La quasi-majorité des chercheurs intéressés par le conflit araboisraélien pensent que la guerre d’Octobre 1973 a été le début du chemin de la signature des accords de paix entre l’Egypte et Israël en 1979. Si l’Egypte n’avait pas retrouvé sa dignité grâce à la grande victoire militaire face à Israël dans la guerre d’Octobre comme réponse à la défaite de juin 1967 d’un côté, et compte tenu du fait qu’Israël était conscient de son incapacité de poursuivre son occupation des territoires égyptiens de l’autre côté, chose qui a été pratiquement prouvée à travers la guerre d’usure et la guerre d’Octobre, il n’aurait pas été possible de parvenir à la paix entre les deux pays.
Depuis la signature des accords de paix, la position de l’Egypte se caractérise par la clairvoyance en ce qui concerne la signification de la paix basée sur la reconnaissance réciproque entre les Arabes et Israël et le respect de leurs frontières respectives. Et ce, conformément aux résolutions internationales stipulant le retrait d’Israël jusqu’aux frontières de 1967 et l’application du droit à l’autodétermination par le peuple palestinien dans la bande de Gaza et en Cisjordanie.
Mais Israël n’a pas voulu accepter la vision égyptienne selon laquelle la résolution de la cause palestinienne constitue un pilier pour le maintien des relations égypto-israéliennes, permettant d’éviter les crises à l’avenir. Israël a, au contraire, tenté de combiner la paix avec l’Egypte et la poursuite de l’occupation des territoires palestiniens, ce qui a mené à de profondes tensions dans les relations entre les deux pays à partir de 1982. C’est à cette date qu’Israël a envahi le Liban dans l’objectif de détruire l’OLP. L’Egypte a ensuite rejeté les pratiques israéliennes contre les Palestiniens, que ce soit lors de l’Intifada de la pierre en 1987 ou l’Intifada d’Al-Aqsa en 2000.
Les tensions consécutives dans les relations égypto-israéliennes se sont reflétées sur les relations entre les deux pays. Ainsi, les échanges commerciaux et la coopération économique entre l’Egypte et Israël sont restés à leur niveau le plus bas. Les relations populaires entre les deux pays restaient également froides jusqu’à aujourd’hui, alors que les relations officielles ne se sont relativement améliorées qu’après l’apparition d’un intérêt commun entre les deux pays concernant l’exploitation du gaz naturel découvert en Egypte et en Israël au cours des 5 dernières années. De même, l’Egypte et Israël ont trouvé durant les dernières années un intérêt commun dans l’élimination du terrorisme qui a frappé le Sinaï après 2011. Mais ces intérêts et ententes ne sont jamais à l’abri de tensions tant que la cause palestinienne restera sans solution équitable.
En effet, Israël pense qu’il lui est possible d’ignorer la question palestinienne et de poursuivre son occupation des territoires palestiniens à travers l’élargissement des relations avec le monde arabo-islamique. Chose qu’il a pu réaliser à travers les accords d’Abraham avec les Emirats arabes unis, Bahreïn, le Maroc et le Soudan. Il tente actuellement de signer des accords de paix avec l’Arabie saoudite, que ce soit dans le cadre des accords de paix d’Abraham ou dans un cadre spécial qui convient plus à l’Arabie saoudite.
Il n’y a aucun doute que l’élargissement de la paix entre Israël et les Etats arabes est une chose positive. L’Egypte a félicité les Etats arabes qui ont signé les accords d’Abraham, assurant sa position fixe qui considère la paix comme étant un objectif stratégique. Mais tout ceci ne signifie pas que l’Egypte néglige le règlement de la question palestinienne. C’est plutôt une occasion de convaincre Israël que les accords d’Abraham ou tout autre accord similaire entre Israël et des Etats arabes et islamiques à l’avenir ne peuvent pas constituer une solution finale à l’état d’instabilité dans la région.
Nombreux partisans de la paix en Israël et en Europe pensent comme l’Egypte : si le peuple palestinien ne récupère pas ses droits légitimes avec en tête son droit d’instaurer un Etat indépendant, la détérioration de la situation reste probable, ce qui influence inéluctablement la stabilité, la paix et le renforcement de la coopération économique entre Israël et les Etats arabes et islamiques.
Les visées israéliennes
En pensant que l’élargissement de la paix avec le monde arabe et islamique est une occasion d’enterrer pour toujours la cause palestinienne, Israël doit se rappeler que l’ancien président Anouar Al-Sadate avait proposé une initiative de paix en 1971 basée sur le retrait partiel de l’est du Canal de Suez et la réouverture par l’Egypte du canal à la navigation internationale en contrepartie d’un engagement aux négociations de paix dans lesquelles l’Egypte reconnaît le droit d’Israël d’exister conformément aux frontières du 4 juin 1967. Israël avait refusé l’initiative car il avait ignoré à quel point l’Egypte et la Syrie étaient déterminées à récupérer leurs territoires par la paix ou par la guerre. Quand Israël a laissé passer cette occasion de réaliser la paix, il a perdu des milliers de morts, de blessés et de prisonniers durant la guerre de 1973. Israël s’est alors trouvé obligé d’accepter ce que l’initiative de Sadate proposait sans guerre. En considérant que les accords de paix avec les Arabes présentent une occasion d’usurper pour toujours les territoires palestiniens, Israël répète la même erreur. D’un côté, le peuple palestinien n’arrêtera jamais de réclamer ses droits et de lutter pour les récupérer ; de l’autre côté, les accords de paix entre Israël et les Arabes peuvent se transformer en carte de pression contre Israël, même de l’intérieur. Ces accords ne résisteront pas pour longtemps tant que la cause palestinienne n’est pas résolue, car les Etats arabes peuvent se trouver obligés de les geler à cause de la poursuite de la politique de répression pratiquée par Israël contre le peuple palestinien. C’est là qu’Israël découvrira combien il a perdu d’occasions de faire la paix, ainsi que des bénéfices sécuritaires et économiques en refusant une solution finale et globale avec les Arabes qui rendrait les droits légitimes au peuple palestinien.
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