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Gaza, les incertitudes du « jour d’après »

Aliaa Al-Korachi , Mercredi, 15 novembre 2023

Alors que la guerre continue de faire rage dans la bande de Gaza et que l’arrêt des hostilités n’est même pas à l’ordre du jour, la question du « jour d’après » est déjà posée dans les cercles occidentaux. Mais les options proposées démontrent le grand fossé entre la perspective occidentale et arabe de sortie de la crise.

Gaza, les incertitudes du « jour d’après »
(Photo : AFP)

A quoi pourrait ressembler le jour d’après ? Qui gouvernera la bande de Gaza une fois la guerre terminée et comment ? Ce sont des questions qui font aujourd’hui surface dans les médias et les cercles occidentaux alors que les bombardements israéliens et les frappes meurtrières se poursuivent pour le 40e jour consécutif dans l’enclave, sans répit, et sans qu’aucun processus politique se dessine à l’horizon. Pour le côté arabe, la réponse est claire : « L’avenir de la bande de Gaza ne pourra jamais être séparé de celui de la Cisjordanie et de Jérusalem. Le cessez-le-feu complet est une priorité qui prévaut sur toute autre considération », a déclaré Ahmad Aboul-Gheit, secrétaire général de la Ligue arabe, lors du Sommet arabo-islamique extraordinaire, tenu le 11 novembre à Riyad, au Royaume d’Arabie saoudite.

En effet, selon les observateurs, ce qui se passe dans la bande de Gaza depuis le 7 octobre, au vu et au su du monde entier, est plus qu’une crise humanitaire. C’est une crise de l’humanité. Mais au lendemain de la guerre, le monde se réveillera face à une tragédie humaine majeure : des centaines de milliers de personnes déplacées, sans abri ni nourriture, des infrastructures détruites, des dizaines de milliers de bâtiments effondrés, des milliers de corps sous des décombres. Le nombre de morts à Gaza a dépassé, le 13 novembre, le seuil des 11 100 morts, dont plus de 8 000 enfants et femmes. Tandis que plus de 70 % des 2,3 millions d’habitants de Gaza sont désormais déplacés à l’intérieur du pays. Le nombre de victimes civiles dans la bande de Gaza en un mois a dépassé le nombre de victimes de la guerre russo-ukrainienne qui dure depuis près de deux ans. Selon des premières estimations, le coût de la reconstruction de la bande de Gaza pour la rendre viable pourrait dépasser les 50 milliards de dollars. En outre, le « choc socio-économique » de la guerre va entraîner des centaines de milliers de Palestiniens dans la pauvreté, a alerté, le 9 novembre, l’Onu dans un rapport, en mettant en garde contre les impacts à long terme à Gaza, mais aussi en Cisjordanie.

La ville de Gaza est aujourd’hui coupée en deux, nord et sud, et coupée du monde alors qu’une autre guerre parallèle, moins visible, fait rage en Cisjordanie, notamment dans les villes de Jénine et de Naplouse où l’armée israélienne et les colons multiplient les raids et les incursions. 40 jours se sont écoulés et le rythme des événements à Gaza s’accélère sans relâche, alors que personne ne sait clairement quand et comment la guerre prendra fin ni quelles seront ses conséquences.

Les dilemmes d’Israël

Une question se pose donc : est-ce qu’Israël a pu réaliser ses objectifs ? Selon des observateurs, Israël, dans la gestion de sa guerre contre le Hamas, est confronté aujourd’hui à deux dilemmes : un dilemme militaire à cause du manque de confiance dans sa capacité à atteindre ses objectifs de guerre ; et un autre dilemme politique lié à son incapacité à élaborer une vision politique de l’après-guerre. « Israël continue de mener ses opérations terrestres à l’intérieur de la bande de Gaza pour atteindre son principal objectif déclaré : éradiquer le mouvement du Hamas. Cependant, ce qui se passe sur le champ de bataille montre qu’Israël n’a pas du tout réussi à atteindre cet objectif et qu’il n’y a même aucun signe qui indique qu’il est sur le point de l’atteindre », explique Salah Wahba, spécialiste au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Et d’ajouter : « Malgré l’intensification des attaques aériennes, maritimes et terrestres israéliennes, les roquettes palestiniennes continuent d’être tirées depuis la bande de Gaza vers un certain nombre de villes israéliennes. Selon les calculs militaires, l’armée israélienne n’a encore été en mesure d’atteindre aucun des objectifs opérationnels qu’il s’était fixés, surtout avec son incapacité à réaliser une invasion terrestre complète de la bande de Gaza, ou même à infliger des pertes significatives aux factions palestiniennes afin d’éliminer leur présence militaire et politique. En plus, toutes les victimes palestiniennes sont des civils, en particulier des enfants et des femmes. Ce qui n’est pas considéré comme une réussite militaire, mais s’inscrit plutôt dans le cadre des crimes de guerre et du génocide ».

Des options irréalistes

Selon une étude publiée par l’ECSS intitulée « Regard sur l’avenir de la bande de Gaza », l’escalade israélo-palestinienne actuelle dans la bande de Gaza, suite à l’attaque du Hamas du 7 octobre, soulève la nécessité de réfléchir à une nouvelle approche pour aborder l’avenir de la bande, mais dans un cadre plus global lié à la résolution de la cause palestinienne sur la base d’une paix juste et globale et des résolutions de légitimité internationale. « Si le cessez-le-feu est la priorité qui occupe les activités diplomatiques actuelles, dans le but d’aider les civils et d’arrêter l’effusion de leur sang et par crainte d’un scénario de déclenchement de guerre régionale, la question du jour d’après à Gaza préoccupe les cercles politiques et intellectuels du monde entier. Car la réponse à cette question déterminera si le conflit israélo-palestinien explosera à nouveau comme les fois passées ou si la confrontation actuelle sera l’occasion de jeter de nouvelles bases permettant d’assurer une paix durable », souligne l’étude, avant d’ajouter que de nombreux groupes de réflexion et personnalités occidentales n’ont pas tardé à présenter différentes approches et perceptions sur l’après-cessez-le-feu à Gaza. « Ces perceptions occidentales sont biaisées et reposent, dans leur intégralité, sur trois hypothèses : premièrement, Israël réussira à atteindre son objectif d’éliminer le Hamas. deuxièmement, Israël sera libéré de toute responsabilité dans la bande de Gaza après le cessez-le-feu. Et troisièmement, une administration transitoire, onusienne ou arabe, sera nommée pour combler le vide à Gaza après la guerre avant que l’Autorité palestinienne n’assume par la suite la responsabilité de la bande ».

Selon Wahba, « discuter de l’avenir de Gaza est une question prématurée, puisque toutes ces perceptions occidentales ignorent la nécessité de parvenir d’abord à un cessez-le-feu, une étape nécessaire sans laquelle ces visions ne peuvent être mises en oeuvre ». Le spécialiste estime que la vision occidentale du jour d’après va de pair avec la vision israélienne qui cherche à séparer Gaza de la question globale ou de l’avenir de l’Etat palestinien. Elle vise également à libérer Israël de ses responsabilités en tant qu’une puissance occupante en cherchant à exporter la crise vers d’autres parties régionales et internationales. « L’avenir de la bande de Gaza doit être déterminé par les Palestiniens eux-mêmes et toute vision de l’avenir de la bande de Gaza ne doit pas être séparée du projet d’Etat palestinien », conclut Wahba.

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