C’est sans la moindre réserve que les Etats-Unis ont endossé, dès les premiers jours de l’offensive, le rôle de soutien indéfectible d’Israël. C’est d’un ton ferme que le président américain, Joe Biden, a pris la parole le 10 octobre sur la situation au Moyen-Orient, confirmant être, comme toujours, aux côtés d’Israël et assurant que les Etats-Unis étaient prêts à déployer des « ressources supplémentaires » pour soutenir Israël face au Hamas. Dès le lendemain de l’opération « Déluge d’Al-Aqsa », le Pentagone avait, de son côté, annoncé que le porte-avions USS Gerald R. Ford et ses six bâtiments d’escorte avaient mis le cap vers l’est de la Méditerranée. Dans le même temps, les forces aériennes des Etats-Unis dans la région avaient été renforcées et des munitions livrées à l’armée israélienne sur place. « C’est la première fois que les Etats-Unis interviennent militairement en envoyant ce porte-avions. Auparavant, ils jouaient plutôt un rôle politique et diplomatique. La présence de ce porte-avions présente de nombreuses alternatives pour les preneurs de décision américains, car ceci leur épargne de faire voler des avions à partir des bases américaines implantées dans les pays arabes pour leur épargner la gêne. Il s’agit également d’un message de réconfort pour l’armée israélienne et pour l’intérieur israélien qui fait pression sur le gouvernement israélien, mais aussi pour les familles américaines dont des membres sont pris en otage », explique le général Hicham El-Halaby.
Confirmant la solidarité des Etats-Unis avec Israël, le secrétaire d’Etat américain, Antony Blinken, a atterri jeudi 12 octobre à Tel-Aviv, réitérant que les Etats-Unis seraient « toujours aux côtés » d’Israël et qu’il ne posait aucune condition à l’emploi du matériel militaire supplémentaire qu’il fournirait à l’Etat hébreu contre le Hamas. Le lendemain, c’est le secrétaire américain à la Défense, Lloyd Austin, qui est arrivé en Israël, rencontrant le premier ministre israélien, Benyamin Netanyahu, le ministre de la Défense, Yoav Gallant, ainsi que de hauts responsables israéliens de la défense au quartier général de l’armée à Tel-Aviv. C’est ainsi qu’Austin a insisté sur la fourniture continue d’aide militaire à Israël, notamment de munitions et d’intercepteurs de défense aérienne.
Washington est l’allié traditionnel d’Israël depuis la création du pays en 1948. Les Etats-Unis ont été le premier pays à reconnaître Israël comme un Etat indépendant le 14 mai 1948, lorsque le président Harry Truman a publié une déclaration de reconnaissance à la suite de la déclaration d’indépendance d’Israël le jour même, alors que les relations diplomatiques ont été établies dès l’année suivante, lorsque l’ambassadeur américain James Grover MacDonald a présenté ses lettres de créance le 28 mars 1949. Par ailleurs, Washington réserve à Tel-Aviv sa principale aide militaire annuelle qui atteint plus de 3 milliards de dollars. En plus du soutien financier, les Etats-Unis engagent Israël dans des opérations mutuelles de haut niveau, y compris des exercices militaires conjoints, la recherche militaire et le développement d’armes.
Mais ce n’est pas tout. L’Administration Biden annoncerait prochainement une aide militaire supplémentaire pour renforcer les capacités de défense d’Israël, en particulier en réponse à la demande de Netanyahu d’un « soutien américain d’urgence » pour le système de défense Dôme de fer du pays.
Facteurs internes et conjoncture internationale
Ces positions actuelles de l’Administration américaine dans le conflit et son soutien inébranlable se basent sur plusieurs facteurs dont certains sont internes. Le conflit actuel au Moyen-Orient se déroule dans un contexte de conflit entre les deux principaux camps politiques aux Etats-Unis, y compris sur la question israélo-palestinienne. Plusieurs républicains, dont l’ancien président Donald Trump et le gouverneur de Floride Ron DeSantis, ont été enclins à tenir l’Administration Biden responsable des attaques initiées par le Hamas. Ils les attribuent à la politique de l’Administration envers l’Iran et à la récente signature d’un accord de libération d’otages avec Téhéran en échange du dégel de certains avoirs iraniens. En réponse à ces affirmations, le Trésor et les départements d’Etat ont rejeté les tentatives républicaines de lier les fonds libérés aux attaques du Hamas. « Cela souligne la difficulté de ne pas tenir compte de l’impact de la polarisation politique interne aux Etats-Unis sur la position de Washington envers le conflit au Moyen-Orient, en particulier à la lumière de l’approche de la course présidentielle américaine. Il ne faut pas aussi oublier les divisions dans l’opinion publique américaine autour du conflit palestino-israélien pour la première fois dans l’histoire de l’Etat hébreu », explique Maha Allam, chercheuse au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram. Alors que la sympathie du peuple américain pour Israël était une constante fondamentale de la politique américaine au cours des dernières années, un changement notable est survenu. De nombreux Américains ont relié leur position envers Israël aux luttes nationales contre le racisme. Le 20 mars 2021, 12 membres de la Chambre des représentants des Etats-Unis ont envoyé une lettre à Blinken exhortant l’Administration à adopter une politique étrangère qui « défend les droits de l’homme et la dignité du peuple palestinien ». Après la récente escalade de la violence, la Voix juive américaine pour la paix a déclaré que « l’apartheid et l’occupation israéliens — et la complicité des Etats-Unis dans cette oppression — sont la source de toute cette violence ». Un groupe de manifestants à New York a également défilé avec des pancartes déclarant que « la résistance est justifiée ».
Par ailleurs, la démonstration de force américaine est « un message pour la Russie dont l’intérêt est que cette guerre se poursuive pour que tout le soutien américain se tourne vers Israël au lieu de l’Ukraine », explique le général Hicham El-Halaby. Selon Abbas Nagui, expert au CEPS d’Al-Ahram : « Washington cherche depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine à gérer une guerre indirecte avec la Russie à travers la guerre en Ukraine pour essayer d’orienter les résultats de cette guerre vers une voie qui préserve la position des Etats-Unis en tant que principale puissance internationale, après que cette position avait été sous pression en raison des évolutions mondiales au cours de la dernière décennie ».
« Dans l’ensemble, l’Administration Biden est confrontée à un chemin difficile. Elle doit simultanément maintenir la sécurité d’Israël, renforcer la capacité de l’Ukraine dans sa confrontation avec la Russie et naviguer dans la bataille politique interne avec les républicains », conclut Maha Allam, alors que Bloomberg a rapporté que la Maison Blanche craint qu’Israël n’ait aucun plan sur ce qui arrivera dans la bande de Gaza après l’invasion, et demande aux responsables israéliens de penser au-delà de l’objectif immédiat d’éliminer le Hamas.
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