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Réfaat Sayed Ahmed : Nous sommes face à une nouvelle phase du conflit

Racha Darwich , Jeudi, 26 octobre 2023

Réfaat Sayed Ahmed, spécialiste des affaires régionales, explique les différents scénarios de l’avenir du conflit arabo-israélien et met l’accent sur le danger du déplacement forcé des Palestiniens vers l’Egypte.

Réfaat Sayed Ahmed

Al-Ahram Hebdo : Quelles sont les répercussions de la guerre actuelle à Gaza sur le conflit arabo-israélien ?

Réfaat Sayed Ahmed : Cette guerre représente un moment charnière dans le conflit arabo-israélien, car pour la première fois, la résistance palestinienne a réussi à mener une attaque armée de cette ampleur, à attaquer les colonies de l’enveloppe de Gaza et à prendre des otages. C’est aussi la première fois que la réponse israélienne est aussi féroce et que l’idée du déplacement forcé est soulevée de cette manière. Il s’agit donc d’une incursion stratégique et militaire qui a été affrontée par une épuration ethnique et des tentatives acharnées de pousser les Palestiniens à quitter Gaza pour aller en Egypte. Il s’agit donc d’une nouvelle étape du conflit arabo-israélien.

— Quelle sera la forme de cette nouvelle étape ?

— Israël tentera d’imposer à l’Egypte la question du déplacement forcé des Palestiniens. Si l’Egypte accepte d’accueillir 2 millions de Palestiniens au Nord-Sinaï comme le réclame le secrétaire d’Etat américain, nous nous trouverons face à un foyer armé qu’Israël attaquera constamment car il sera impossible d’imposer un contrôle sur 2 millions de Palestiniens et de les empêcher de résister pour revenir sur leurs terres. Ce qui entraînera l’Egypte dans une guerre certaine. Il ne s’agira pas d’une guerre entre Israël et les déplacés qu’accueille l’Egypte, mais entre Israël et l’Egypte sur ses terres. Raison pour laquelle le président Abdel-Fattah Al-Sissi, ainsi que tout le peuple égyptien ont refusé cette idée. Il ne s’agit pas d’une question d’hospitalité. Bien plus, l’exode du peuple palestinien équivaut à la liquidation de la cause palestinienne, il n’y aura pas de peuple pour qui l’on veut instaurer un Etat selon les Accords d’Oslo ou les résolutions internationales.

— Dans ce cas, quel sera l’avenir de la solution de deux Etats ?

— Je pense que les agressions barbares des forces armées israéliennes persisteront contre le peuple palestinien sous prétexte qu’Israël a été agressé. Ce qui n’est pas vrai. L’opération « Déluge d’Al-Aqsa » n’est qu’une réaction aux offensives et provocations israéliennes contre la mosquée d’Al-Aqsa. La prochaine étape se caractérisera donc par davantage d’agressions israéliennes et davantage d’actes de résistance. D’autre part, il est tout à fait possible que le Hezbollah intervienne. En effet, Israël a commencé à frapper le Sud-Liban, alors que le Hezbollah répond par des missiles contre les colonies israéliennes, ce qui a obligé Israël à évacuer les colons de nombreuses colonies du nord. La défaite d’Israël est certaine si le Hezbollah intervient au même moment où Israël entame une invasion terrestre de Gaza car l’armée israélienne est une armée qui frappe de loin et qui est incapable d’entrer dans des affrontements directs. Dans un tel scénario, le conflit pourra s’élargir car les forces militaires américaines stationnées en Méditerranée interviendront et vraisemblablement l’Iran aussi et même la Russie. Nous nous trouvons face à des scénarios catastrophiques pour les peuples de la région.

— Cette dernière escalade à Gaza a replacé la cause palestinienne sous les feux des projecteurs sur la scène internationale. Cet intérêt ne peut-il pas relancer le processus de paix quasiment disparu au cours des dernières années ?

— Nous espérons tous une solution politique à la crise actuelle pour l’intérêt des civils. Mais avec la mentalité de Netanyahu et de la droite extrémiste qui gouverne Israël, la solution politique semble impossible. Surtout que ce gouvernement jouit d’un soutien américain illimité, ainsi que d’un soutien occidental sous prétexte qu’Israël a été victime d’une offensive armée alors que c’est Israël qui a attaqué la mosquée d’Al-Aqsa et les Palestiniens et que le « Déluge d’Al-Aqsa » n’est que la réaction des Palestiniens. Mais avec un gouvernement extrémiste qui dit que ses terres s’étendent du Nil à l’Euphrate, ceci est peu probable. Par conséquent, il incombe à l’Egypte de prendre garde qu’Israël n’essaie de nous expédier l’idée du déplacement des habitants de Gaza afin de se soulager de leur fardeau et non pas pour résoudre la cause palestinienne. D’ailleurs, l’idée du déplacement des Palestiniens dans la péninsule du Sinaï remonte à une longue date, depuis Al-Noqrachi pacha en 1948.

— Netanyahu a déclaré que la guerre actuelle à Gaza changera la carte du Moyen-Orient. Qu’est-ce qu’il entend par là ?

— Netanyahu veut imposer une nouvelle réalité via le déplacement forcé des Palestiniens loin de leurs terres. Il s’agit dans un premier temps de déplacer les deux millions de Palestiniens de Gaza vers l’Egypte, puis les Palestiniens de la Cisjordanie vers la Jordanie, alors que le reste, soit un million de Palestiniens qui vivent au sein d’Israël et à Jérusalem, peut être déplacé vers le reste du monde en faisant pression sur eux pour les pousser à quitter le pays de sorte qu’il n’y ait plus de Palestiniens en Palestine. C’est ainsi que changera entièrement la carte du Moyen-Orient. Sans oublier le plan de Netanyahu qui inclut le percement du Canal de Ben Gourion, du golfe d’Aqaba à Haïfa sur la Méditerranée, qui anéantira entièrement la valeur du Canal de Suez. Pour réaliser ce rêve, il ne veut pas d’Arabes sur sa voie, il veut anéantir Gaza et ses habitants.

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