« Ce sont les habitants du Nord-Sinaï qui, en priorité, mettront en oeuvre les projets de développement et de reconstruction, alors que le rôle de l’Etat se limite à organiser le financement et à assurer la logistique nécessaire ». C’était le message du premier ministre, Moustapha Madbouli, lors d’une conférence de presse le 31 octobre dans la résidence d’Al-Katiba 101 à Al-Arich. Madbouli a précisé que la deuxième phase de développement du Nord-Sinaï avait commencé à partir du mois d’octobre 2023 et se poursuivrait jusqu’à juin 2030. Pour réaliser cet objectif, l’Etat a consacré 363 milliards de L.E. à 302 projets dans différents secteurs du Sinaï, péninsule désertique et montagneuse de 60 000 km² située au nord-est du territoire égyptien, où vivent 559 289 habitants.
Ce plan de développement stratégique a été lancé en 2014 par l’Etat qui a choisi l’option la plus difficile, à savoir mener de front deux batailles : éradiquer le terrorisme et renforcer le développement économique durable de la péninsule après de longues années d’isolement. Au cours des 10 dernières années, les projets de développement poussent comme des champignons dans le Sinaï.
« Nous sommes vraiment ravis de la visite de Madbouli qui a affirmé e le premier souci de l’Etat était d’intégrer économiquement le Sinaï aux autres régions d’Egypte. Le plan de l’Etat 2030 place la péninsule sur la carte industrielle de l’Egypte en établissant 24 projets industriels d’une valeur de 37,8 milliards de L.E. Le plus important est le complexe d’usines de marbre qui fournira plus de 700 emplois aux jeunes Sinaouis », note le cheikh Abdallah Jouhama, à la tête de l’Association des moudjahidines du Sinaï.
Une histoire mouvementée
En effet, le Sinaï a connu de nombreux tournants au cours de l’histoire moderne de l’Egypte, de la défaite de 1967 à la victoire du 6 Octobre 1973, en passant par la bataille politique pour la récupération intégrale de la péninsule et l’éradication du terrorisme grâce à l’opération militaire globale « Sinaï 2018 ». C’est grâce aux Tarabin et aux Sawarka, deux puissantes tribus du Nord-Sinaï qui ont annoncé leur engagement aux côtés de l’armée égyptienne en 2016, que l’Union des tribus du Sinaï, qui compte 30 tribus, a servi de guide à l’armée. Les deux tribus ont appelé les habitants d’Al-Arich, de Cheikh Zowayed et ceux de la Haute-Egypte, du Fayoum, de Charqiya, d’Ismaïliya et de Matrouh à participer à la bataille pour mettre fin au terrorisme. « Aujourd’hui, il n’est pas question d’entrer dans d’autres conflits, qu’ils soient internes ou externes. Nous sommes opposés à tout transfert de population (vers le Sinaï), c’est une ligne rouge que nous ne permettrons à personne de franchir. Il n’est pas question de laisser passer les 2,3 millions de Palestiniens de Gaza au Sinaï », déclare cheikh Ali Freige, président du Conseil national des tribus du Sinaï. Freige est d’accord avec les propos du président Abdel-Fattah Al-Sissi qui a déclaré, à la fin du mois d’octobre, qu’un afflux massif de réfugiés de Gaza marquerait la fin de la cause palestinienne, prévenant qu’une telle mesure entraînerait l’Egypte dans une guerre avec Israël.
Depuis la nuit des temps, le Sinaï est une terre d’inspiration. Vu sa situation géographique, la péninsule comprend, au sud, les sommets les plus élevés d’Egypte, Gabal Moussa (mont Moïse, 2 288 m) et Gabal Sainte-Catherine (mont Sainte-Catherine, 2 639 m). Coincées entre deux bouts de mer, ces montagnes désertiques abritent d’étonnantes petites oasis, des richesses minérales comme le pétrole, des minéraux et des monuments archéologiques, remontant à 3 000 av. J.-C. Les habitants du Sinaï veulent protéger leurs terres sacrées, berceau des religions. « Dieu a honoré cette région en la mentionnant dans le Coran au nom d’Al-Tor, montagne sacrée du Sinaï », insistent les bédouins des différentes tribus qui ont survécu aux guerres, à la sécheresse et aux pandémies. En plus, l’isolement économique et social des bédouins les a incités à avoir recours à la contrebande, surtout à partir de 2007, début du siège israélien de Gaza. A travers les tunnels, ils font passer tout ce dont ont besoin les Palestiniens (nourriture, ciment, voitures, biens électroménagers). Aujourd’hui, les bédouins du Sinaï ne pensent qu’au développement de la péninsule. « Il faut commencer par les secteurs les plus importants, tels que l’éducation et la santé », affirme cheikh Abdel-Salam, membre de la tribu d’Al-Sawarka, au Nord-Sinaï.
La reconstruction en chiffres
L’éducation constitue l’un des volets les plus importants du développement du Sinaï. Les projets dans le domaine de l’éducation sont énormes. Ils permettront de réduire le taux d’analphabétisme de 19 % à 7 % d’ici 2030. Les premières pierres seront posées pour la construction de 58 écoles primaires, préparatoires et secondaires et deux instituts azharis. Ajoutons à cela, la fondation de l’Université du Sinaï, située à Al-Arich, qui comprend 10 facultés : polytechnique, gestion, sciences politiques, biotechnologie, pharmacie, arts appliqués, sociologie, médias, médecine et physiothérapie. Tout cela va coûter à l’Etat 8,7 milliards de L.E.
Les bédouins participeront aussi aux services de santé dans les années qui viennent. Un certain nombre de grands hôpitaux à Al-Arich, Cheikh Zowayed, Bir Al-Abd, Nakhl et à Rommana seront construits. L’Etat fournira 8,3 milliards de L.E. aux investissements dans le domaine de la santé.
L’Etat financera aussi des micro-entreprises, afin de résoudre le problème du chômage des jeunes diplômés, en lançant des projets d’élevage et de production agricole, notamment au centre du Sinaï. L’Etat a fourni des prêts sans intérêts pour le lancement de 405 petits projets et 2 810 micro-entreprises.
Quant au développement urbain, les forces armées ont réussi à construire 81 000 logements et 400 maisons bédouines, au nord et au centre du Sinaï, dont 2 000 sont déjà achevés dans la ville d’Al-Massaïd à Al-Arich. Dans les quelques mois à venir, la ville de Rafah terminera la construction de 9 296 maisons bédouines. Les autochtones de Cheikh Zowayed construiront 6 873 maisons bédouines, tandis que les habitants d’Al-Arich en construiront 1 237.
L’Etat a mis en place un plan national pour le développement des ressources hydriques jusqu’en 2037. Le plan vise à trouver des ressources alternatives et innovantes. Le Génie militaire a été chargé de l’exécution de 20 stations de dessalement d’eau de mer, ainsi que de 8 stations de traitement des eaux usées afin de fournir l’eau de l’irrigation. Il ne reste que le secteur du tourisme. Les habitants de la péninsule participeront à la construction de 13 projets touristiques : 11 à Al-Arich, un à Cheikh Zowayed et un autre à Bir Al-Abd. Coût de l’opération : 2,5 milliards de L.E. fournis par l’Etat.
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