Loin des fronts de bataille dans la bande de Gaza, Israël mène une autre guerre pernicieuse : l’extension de la colonisation. Selon un rapport publié cette semaine par l’ONG israélienne anti-colonisation La Paix maintenant, les colons en Cisjordanie occupée ont établi un nombre record de 26 « avant-postes » illégaux (c’est-à-dire de colonies sauvages) en 2023, dont une dizaine depuis le début de la guerre en cours. En comparaison, cinq colonies sauvages avaient été établies en 2022. « Sous le gouvernement Netanyahu, nous avons assisté à un soutien sans précédent aux colonies », indique l’ONG, précisant que 2023 a été une année record pour les colonies sauvages depuis « l’émergence » de ce phénomène sous un précédent gouvernement de Benyamin Netanyahu, en 1996. Dans le même temps, un nouveau rapport basé sur les statistiques démographiques du gouvernement israélien, publié cette semaine par le groupe pro-colons WestBankJewishPopulationStats.com, révèle que la population des colons est passée à 517 407 le 31 décembre, contre 502 991 un an plus tôt, soit une augmentation de 3 %. Selon le même rapport, la population des colons a augmenté de plus de 15 % au cours des cinq dernières années. Et pourtant, le rapport n’inclut pas les chiffres de la population de Jérusalem-Est, censée être la future capitale d’un Etat palestinien, où plus de 200 000 Israéliens vivent dans des colonies qu’Israël considère comme des quartiers de sa « capitale ».
Ces deux rapports interviennent alors qu’un spasme de violence s’empare de la Cisjordanie. Depuis le début de la guerre en cours dans la bande de Gaza, près de 400 Palestiniens ont été tués par des tirs israéliens en Cisjordanie. Si la majorité d’entre eux ont été la cible des forces israéliennes, certains ont été tout simplement liquidés par des colons, sous le regard bienveillant des forces israéliennes. De nombreuses attaques menées par les colons contre les Palestiniens ont aussi été répertoriées. Dernière en date : des colons ont incendié, vendredi 16 février, des propriétés dans le village de Kisan, près de Bethléem.
Selon ACRI, l’association pour la défense des droits humains en Israël, la violence des colons contre les Palestiniens en Cisjordanie a atteint un niveau presque sans précédent depuis octobre dernier avec une moyenne de sept agressions par jour contre les Palestiniens. En outre, 160 familles, dont 611 adultes et 352 enfants, ont été évacuées de force alors que 18 nouvelles routes ont été percées par le mouvement des colonies, sans autorisation du gouvernement israélien. La plupart sur des terres privées palestiniennes.
Les voeux pieux de la CIJ
Autant de développements qui interviennent alors que les juges de la Cour Internationale de Justice (CIJ) doivent se prononcer pour la première fois sur les 57 ans d’occupation de la Cisjordanie et de Jérusalem-Est par Israël. Depuis lundi 19 février et jusqu’au 26, la CIJ va entendre les avis sur deux questions : les conséquences juridiques de la violation persistante par Israël du territoire palestinien ; son incidence sur le statut de l’occupation et ses conséquences pour tous les Etats et les Nations-Unies. Au cours de ces six jours, des représentants d’une cinquantaine de pays, des représentants palestiniens, ainsi que des représentants de la Ligue arabe, de l’Organisation de la coopération islamique et de l’Union africaine prendront la parole. Les avocats cherchent à obtenir un verdict sur les conséquences juridiques des actions d’Israël depuis la guerre israélo-arabe de 1967, y compris les colonies en Cisjordanie jugées illégales par le droit international. Les juges sont également invités à se prononcer sur les actions israéliennes « modifiant la composition démographique, le caractère et le statut » de Jérusalem et sur les politiques présumées discriminatoires.
Si ces audiences arrivent après celles lancées par l’Afrique du Sud, cette affaire la précède, puisqu’elle remonte à une résolution de l’Assemblée générale de l’Onu du 30 décembre 2022 dans la foulée d’une commission d’enquête de l’Onu. Depuis, quelque 4 000 documents venant notamment de cette commission ont été transmis à La Haye.
Toutefois, la CIJ, principal organe juridique des Nations-Unies, ne pourra émettre qu’un avis consultatif, d’autant plus qu’Israël rejette la compétence du tribunal en ce qui concerne la question de son contrôle de la Cisjordanie, déclarant que des avis consultatifs ne devraient pas être émis lorsque l’essence d’un dossier est de nature politique, et non pénale.
Malheureusement donc, un avis consultatif de la CIJ n’aura aucune conséquence contraignante pour Israël. Au contraire, aujourd’hui, le sionisme religieux qui soutient la colonisation est ancré dans le tissu politique de l’Etat d’Israël. Avec des déclarations plus que provocatrices. Fin janvier, le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, a appelé au retour des colonies à Gaza, alors que le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, n’a cessé d’appeler à la poursuite de la colonisation en Cisjordanie. Aujourd’hui, on estime que 700 000 colons israéliens vivent en Cisjordanie. Malgré la pression internationale et le caractère illégal des colonies, les récents projets d’expansion n’augurent de rien de bon.
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