Lundi, 07 octobre 2024
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Pressions occidentales et inflexibilité israélienne

Dr Mona Soliman*, Mercredi, 21 février 2024

Face à l’imminence d’une attaque israélienne à Rafah, les Occidentaux se montrent de plus en plus réservés vis-à-vis des opérations israéliennes à Gaza. Explications.

Pressions occidentales et inflexibilité israélienne

Le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, continue son entêtement et poursuit sa guerre brutale contre la bande de Gaza, qui dure depuis plus de quatre mois et qui a causé jusqu’à présent 29 000 martyrs palestiniens. Netanyahu insiste sur le lancement d’une opération militaire terrestre sur la ville palestinienne de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, et ce, en dépit des mises en garde arabes et internationales quant aux répercussions désastreuses d’une telle opération puisque la ville abrite plus de 1,4 million de déplacés palestiniens venus du nord de l’enclave palestinienne. Selon les observateurs internationaux, il faut augmenter les pressions internationales sur Tel-Aviv pour éviter une attaque à Rafah. La position occidentale vis-à-vis de la guerre à Gaza, depuis son déclenchement, est passée par deux phases. La première était un soutien quasi total à Tel-Aviv. Durant la première phase de la guerre à Gaza, en effet, les Etats-Unis et les pays européens ont manifesté un soutien quasi total à Israël pour faire face aux « attaques terroristes commises par le mouvement du Hamas » et riposter à l’opération « Déluge d’Al-Aqsa » afin de préserver la sécurité d’Israël. Les Occidentaux voulaient également, à travers ce soutien, éliminer le mouvement du Hamas considéré comme « groupe terroriste » par les Etats-Unis, ainsi que par certains pays européens. Ce soutien a pris plusieurs formes, notamment politique. Ainsi, un certain nombre de dirigeants politiques et de responsables européens se sont rendus à Tel-Aviv pour lui manifester leur soutien dans sa « lutte contre le terrorisme ». Washington lui a également fourni un soutien militaire sous la forme de contrats militaires et d’équipements sophistiqués.

Revirement

La deuxième phase marque un revirement par rapport à la première, avec notamment un rejet de l’opération militaire à Gaza et de l’opération militaire israélienne à Rafah. Dès le début de 2024, des informations ont circulé selon lesquelles Tel-Aviv pensait lancer une opération militaire au sol dans la ville palestinienne de Rafah, au sud de la bande de Gaza, habitée actuellement par 1,4 million de Palestiniens déplacés venus du nord de la bande de Gaza à cause de la détérioration de leurs conditions de vie. Cet état de choses fait de toute opération militaire israélienne sur Rafah un « désastre humanitaire » qui entraînerait des milliers de morts et de blessés que les capacités sanitaires de la ville ne peuvent supporter.

L’une des raisons les plus importantes du changement de la position européenne et américaine est que Tel-Aviv n’a atteint aucun de ses objectifs déclarés au début de la guerre, à savoir éliminer le Hamas, détruire les tunnels souterrains de la bande de Gaza et libérer les prisonniers israéliens détenus par le mouvement palestinien. En effet, les pays européens et Washington craindraient les répercussions politiques et humanitaires si Tel-Aviv mettait à exécution sa menace à Rafah, entraînant une expansion de la guerre qui deviendrait alors une guerre régionale, voire globale. Sur le front libanais, le Hezbollah et Israël se font face ; en mer Rouge les opérations des Houthis contre les navires commerciaux se poursuivent ; et les bases militaires américaines en Iraq continuent à être prises pour cible par des factions chiites armées soutenues par l’Iran ; ce qui augure d’une guerre par procuration entre l’Iran et Israël, qui aurait des répercussions négatives.

Une telle confrontation entre l’Iran et Israël aura en effet de graves répercussions sur la paix et la sécurité régionales. Ce qui constitue une menace sérieuse aux intérêts européens et américains au Moyen-Orient en entravant la navigation dans les détroits maritimes, en causant l’augmentation des prix du carburant et en perturbant les chaînes d’approvisionnement de l’Asie du Sud-Est vers l’Europe.

Non à l’opération de Rafah

Pour faire face à ces défis, un consensus international s’est formé contre le lancement d’une opération israélienne à Rafah. L’Egypte refuse catégoriquement toute tentative israélienne visant à déporter les Palestiniens vers le Sinaï, ainsi que toute opération militaire israélienne à Rafah. Alors qu’à l’échelle mondiale, le chef de la politique étrangère de l’Union européenne, Josep Borrell, a demandé à la communauté internationale de reconsidérer la fourniture d’armes à Israël afin de faire pression sur Israël pour qu’il mette fin à sa guerre à Gaza. Le chancelier allemand, Olaf Scholz, a également appelé, le 17 février, Israël à respecter le droit international à Gaza et à assurer la protection des civils à Rafah en cas d’opération militaire dans cette ville. A son tour, le président français, Emmanuel Macron, a rejeté toute éventualité d’attaque militaire israélienne à Rafah car « cela conduirait à une catastrophe humanitaire plus grave et au déplacement forcé des habitants ». L’Afrique du Sud a également qualifié l’attaque israélienne imminente contre Rafah de « violation de la Convention sur le génocide », tandis que la Turquie, le Brésil, la Thaïlande, la Chine, la Russie, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande ont renouvelé leur position qui consiste à rejeter catégoriquement toute opération militaire israélienne dans la ville de Rafah pour empêcher une « catastrophe humanitaire ». Par ailleurs, le Haut-Commissaire des Nations-Unies aux droits de l’homme, Volker Türk, a décrit l’incursion israélienne à Rafah d’« affaire terrifiante parce que les habitants n’ont pas d’autre endroit où fuir ».

Initiative américaine

Face aux craintes d’une catastrophe humanitaire à Rafah si Israël y lançait une opération militaire, les efforts diplomatiques internationaux et arabes se sont intensifiés pour tenter d’instaurer un cessez-le-feu. Ainsi, un responsable américain a révélé mi-février une initiative conjointe arabo-américaine visant à négocier avec Tel-Aviv une longue trêve de six semaines pour libérer les otages et les prisonniers, reprendre le processus de paix et annoncer une forme d’Etat palestinien indépendant avant la fin de l’année. Washington a demandé à Israël d’élaborer un « plan crédible et réalisable » pour assurer la sécurité des personnes déplacées à Rafah avant de mener une quelconque opération militaire. En parallèle, une réunion quadripartie s’est tenue au Caire durant trois jours entre l’Egypte, le Qatar, Israël et les Etats-Unis pour discuter d’un accord de cessez-le-feu dans la bande de Gaza. Bien que les réunions se soient terminées sans résultat annoncé, le Qatar a annoncé le 17 février que les négociations entre les quatre pays se poursuivaient en vue d’un accord imminent. Des sources ont révélé que le point de discorde qui a entravé les négociations au Caire était le désaccord entre le Hamas et Tel-Aviv sur le nombre de prisonniers à libérer.

En effet, l’intransigeance de Netanyahu, qui rejette toute initiative visant à mettre fin à la guerre ou à échanger les prisonniers, s’explique par sa volonté de poursuivre la guerre pour sauver son avenir politique et éviter de comparaître devant la justice, ce qui pourrait aboutir à son emprisonnement pour corruption et négligence politique et sécuritaire ayant conduit à l’opération « Déluge d’Al-Aqsa ». Il est nécessaire de redoubler la pression internationale sur Netanyahu pour qu’il accepte d’arrêter la guerre et toute opération militaire dans la ville palestinienne de Rafah, fait qui conduira à une catastrophe humanitaire en raison de la forte densité de la population. Ensuite, il faut exploiter la dynamique internationale, régionale et arabe actuelle en faveur d’une solution définitive à la question palestinienne pour pousser en faveur d’une reprise du processus de paix et fonder un Etat palestinien sur les frontières de 1967, avec Jérusalem-Est comme capitale.

*Professeure de sciences politiques et experte des affaires régionales

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