Al-Ahram Hebdo : Détenir la force au moment où la région fait face à de nombreux défis est-il important selon vous ?
Samir Farag : Dans tous ses récents discours, le président Sissi a mis l’accent sur le fait que le recours à la force doit être sage et le fait qu’il ne faut pas s’aventurer à l’utiliser pour éviter qu’elle ne se transforme en force brutale. Je trouve que l’alignement de la quatrième division blindée, mercredi dernier, a envoyé des messages politiques et militaires importants. Il s’agit d’un message pour rassurer le peuple égyptien sur le fait que l’armée égyptienne est au niveau d’alerte le plus élevé. C’est également un message de dissuasion : méfiez-vous de vous approcher de l’Egypte, de ses frontières et de ses investissements. L’armée égyptienne est la plus grande armée au monde, elle mène des entraînements conjoints avec de nombreux pays et a de bonnes relations avec les forces militaires voisines, ce qui permet l’échange des informations.
— Les dernières années ont vu un changement qualitatif au niveau de l’organisation, la formation et l’armement des forces armées. Expliquez-nous ce changement ?
— Il y a eu un changement qualitatif dans l’armée à tous les niveaux. Il y a eu une ouverture militaire en matière d’armement, c’est-à-dire. une diversification des sources d’armement. Auparavant, nous achetions des armes uniquement aux Etats-Unis. Or, nous avons commencé à diversifier nos sources d’armement en achetant des avions Rafale à la France, des frégates à l’Italie, des sous-marins à l’Allemagne. A la Russie, nous avons acheté le MiG-29 et nous avons acheté des drones à la Chine. Diversifier les sources d’armement était un espoir et un rêve pour l’armée. La 4e division de la 3e armée, que nous avons vue se déployer cette semaine à Suez, disposait de chars russes des années 1950 et, actuellement, ses chars sont tous de type M1A1, le plus récent au monde. L’équipage de ce char est composé de 4 soldats, tous diplômés de la faculté d’ingénierie. Concernant la formation, l’armée égyptienne est celle qui organise le plus d’entraînements conjoints au monde ; de nombreux pays viennent s’entraîner avec nous parce que nous disposons d’un niveau élevé d’armement et d’expérience depuis la guerre d’Octobre.
— En tant qu’expert militaire, pensez-vous que l’objectif d’Israël à Gaza soit d’expulser les civils palestiniens ?
— L’objectif principal de l’agression violente d’Israël contre la bande de Gaza est de déplacer par la force les civils palestiniens du nord de l’enclave palestinienne vers le sud, afin d’imposer son contrôle sur cette partie de la Palestine. Ce n’est pas la première fois que cette question est soulevée. Elle a été évoquée à l’époque de l’ancien président Mohamad Morsi, et les médias ont confirmé à l’époque qu’il y avait un accord américano-israélien pour disperser la population de Gaza, car elle représentait une bombe à retardement pour l’administration israélienne. Après le départ de Morsi, cette question a été rejetée par les forces armées. La position de l’Egypte est claire sur ce plan : l’Egypte ne permettra pas à Israël de liquider la cause palestinienne et de déplacer les citoyens de la bande de Gaza vers le Sinaï. L’Egypte ne cédera pas un seul centimètre de son territoire et ne permettra à personne d’y entrer. En un mot : « personne ne peut toucher à nos frontières ». La déclaration de l’Egypte, visant à arrêter les combats, afin d’assurer le cheminement de l’aide humanitaire et de négocier pour parvenir au calme, est judicieuse. Si Israël prend Gaza d’assaut, il perdra beaucoup. Le combat en ville est la pire forme de combat pour une armée régulière, d’autant plus que le Hamas s’est préparé pour ce moment. Il s’agit de la septième guerre entre le Hamas et Israël. Ensuite, on parle de la création d’un Etat palestinien avec Jérusalem-Est pour capitale. L’idée de déplacer les Palestiniens vers le Sinaï menace la paix avec Israël et représente un avortement de la cause palestinienne. Par conséquent, les Palestiniens doivent rester dans leur terre, la défendant jusqu’à la dernière goutte de sang.
— Quelle est l’importance du Sinaï pour l’Egypte au regard des dangers que représente le déplacement des Palestiniens ?
— Le Sinaï a été une source de menace pour l’Egypte à travers les âges : depuis l’attaque des Hyksos, en passant par les Croisades, les attaques israéliennes en 1956 et 1967 et enfin le terrorisme représenté par la présence de 2 000 tunnels entre le Sinaï et Gaza à travers lesquels il y a un trafic d’armes, en plus de la présence de centres de commandement terroristes. Il était donc nécessaire d’éliminer le terrorisme. En seulement 4 ans, l’armée a réussi à éliminer les éléments terroristes, à tarir leurs ressources, à détruire leurs infrastructures et à sécuriser les frontières égyptiennes. Le président Sissi a mis en place une stratégie pour sécuriser le Sinaï, basée sur le développement, en construisant des tunnels et des ponts, en cultivant un demi-million de feddans et en créant la plus grande usine de traitement des eaux au monde, la station de Bahr Al-Baqar.
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