Al-Ahram Hebdo : Selon certaines informations, il y aurait des dissensions entre le premier ministre israélien et les dirigeants de l’armée au sujet de la guerre en cours, qu’en est-il ?
Dr Saïd Okasha : Il existe des différends en effet, mais ils ne sont pas d’une grande importance et ne concernent pas l’opération terrestre à Gaza. Les dissensions sont liées à l’option de mener une opération au Sud-Liban parallèlement à la guerre de Gaza. Le ministre de la Défense israélien, Yoav Galant, y voit une opportunité pour affaiblir le Hezbollah. Mais Benyamin Netanyahu refuse d’ouvrir un autre front, tout comme l’Administration américaine qui ne veut pas d’un élargissement du conflit. Car cela peut entraîner toute la région dans la guerre, car l’Iran pourra alors entrer en jeu et on risque de se trouver face à un conflit quasi global. Or, à l’heure qu’il est, l’Administration américaine veut seulement détruire le Hamas car il représente un angle important dans l’axe anti-américain dirigé par Téhéran dans la région. Cet axe qui menace les intérêts américains dans la région comporte le Hamas, le Hezbollah au Liban et les Houthis au Yémen.
— Mais qu’en est-il des informations, niées par Washington, selon lesquelles Biden estimerait que Netanyahu devrait quitter le pouvoir ?
— Des rumeurs ont, en effet, circulé selon lesquelles le président américain, Joe Biden, serait en désaccord avec Benyamin Netanyahu. Mais elles ont été complètement niées. Au contraire, son secrétaire d’Etat, Antony Blinken, revenu dans la région cette semaine, a une fois de plus affiché le soutien américain à Israël et à son fameux droit de se défendre. Il lui a donné une sorte de feu vert pour étendre sa guerre. Le seul différend entre Américains et Israéliens, si différend il y a, concerne les pauses humanitaires et la question des personnes détenues par le Hamas. Autrement dit, le soutien américain à Israël est indéfectible. C’est un soutien politique, mais aussi relatif à des aides militaires et financières très importantes.
— La chute du gouvernement de Netanyahu même avant la fin de la guerre, évoquée par certains analystes, n’est-elle donc pas de mise malgré les tensions internes ?
— Il est vrai que le gouvernement de Netanyahu va chuter, mais ce sera au lendemain de la guerre et non pendant la guerre. Une enquête sérieuse et élargie sera également lancée sur sa responsabilité dans les événements du 7 octobre. Mais on ne peut pas s’attendre pour autant à un départ de Netanyahu maintenant, ce sera considéré comme une victoire par le Hamas et c’est pour cela que les Israéliens tiennent à préserver ce gouvernement jusqu’à la fin de la guerre. Il existe quatre scénarios qui peuvent conduire à la chute du gouvernement. Un : une motion de censure de la Knesset, dans ce cas le gouvernement restera en fonction jusqu’à la tenue d’une nouvelle élection, soit jusqu’à la fin de la guerre. Deux : le Likoud limoge Netanyahu, mais ce scénario est compliqué car les députés partisans de Netanyahu peuvent se retirer du parlement et provoquer une crise. Trois : Netanyahu démissionne, ce qui est impossible. Quatre : un des partis de la coalition gouvernementale se retire. Dans tous les cas, le gouvernement actuel survivra jusqu’à la fin de la guerre.
— Mais quel est le poids du mécontentement populaire ?
— Le mécontentement populaire prend de plus en plus d’ampleur en Israël en raison de la gestion de la question des personnes détenues par le Hamas, dont les familles demandent la libération. Cependant, Netanyahu compte sur le fait qu’il y a une unanimité au sein d’Israël sur la nécessité de détruire le Hamas. Tant pour les politiciens que pour les militaires israéliens, l’éradication du Hamas passe avant tout.
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