La guerre qui fait rage depuis un mois et demi dans la bande de Gaza ne cesse de changer la donne politique de ses deux principaux acteurs que sont l’Etat hébreu et le Hamas. Deux questions se posent alors : quel avenir politique pour Benyamin Netanyahu ? Et quel est l’avenir du Hamas après la guerre ?
Au départ, l’assaut du Hamas le 7 octobre, malgré l’affront qu’il représentait, était considéré comme une bouée de sauvetage pour Netanyahu qui traversait, à ce moment, la plus grave crise politique de sa carrière : trois affaires de corruption et une contestation massive contre son projet de réforme judiciaire. L’assaut du 7 octobre lui a donné l’occasion de se déclarer comme le défenseur acharné des Israéliens, en leur promettant d’anéantir le Hamas. D’où la brutalité de l’offensive israélienne qui prend plutôt des allures de vengeance.
Quelques jours après le début de la guerre, Netanyahu a publié, puis supprimé, un message sur le réseau X dans lequel il accuse les appareils sécuritaires de son pays d’avoir sous-estimé les risques de l’attaque du 7 octobre. Netanyahu s’en est même excusé. En vain. Pour de nombreux Israéliens, notamment les colons, ceux qui vivent dans les kibboutz limitrophes de la bande de Gaza, il est tenu pour responsable. Et depuis, la contestation contre le premier ministre et sa politique grandit, avec des manifestations régulières et une marche des familles des détenus partie de Tel-Aviv le 14 novembre pour arriver le 18 à Jérusalem, afin de maintenir la pression sur le gouvernement pour qu’il négocie avec le Hamas et obtienne leur libération.
En Israël, une double débâcle politique
En outre, la guerre ne cesse de changer la donne politique de l’Etat hébreu tant sur le plan régional qu’international. La diffusion sur les médias et les réseaux sociaux des bombardements massifs des civils, des hôpitaux et même des écoles de l’UNRWA a soulevé l’opinion publique mondiale qui dénonce de plus en plus la brutalité israélienne. De par le monde, les manifestations gagnent du terrain à tel point que des organisations juives aux Etats-Unis ont manifesté sous le slogan « Not in my name » (pas en mon nom).
Par ailleurs, l’atrocité de la guerre a poussé à plusieurs défections au sein des hautes instances politiques, européennes et américaines. Selon le politologue Samir Ghattas, directeur du Forum du Moyen-Orient pour les études stratégiques, le président Joe Biden a perdu le soutien de cinq Etats américains qui lui était acquis avant la guerre, à cause de son soutien aveugle à Netanyahu et au génocide de Gaza.
De ce point de vue, et même avant la fin de la guerre, Israël et son dirigeant Netanyahu ont perdu plus qu’ils n’ont gagné. « En Israël, les scénarios politiques se résument à cela : mauvais ou pire », explique Nermine El Saïd, chercheure au centre d’Al-Marsad Al-Masry. Selon elle, « l’état de vide qui pourrait surgir à Gaza après l’élimination du Hamas, si cela arrivait, aurait des effets négatifs à long terme en déclenchant une vague de chaos et d’instabilité, car éliminer le Hamas ne signifie pas éliminer le reste des factions armées de Gaza ni celles de l’Axe de résistance ». Et d’ajouter : « En poursuivant l’escalade à Gaza, Israël risque de s’isoler des grandes puissances régionales influentes et de transformer ses espoirs de normalisation avec les pays arabes en mirage ».
Il en va de même pour l’avenir de Netanyahu. Selon un sondage publié le 17 novembre par le journal Maariv en coopération avec le centre de recherche Lazar, sa popularité est en chute libre et les appels à sa destitution se font de plus en plus forts. « Quels que soient les scénarios à venir, les Israéliens ne lui pardonneront pas les pertes qu’ils ont subies le 7 octobre », estime Nermine El Saïd.
Quel avenir pour le Hamas ?
Quant au Hamas, à travers son assaut du 7 octobre, il a voulu montrer au monde entier les conditions de vie inhumaines des habitants de la bande de Gaza, sous blocus depuis 16 ans. Des circonstances imposées par Israël et qui ont valu à Gaza la qualification de prison à ciel ouvert. Avant la guerre actuelle, environ 80 % de la population de Gaza dépendaient de l’aide internationale, selon l’Onu, et environ un million de personnes dépendaient de l’aide alimentaire au quotidien, alors qu’Israël contrôle le littoral et l’espace aérien de l’enclave et contrôle la quantité et le genre des marchandises qui y entrent.
Or, la question qui se pose toujours est : Israël peut-il atteindre son objectif affiché, celui de détruire le Hamas ? Selon Toqa Al-Nagar, chercheuse au ECSS, « la réponse n’est pas aussi simple que cela ». Selon elle, l’élimination du Hamas s’avère une tâche complexe à cause de plusieurs facteurs : « Le premier est lié à la difficulté des combats à l’intérieur de la bande de Gaza compte tenu de sa population dense d’environ 2,3 millions d’habitants. Le deuxième est lié à la présence de plus de 200 détenus par le Hamas. Le troisième est lié à la présence d’un réseau de tunnels pour le mouvement à travers lequel les forces de l’armée d’occupation israélienne doivent pénétrer profondément dans la bande de Gaza, afin de pouvoir la détruire ».
Vu ces données imbriquées de la situation, il existe quelques scénarios concernant l’avenir du Hamas. Le premier scénario porte sur la possibilité que l’opération terrestre globale parvienne à éradiquer le Hamas. Cependant, le réalisme de cette hypothèse reste sujet à caution. Le deuxième scénario est que le Hamas parvienne à résister grâce à l’expérience acquise tout au long des opérations de résistance menées contre les forces de l’occupation. Le troisième cas de figure porte sur la conclusion d’un accord pour la libération des détenus israéliens chez le Hamas. Quant au dernier scénario, c’est celui d’un cessez-le-feu sous la pression de la communauté internationale. Ce qui signifie que le Hamas continuera d’exister, car l’idée même de la résistance et l’idéologie ne disparaissent pas. « Tous les scénarios restent cependant ouverts », conclut Toqa Al-Nagar.
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