« Nous transformerons vos villes et quartiers en ruines comme dans la bande de Gaza … L’existence d’un Etat palestinien représente une menace existentielle pour Israël ». C’est la menace lancée la semaine dernière par le ministre israélien des Finances d’extrême droite, Bezalel Smotrich, aux Palestiniens de Tulkarem en Cisjordanie occupée. Ces déclarations interviennent alors que l’Office de secours et de travaux des Nations-Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) ne cesse d’avertir qu’« une guerre en Cisjordanie risque de passer inaperçue », en soulignant que « les opérations militaires, les destructions, les restrictions de mouvement et la pauvreté en Cisjordanie suscitent la peur, l’incertitude et l’anxiété parmi les réfugiés palestiniens ».
Mais quelles sont les ambitions d’Israël en Cisjordanie ? Depuis le début de la guerre à Gaza, Israël a intensifié ses opérations en Cisjordanie, sous prétexte de freiner toute possibilité d’en faire un autre front. Les forces d’occupation ont mené des incursions sans précédent, tué et arrêté des Palestiniens en grand nombre dans les villes et villages de la Cisjordanie. Les colons ont créé la brigade Netzah Yehuda formée des colons ultra-orthodoxes, afin d’intensifier les opérations d’épuration ethnique contre la population arabe de la Cisjordanie. Et cela ne s’est pas arrêté là : le gouvernement israélien a donné son feu vert aux colons pour recourir à la violence la plus extrême, allant jusqu’à les armer sous prétexte de légitime défense. En décembre dernier, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben Gvir, distribuait des armes de toutes sortes aux colons extrémistes. Plus récemment, et suite aux déclarations du ministre des Finances, les médias israéliens ont révélé que les dirigeants de l’armée d’occupation avaient décidé de distribuer davantage de fusils automatiques aux colons en Cisjordanie occupée. Ces fusils seront le deuxième lot distribué aux colons depuis le 7 octobre dernier.
Chiffres alarmants
Selon l’ONU, plus de 700 attaques de colons israéliens contre des Palestiniens ont été recensées, faisant 519 morts palestiniens, dont un quart étaient des mineurs. Alors que le nombre des détenus palestiniens est passé à 8 935 depuis le 7 octobre. D’ailleurs, l’armée israélienne poursuit toujours ses agressions contre les villes de la Cisjordanie. Le 30 mai, au nord de la Cisjordanie occupée, les forces d’occupation ont pris d’assaut la ville de Tulkarem avec un certain nombre de véhicules militaires, ont attaqué plusieurs quartiers et ont assiégé l’hôpital gouvernemental du martyr Thabet. Le 1er juin, les forces de l’occupation israélienne ont installé un barrage militaire sur l’entrée du village d’Ein Sinya au nord de la ville de Ramallah et ont pris d’assaut la ville de Jénine et le camp de Balata à Naplouse, où elles ont détruit les infrastructures et magasins du centre du camp. En effet, d’après l’agence palestinienne Wafa, « le camp de Balata est soumis à des raids et est généralement bombardé presque quotidiennement ». Ces atrocités ont poussé près de 800 personnes à se déplacer à la suite de la destruction de leur habitation. Cette politique méthodique de la démolition des maisons constitue une forme de punition collective et est considérée comme illégale au regard du droit international.
Par ailleurs, les violences exercées par des colons contre les Palestiniens et leurs biens, qui étaient en moyenne d’une par jour en 2021, sont passées à deux par jour en 2022, puis à trois en 2023, et ont bondi à cinq depuis le 7 octobre. Le taux de colonisation israélienne en Cisjordanie a augmenté de 3 % en 2023. En avril dernier, le mouvement « Peace Now », mouvement israélien de gauche opposé à la colonisation, a indiqué que le gouvernement avait promu, depuis le début de l’année, la construction de 12 885 unités de colonisation et qu’il avait des plans pour en construire davantage.
Les ambitions cachées d’Israël
« Profitant de la préoccupation internationale par la guerre dans la bande de Gaza, Israël mène une guerre parallèle en Cisjordanie. Cette situation représente une occasion pour l’occupation israélienne pour modifier la démographie et consolider une nouvelle réalité sur le terrain qui lui facilite l’adoption de projets visant à liquider la question palestinienne et accélérer la déportation silencieuse des habitants de la Cisjordanie et la prise de contrôle de davantage de terres », souligne Nermine Saad, chercheuse au Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Ainsi, depuis le 7 octobre, Israël impose le déplacement progressif des Palestiniens de Cisjordanie de leurs terres et recourt à des tactiques pour entraver la vie des Palestiniens. Il les a économiquement ciblés en détruisant des oliveraies. Les colons ont coupé 170 oliviers centenaires âgés de 50 à 80 ans dans les villages de Yasuf et Al-Sawiya à l’est de la ville de Salfit. Cela s’inscrit également dans le cadre du ciblage du patrimoine palestinien. Selon la spécialiste, « les véritables objectifs derrière les actions israéliennes dans les territoires occupés visent à séparer la Cisjordanie de la bande de Gaza. Cela a été clairement annoncé par l’appel du gouvernement israélien à créer des zones isolées en Cisjordanie interdites aux Arabes ».
En outre, la reconnaissance internationale accrue d’un Etat palestinien est un autre cauchemar pour Israël. « La reconnaissance par des pays membres de l’Union européenne d’un Etat palestinien indépendant constitue une raison essentielle derrière les déclarations du ministre des Finances, Bezalel Smotrich, qui a affirmé que la création d’un tel Etat constitue une menace existentielle pour Israël », souligne l’analyste palestinien Khalil Chahine. Et de conclure : « Cette politique israélienne persistera toujours pour faire face à la résistance armée en Cisjordanie qui augmente de plus en plus ».
Un territoire, trois zones
En effet, la Cisjordanie est une région géopolitique située au centre de la Palestine et constitue près de 21 % de la superficie de la Palestine mandataire. Elle comprend les sept grandes villes palestiniennes qui sont Jérusalem-Est, Tulkarem, Naplouse, Jénine, Bethléem, Hébron et Jéricho. La Cisjordanie est divisée en trois zones selon les accords d’Oslo : la zone « A », sous administration de l’Autorité palestinienne, la zone « B », sous administration conjointe avec Israël, et la zone « C », sous contrôle israélien. Les colonies israéliennes représentent aujourd’hui 42 % de la superficie totale de la Cisjordanie. 68 % de la zone « C » ont été confisqués au profit des colonies. Cette zone abrite 87 % des ressources naturelles de Cisjordanie, 90 % de ses forêts et 49 % de ses routes.
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