Israël, c’est l’enfant gâté de l’Occident, l’enfant à qui on ne dit pas non, à qui tout est permis. Aujourd’hui et plus que jamais, c’est le sentiment qui prévaut dans le monde arabe. Dès le 7 octobre, en effet, les condamnations ont fusé de toutes parts dans les pays occidentaux, qualifiant l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » du Hamas des termes les plus forts : « massacre », « attaque barbare », « pogrom » … Le Hamas, déjà considéré par les Etats-Unis et l’Union Européenne (UE) comme organisation terroriste, est comparé à Daech. Le « droit à la légitime défense » est accordé à Israël sans ambiguïté. Plus partiaux que jamais, les Etats-Unis soutiennent Israël dans sa guerre avec toute sa démesure, rejettent tout cessez-le-feu qui, selon eux, « profiterait » au Hamas. Le tout est présenté comme si, entre les Palestiniens et les Israéliens, l’histoire avait commencé le 7 octobre 2023, et non en 1948. Le président Joe Biden s’empresse de se rendre en Israël pour manifester son indéfectible soutien. Tout comme son homologue français, Emmanuel Macron, le chancelier allemand, Olaf Scholz, ou encore la cheffe de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Un élan de solidarité envers l’Etat hébreu comme l’on a rarement vu.
Mais face à l’horreur, rester silencieux équivaut à être complaisant. Au fur et à mesure que les jours avançaient et que l’atrocité de la guerre devenait flagrante, les Occidentaux ont, à peine timidement, commencé à plaider à ce que l’on nomme désormais des « pauses humanitaires ». Plus de 11 000 tués à Gaza, dont près de la moitié sont des enfants, plus de 250 000 habitations détruites ou en partie endommagées, des quartiers entiers rayés de la carte, des églises, des mosquées, des hôpitaux et des écoles de l’UNRWA ciblés. Des dizaines de milliers de Palestiniens forcés à quitter leurs maisons, vers l’inconnu …
L’ampleur de la catastrophe humanitaire est telle que certaines personnalités n’ont pu que dénoncer les actes israéliens alors que d’autres ont commencé à mettre de l’eau dans leur vin. Craig Mokhiber, directeur du bureau de New York du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux droits de l’homme, a remis sa démission fin octobre pour dénoncer le « génocide » qui a lieu à Gaza, ainsi que la « complicité » occidentale. « Un massacre à grande échelle des Palestiniens, fondé sur une idéologie ethno-nationaliste coloniale », a-t-il fustigé. « Les attaques du Hamas ne justifient pas la punition collective », « le nombre de victimes civiles fait ressortir une anomalie dans le déroulement des opérations militaires », « Gaza est devenue un cimetière pour les enfants », a dit, de son côté, le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres. Alors que le président français, Emmanuel Macron, a tenté de rééquilibrer la position de son pays, d’une part en organisant une conférence humanitaire à Paris le 9 novembre, ensuite en exhortant Israël à accepter une trêve humanitaire. Car aux premiers jours de la guerre, la position de la France a été perçue comme trop conciliante vis-à-vis d’Israël. Macron avait, dans un premier temps, commis une grosse erreur en proposant, lors de sa visite en Israël le 24 octobre, de « bâtir une coalition régionale ou internationale » pour « lutter » contre le Hamas, reprenant ainsi à son compte la rhétorique du premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, mettant sur un pied d’égalité le Hamas et Daech.
Fracture
« Toutes les vies se valent » et « il n’y a pas, pour nous qui portons des valeurs universelles et humanistes, de double standard », a dit le président français. Le double standard est cependant bel et bien là. Pendant des années, l’Occident n’a rien fait pour empêcher Israël de poursuivre la colonisation, pourtant illégale selon le droit international. Alors qu’aussitôt après qu’elle eut lancé son offensive contre l’Ukraine, la Russie, coupable de ne pas respecter le droit international, s’est vu infliger une salve de sanctions, les Occidentaux ferment les yeux sur les violations israéliennes. Et ce, depuis toujours.
Si depuis le début de la guerre, le Conseil de sécurité de l’Onu s’est réuni, en vain sept fois, il faut surtout rappeler les dizaines de résolutions, pourtant contraignantes, qui n’ont jamais été appliquées par Israël. Depuis la fameuse 242, du 22 novembre 1967, qui exige le « retrait des forces armées israéliennes des territoires occupés ». 56 ans plus tard, non seulement cette résolution est restée lettre morte, mais les Etats-Unis ont aussi utilisé 42 fois leur veto au profit d’Israël.
S’il y a un sujet sur lequel le reproche de « deux poids, deux mesures » prend tout son sens, c’est bien sur la question palestinienne. Force est de constater que les « démocraties occidentales », ces pays qui prônent la défense des droits de l’homme et le droit humanitaire international, font preuve d’une hypocrisie flagrante, avec des règles de jeu à géométrie variable.
Après la guerre en Ukraine, la guerre à Gaza vient confirmer la fracture mondiale.
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