distribué des pamphlets aux Palestiniens de la Cisjordanie où ils les menacent d’expulsion forcée vers la Jordanie. Les pamphlets ne portent la signature d’aucun parti, mais s’adressent aux Palestiniens en tant que « peuple ennemi » qui vit dans « la Cisjordanie juive ». D’ailleurs, selon un rapport récemment publié par le HCDC, « au moins 98 familles palestiniennes et 15 communautés d’éleveurs ou de bédouins ont été expulsés de la zone C depuis le 7 octobre ». Dans un rapport publié par le magazine américain Foreign Policy, le directeur et fondateur de l’organisation Kerem Navot, Dror Etkes, qui surveille les activités des colonies, a déclaré que depuis l’attaque du Hamas le 7 octobre, « les colons exploitent la guerre à Gaza pour redessiner le paysage démographique de la Cisjordanie. Près de 2 000 individus ont été déplacés au début de cette année à cause des violences et des atrocités persistantes des colons en Cisjordanie, en particulier dans la zone C qui représente 61 % de la superficie totale des territoires considérés par la communauté internationale comme la fondation d’un futur Etat palestinien ».

Mots clés:
Lien court:

 

En Kiosque
Abonnez-vous
Journal papier / édition numérique