Après la guerre en Ukraine qui a fait bondir les cours du pétrole à des niveaux record, les craintes se multiplient suite à guerre à Gaza. Bien que le conflit actuel à Gaza ne constitue pas de menace directe pour les lignes d’approvisionnement en pétrole ou ses principales sources dans la région, les prix à terme du pétrole ont enregistré une légère hausse face à l’incertitude liée à l’escalade du conflit. « Les cours de pétrole varieront selon l’évolution de la guerre d’Israël contre Gaza. Si elle reste limitée à l’enclave, l’influence sera minime. Si elle s’étend à la Syrie et au Liban, l’influence sera plus grande. Mais si elle aboutit à l’entrée en guerre de l’Iran, la situation sera totalement différente », explique Dr Ahmed Sultan, expert en énergie à l’ordre des Ingénieurs. En effet, depuis le début de la guerre, les cours de pétrole ont enregistré une augmentation de 4 % seulement pour dépasser les 80 dollars/le baril. Une augmentation qui peut s’élever à 6 ou 8 % si le conflit s’étend au Liban et à la Syrie, selon l’expert.
La production iranienne de pétrole a augmenté de plus de 750 000 barils par jour depuis le début de 2023 pour atteindre son plus haut niveau depuis 5 ans, soit environ 3,3 millions de barils par jour. Téhéran ayant bénéficié de l’apaisement des tensions avec Washington qui a allégé ses sanctions envers ses exportations pétrolières. « Si le conflit à Gaza s’étend et si l’Iran intervient directement dans la guerre, il est certain que l’Administration américaine restreindra de nouveau les exportations pétrolières iraniennes. Ce qui propulsera les cours du pétrole au-dessus de 100 dollars/le baril », explique Dr Ahmed Sultan. D’autre part, l’Iran contrôle le détroit d’Ormuz qui relie les principaux producteurs de pétrole du Golfe arabo-persique aux raffineries du monde entier. Il représente le point de passage d’environ 18,5 millions de barils par jour de pétrole brut et de produits pétroliers, soit l’équivalent d’un cinquième des exportations mondiales. L’Arabie saoudite exporte environ 88 % de sa production de pétrole par ce détroit, contre 99 % pour les Emirats arabes unis et 98 % pour l’Iraq, alors que l’Iran, le Koweït et le Qatar exportent la totalité de leurs exportations de pétrole par son intermédiaire. « La riposte iranienne à une éventuelle frappe israélienne pourra s’étendre à la fermeture du détroit d’Ormuz et paralyser le flux du pétrole vers le monde entier », prédit Sultan.
Le gaz, un enjeu régional
Les chocs sur l’offre de pétrole auraient des conséquences négatives sur l’activité économique des pays importateurs et sur l’économie mondiale en général. Les estimations du FMI suggérant qu’une augmentation de 10 % des prix du pétrole pourrait peser sur la croissance mondiale de 0,15 point de pourcentage et augmenter l’inflation mondiale de 0,4 point de pourcentage.
Les craintes sont les mêmes pour le gaz naturel, surtout que cette guerre survient dans un contexte où les pays européens se sont donné pour objectif de remplacer le gaz russe par d’autres sources. Toute perturbation de la navigation dans le détroit d’Ormuz ou le Canal de Suez qui empêcherait l’acheminement du gaz naturel des pays du Golfe, notamment du Qatar, menacerait le marché global de l’énergie et causerait une flambée des cours du gaz naturel.
Israël est aujourd’hui le deuxième plus grand producteur de gaz naturel de la Méditerranée orientale après l’Egypte avec une production de 22 milliards de m3 par an. Mais, par rapport à la production mondiale, cette quantité est petite. Par exemple, l’Egypte produit 67 milliards de m3 par an. En plus, la plus grande partie est consacrée à la consommation locale. Par conséquent, son influence est minime sur le marché mondial. En outre, Israël ne possède pas l’infrastructure nécessaire à la liquéfaction et l’exportation du gaz naturel vers l’Europe. Raison pour laquelle il a conclu avec l’Egypte et la Jordanie des contrats pour l’exportation du gaz naturel à partir de son champ gazier de Tamar. En vertu de ce contrat, Israël est censé fournir à l’Egypte environ 4,5 milliards de m3 de gaz par an pendant une période de 15 ans. « Cependant, depuis le début de l’exportation du gaz israélien il y a 4 ans, Israël exporte seulement 1 milliard de m3 de gaz naturel par an vers l’Egypte pour être liquéfié et exporté vers les marchés européens, vu qu’il ne possède pas l’infrastructure nécessaire à la liquéfaction. Au cas où cette quantité n’arriverait pas, elle pourrait être remplacée par le gaz chypriote extrait du champ d’Aphrodite, d’autant plus que des travaux sont en cours pour établir un gazoduc reliant le champ aux stations de liquéfaction égyptiennes », explique Ahmed Bayoumi dans une étude publiée par le Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS).
Il n’empêche que cette guerre aura certes un impact sur les ambitions d’Israël qui aspire à augmenter sa production de gaz naturel de près de 15 milliards de m3 par an d’ici 2025. « La guerre actuelle mènera au ralentissement des investissements dans le secteur du gaz israélien et entravera les efforts d’Israël pour attirer davantage de compagnies d’énergie », conclut Sultan.
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