Un problème courant dans la couverture du conflit israélo-palestinien est la propagation de la désinformation avec des exemples d’allégations trompeuses ou sans fondement diffusées sur les réseaux sociaux et reprises par les médias traditionnels sans vérification.
Un exemple frappant est l’histoire des « bébés décapités », qui illustre comment la désinformation peut se propager en temps de crise et semble être une stratégie utilisée pour susciter la sympathie et le soutien sur le plan international dans les opérations militaires à l’encontre des Palestiniens. Il s’est avéré plus tard qu’il s’agit d’une fausse allégation provenant de déclarations du chef des colonies israéliennes dans les territoires palestiniens, David Ben Zion, sur la chaîne israélienne i24News, où sa correspondante affirmait, au cours de sa couverture, que ces corps avaient été retrouvés.
Cette nouvelle a largement circulé sans vérification. Le président américain, Joe Biden, lui-même a confirmé la nouvelle et a dit avoir vu des images horribles de cet incident. Plus tard, la Maison Blanche a dû préciser que « le président et d’autres responsables américains n’avaient ni vu, ni confirmé de manière indépendante cette affaire ». Les commentaires des responsables américains n’étaient, en effet, basés que sur les déclarations du porte-parole de Netanyahu.
Mais le mal est fait, la nouvelle est reprise partout dans le monde avec des millions de vues et prise comme vérité en dépit de l’abstention de l’armée israélienne de la confirmer.
Un cas qui fait écho aux tactiques de propagande de Goebbels pendant la Seconde Guerre mondiale. Le modus operandi est clair : l’information erronée est publiée, rapidement relayée par les médias et même reprise par les dirigeants mondiaux.
Plusieurs cas de fausses informations ont émergé, embrouillant davantage les choses. Les images d’un enfant israélien prétendument brûlé et qui se sont avérées plus tard être celles d’un chien modifiées par l’IA pour apparaître comme un enfant. L’absence de vérification n’a pas dissuadé les médias occidentaux de diffuser ces allégations, soulignant une tendance inquiétante.
La couverture révèle aussi un parti pris significatif et utilise un langage favorable à Israël. Ce parti pris pro-israélien se manifeste de plusieurs manières, explique un rapport du Centre égyptien pour la pensée et les études stratégiques. Ceci commence par une diabolisation du Hamas. Les médias américains, britanniques et français ont régulièrement dépeint le Hamas comme une organisation terroriste, similaire à Daech, ignorant complètement que le Hamas a virulemment critiqué ce groupe par le passé. « Cette présentation du Hamas comme une organisation terroriste classique détourne l’attention du contexte plus large de la résistance palestinienne contre l’occupation israélienne », dit le rapport.
Un autre exemple est l’adoption du narratif israélien. Ainsi, les médias occidentaux présentent l’attaque du Hamas comme un événement de même ampleur que celui du 11 Septembre et les revendications israéliennes sont rapportées sans preuve substantielle. Cette pratique contraste avec leur approche de la couverture des actions israéliennes contre les Palestiniens et permet de présenter l’attaque contre Israël comme une violence injustifiée, une haine des juifs renforçant la victimisation d’Israël.
Omettre le contexte et occulter l’Histoire
La décision de supprimer le « contexte » sur les activités du Hamas à Gaza était un moyen délibéré pour façonner le récit. L’omission du contexte historique du conflit est une tactique connue de manipulation médiatique, en décriant les événements comme « injustifiés », ainsi que le manque de couverture des politiques israéliennes à Gaza, devenue une prison à ciel ouvert au fil des années. Le discours médiatique a évolué d’« attaques injustifiées » à la promotion de l’idée de « guerre due à une haine profondément enracinée envers les juifs » plutôt que d’« attaques odieuses contre la mosquée d’Al-Aqsa, les résidents de Cisjordanie et Gaza ».
La diabolisation est suivie d’une déshumanisation des Palestiniens en général avec un déséquilibre dans les correspondances. La surreprésentation des médias américains en Israël, par rapport à leur présence presque inexistante à Gaza ou encore en Cisjordanie, perpétue le parti pris. « Cet écart conduit à une focalisation biaisée sur les victimes israéliennes et à une attention insuffisante portée à la souffrance palestinienne », explique le rapport. La couverture de CNN, Sky News, MSNBC, centrée sur la position d’Israël, et le choix des interviewés soulignent davantage cette disparité. La chaîne MSNBC a suspendu de l’écran ses trois présentateurs musulmans, Ayman Moheidin (d’origine palestinienne), Mahdi Hassan et Ali Velshi, en réponse à une campagne de l’organisation juive ADL. D’autres journalistes de la BBC Arabic ont été également suspendus pour leur soutien aux Palestiniens sur les réseaux sociaux.
Une terminologie et des choix loin d’être fortuits
Et la tendance est de mettre en avant les histoires des victimes israéliennes et de leurs familles. La voix n’est pas donnée aux Palestiniens. La couverture de certains journaux titrait sur Israël et sa souffrance mais, en effet, est accompagnée des photos de Gaza. Et quand un Palestinien ou un défenseur de la cause palestinienne est invité, la première question posée est de savoir s’il condamnait les actions du Hamas. Cette même question n’est jamais posée à un Israélien. On ne leur demande pas s’ils condamnent le meurtre des civils et des enfants à Gaza.
La terminologie utilisée souligne davantage cette hypothèse. Les soldats israéliens sont souvent désignés comme les « Forces de Défense d’Israël », tandis que la résistance palestinienne est étiquetée comme du « terrorisme ». On utilise « tués » pour les Israéliens, mais « morts » pour les Palestiniens, comme s’ils étaient décédés dans une catastrophe naturelle et non pas sous les bombardements barbares d’Israël.
En plus, le rôle des politiciens dans la formation des récits médiatiques ne peut être sous-estimé. Cela est évident dans l’alignement de la couverture médiatique sur les positions d’Israël. L’exemple le plus frappant est le président Biden quand il a soutenu le fait d’avoir vu les images confirmées « des enfants décapités ».
La même chose s’est produite avec le bombardement israélien de l’hôpital Al-Ahli Baptiste. Avec l’ampleur de l’attaque, les médias occidentaux ont rapporté l’information qui se passait en direct, mais l’ont vite retirée pour adopter la version israélienne, selon laquelle il s’agit d’une attaque des mouvements palestiniens eux-mêmes. Israël a été incapable de fournir des preuves substantielles pour sa version, qui passe cependant pour vraie. Cependant, une enquête de l’agence Sanad, une agence de vérification des faits pour Al-Jazeera, a présenté des preuves contredisant l’affirmation de l’armée israélienne selon laquelle une frappe sur un hôpital de Gaza aurait été causée par un tir de roquette palestinienne malencontreux.
L’agence a analysé des séquences montrant de multiples lancements de roquettes depuis Gaza, qui ont tous été interceptés par le système de défense Dôme de fer d’Israël. La roquette spécifique qu’Israël prétend qu’elle a mal fonctionné et a frappé l’hôpital peut être vue dans une vidéo interceptée par le Dôme de fer à 18h59. Il s’agissait de la dernière roquette tirée depuis Gaza avant que la bombe sur l’hôpital ne survienne quelques secondes plus tard, confirmant que la frappe ne pouvait pas provenir d’une roquette palestinienne, comme l’affirme l’armée israélienne.
Le Centre de lutte contre la désinformation de la Direction de la communication de la présidence turque a également déclaré que l’analyse des séquences avait montré que les munitions dévastatrices n’étaient pas du type généralement utilisé par le Hamas et que les images partagées par des comptes israéliens affirmant qu’une « roquette du Hamas » avait frappé l’hôpital datent, en réalité, de 2022, et non de 2023.
Le parti pris ne se limite pas aux médias traditionnels ; il s’étend également aux plateformes de médias sociaux. Israël a ainsi payé pour promouvoir sa propagande sur diverses plateformes, y compris des jeux comme Angry Birds et des géants des médias sociaux comme YouTube. Cette campagne vise à justifier les bombardements aériens d’Israël comme étant simplement une réponse aux attaques du Hamas.
Et alors que les comptes palestiniens disparaissent mystérieusement, comme la page de Quds Network de Facebook, certains comptes pro-israéliens emploient un langage agressif et provocateur en toute impunité.
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