« Nous allons nous battre »
« Surmonter la défaite », tel était le moteur qui animait la population égyptienne de la défaite de 1967 jusqu’à la victoire de 1973. Il fallait récupérer la terre par tous les moyens. Trois jours après la Naksa, le 9 juin 1967, le président Gamal Abdel-Nasser déclarait dans un grand discours qu’il était prêt à assumer son entière responsabilité dans la défaite. Il annonce alors sa démission. Mais la population est descendue massivement dans les rues les 9 et 10 juin pour réclamer le retour du « Raïs , en criant : « Nous allons nous battre. Nous allons nous battre ».
Répondant à la volonté du peuple, le 10 juin, Nasser a retiré sa démission et a décidé de rester au pouvoir pour diriger la guerre contre Israël. A cette époque, les Egyptiens collectaient des fonds pour armer l’armée égyptienne. Tout le monde n’avait qu’un seul objectif : mener la guerre et restaurer la dignité nationale.
Les trois « non » du Sommet de Khartoum
La victoire de 6 Octobre était un jour de gloire non seulement en Egypte, mais aussi dans le monde arabe. Sur le plan politique, le soutien arabe a joué un rôle important pour appuyer l’effort militaire. Le Sommet de Khartoum tenu en août 1967 était une occasion pour que les pays arabes, réunis pour la première fois depuis la défaite, s’accordent sur une position commune, politique et économique, contre Israël.
Ainsi, les pays participants (Egypte, Syrie, Algérie, Iraq, République du Yémen, Jordanie, Arabie saoudite, Koweït, Libye, Maroc et Oman) ont proclamé les « trois non » dans la Résolution de Khartoum : « Pas de paix avec Israël, pas de négociation avec Israël, pas de reconnaissance d’Israël ». La résolution a également appelé à l’utilisation du pétrole arabe comme arme diplomatique. L’importance de ce sommet réside dans le fait que les Arabes ont essayé de faire front uni contre leur ennemi.
Reconstruction de l’armée, repartir à zero
Nasser, après être revenu sur sa décision de démissionner, a commencé à reconstruire les forces armées pour libérer les territoires occupés. Il nomme, le 11 juin, Mohamad Fawzi comme ministre de la Guerre et chef des forces armées. Les tâches qui lui sont assignées étaient de protéger la rive ouest du Canal de Suez contre de nouvelles incursions israéliennes et de mobiliser l’armée. Fawzi commence par étudier les raisons de la défaite. Il constate que la coordination entre l’armée de l’air, les forces au sol et la marine n’était pas efficace, de sorte que chaque force combattait de manière indépendante de l’autre.
L’une des premières mesures prises par Fawzi était de recruter des officiers jeunes et diplômés des écoles militaires et d’éviter toute confusion ou duplication dans les responsabilités. Il sépare les administrations militaires et politiques et crée une coordination entre les deux parties en formant le Conseil de défense national. Le conseil inclut un nombre de ministres, notamment ceux des Affaires étrangères, de l’Intérieur, de l’Economie et de la Planification, des Renseignements généraux, ainsi que le ministre de la Guerre (Défense).
L’organisation n’était pas la seule raison de la défaite, il y avait aussi l’équipement des forces armées. Les avions israéliens étaient capables de défier les systèmes égyptiens de défense anti-aérienne de fabrication soviétique. D’où la décision de bien équiper les forces armées et de former les militaires à l’utilisation de nouvelles armes. Le général Samir Farag, expert militaire, explique que lorsque les forces armées ont complètement perdu leur armement dans le Sinaï, Nasser a demandé aux Soviétiques de nouvelles armes. Mais l’Egypte ne comptait pas seulement sur les armes russes, il y avait aussi les armes égyptiennes fabriquées par les usines militaires locales. Celles-ci ont joué un grand rôle durant la guerre d’usure. Nasser a créé le ministère de la Production militaire au début de sa présidence et avait inauguré plusieurs usines militaires qui ont produit la première balle égyptienne le 23 octobre 1954. Selon Samir Farag, ces usines produisaient la plupart des munitions.
Les sacrifices de la population des villes du Canal
Le déplacement de la population des villes du Canal après la défaite du 5 juin 1967 n’était pas le premier. Il avait été précédé par un autre déplacement après l’agression tripartite de 1956. Le retour a eu lieu le 1er avril 1957. Les populations des villes du Canal ont toujours été en ligne de mire d’Israël. Elles ont été prises pour cible après la défaite du 5 juin 1967. Le troisième déplacement a alors commencé. Au début, ce déplacement était volontaire. Mais en 1968, le gouvernement égyptien a décidé d’évacuer les citoyens des villes du Canal qui étaient visées par les missiles ennemis.
De cette façon, Israël a perdu une cible précieuse qu’il utilisait pour exercer une pression politique sur l’Egypte, afin qu’elle accepte ses conditions dans les négociations. Environ un million de citoyens ont été déplacés. Cependant, les citoyens qui aidaient l’armée n’ont pas quitté les villes du Canal. La population du Canal a été répartie sur 14 gouvernorats du Delta égyptien, notamment Damiette et Mansoura, et précisément à Ras Al-Bar, située sur la Méditerranée, qui s’est transformée en un petit Port-Saïd.
L’art au service de la guerre
Le soutien de la société a joué un grand rôle pour gagner la guerre. La diva Oum Kalsoum a fait don des gains de ses concerts pour soutenir l’effort de guerre. Peu avant la guerre du 5 juin, elle a collecté des fonds pour l’armée et a encouragé la population égyptienne à participer à l’effort de guerre.
Le grand chanteur Abdel-Halim Hafez a également fait don des revenus de ses concerts à l’armée égyptienne après la défaite de 1967. Il a également consacré les revenus de ses films à l’effort de guerre. De même, pendant la guerre d’usure, l’actrice Nadia Lotfy s’est portée volontaire en tant qu’infirmière à l’hôpital militaire de Maadi pour soutenir les soldats blessés. Et la liste des artistes qui ont participé à l’effort de guerre était longue.
Les actes héroïques des bédouins du Sinaï
Entre la défaite de 1967 et la grande victoire d’Octobre 1973 s’est déroulée une grande épopée dans le Sinaï, notamment pendant la guerre d’usure. Les bédouins du Sinaï ont fourni des secours aux soldats blessés durant la guerre de 1967. Ils les ont cachés dans leurs maisons et les ont guidés sur le chemin de retour vers Suez. A cette époque, Israël exécutait immédiatement les soldats égyptiens et ne les gardait pas comme prisonniers de guerre comme le stipule le droit international.
Les Israéliens ont essayé d’acheter aux bédouins du Sinaï les terres situées autour du monastère de Sainte-Catherine. Ils voulaient « internationaliser » le Sinaï pour que les forces égyptiennes ne puissent pas y revenir. L’évêque du monastère à cette époque, le père Damianos, s’est réuni avec les chefs des tribus du Sinaï et ils ont organisé en octobre 1968 une conférence de presse pour déclarer leur refus de vendre leurs terres aux forces d’occupation. Devant la caméra, le cheikh Salem Al-Hersh, chef d’une tribu du Sinaï, affirmait que « le Sinaï est égyptien, il restera égyptien et nous n’acceptons pas de substitut. Vous êtes des occupants ... Nous rejetons l’internationalisation de la péninsule. Ceux qui veulent parler du Sinaï doivent s’entretenir avec le président Gamal Abdel-Nasser ».
Selon Amal Mokhtar, expert au Centre des Etudes Politiques et Stratégiques (CEPS) d’Al-Ahram, les bédouins ont apporté une grande aide aux renseignements militaires égyptiens durant la guerre d’usure et jusqu’à la victoire du 6 Octobre en collectant des informations sur l’ennemi et en prenant des photos des centres de commandement et des bases militaires.
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