La « Grande Traversée » du Canal de Suez est considérée comme un miracle militaire à tous points de vue, au point de devenir une référence étudiée dans toutes les armées du monde. Avec l’apparition d’armes nouvelles dans le domaine de la guerre électronique, les difficultés rencontrées par le planificateur égyptien dans cette guerre l’ont poussé à inventer de nouvelles méthodes et de nouveaux concepts qui ont été la clé de la victoire des forces armées égyptiennes et qui ont été le fondement pour le développement de nouveaux concepts militaires dans le monde entier. « La doctrine de combat militaire occidentale a été la plus grande bénéficiaire des leçons de cette guerre. Israël adoptait la pensée de la doctrine occidentale, tandis que les forces armées égyptiennes adoptaient une nouvelle pensée qui est un mélange entre la pensée orientale, affiliée à l’armée soviétique, et l’expérience de combat des Egyptiens », explique le général d’étatmajor, Samir Farag. En effet, les exploits réalisés par l’armée égyptienne pendant la guerre de 1973 ont poussé les centres de recherche, les instituts d’études stratégiques et les analystes militaires à étudier et à analyser comment cette armée a réussi à infliger cette défaite à l’armée et l’aviation israéliennes dont l’Etat hébreu n’a cessé de chanter la puissance depuis 1967. « Les exploits des forces armées égyptiennes ont changé de nombreux concepts de combat dans la doctrine de combat occidentale », ajoute Farag.
Modification des notions militaires
Les premiers changements sont apparus pendant la guerre d’usure (1967-1970), quand l’armée égyptienne a réussi à faire couler le destroyer israélien Eilat. Après cet exploit, les forces navales du monde entier ont opté pour les petits bateaux rapides dotés d’armes avancées, au lieu des grands destroyers, porte-avions et croiseurs.
Dans le domaine de l’armée de l’air, et selon les concepts de combat, l’action de cette armée repose sur deux éléments, la suprématie aérienne, qui signifie qu’elle contrôle l’ensemble du champ de bataille aérien et ne permet aucune activité aux forces aériennes ennemies, et la supériorité aérienne qui signifie que l’armée de l’air contrôle l’ensemble du champ de bataille, ou une partie de celuici ou pour une certaine durée, ce qui permet aux forces aériennes ennemies d’exécuter quelques opérations. Pendant la guerre d’Octobre, les forces armées égyptiennes ont introduit un troisième élément qui est la neutralisation des forces aériennes ennemies, ce qui signifie que bien que celles-ci soient puissantes, nombreuses et aient la capacité d’imposer leur domination, elles deviennent incapables de participer au champ de bataille. « L’armée de l’air israélienne a été incapable de fournir une assistance aérienne à ses forces terrestres à cause du mur de missiles que les Egyptiens avaient réussi à construire sur la rive ouest du canal. La meilleure preuve en est l’avertissement donné par le commandant de l’armée de l’air israélienne à ses forces de ne pas s’approcher du Canal de Suez sur une distance de 15 km », explique Farag.
Par ailleurs, les forces d’infanterie ont réussi à traverser le canal sans soutien, pendant 12 heures qui sont la durée de la construction des ponts et du passage des chars, grâce à l’utilisation des armes antichars et à un calcul précis des premières vagues d’infanterie, qui ont réussi à détruire les réserves blindées israéliennes sur la ligne Bar Lev. Cette stratégie n’avait jamais été imaginée avant la guerre d’Octobre. C’est ainsi que la doctrine britannique de combat, dans la clause sur les combats dans les terres désertiques et les terres ouvertes, stipule l’utilisation du « rideau antichar égyptien », fruit de la pensée égyptienne.
Nouveaux concepts
Comme la guerre d’Octobre a introduit de nouvelles notions, elle a brisé d’autres concepts. Avant cette guerre, toutes les doctrines militaires mettaient en doute la possibilité de réaliser l’élément de surprise dans toutes ses dimensions stratégiques et tactiques à cause des technologies modernes, des satellites et des méthodes de détection précoce. Mais la guerre d’Octobre a prouvé le contraire. L’offensive égyptienne sur toute la ligne de front a été la plus grande surprise pour le monde entier et a paralysé les Israéliens, les rendant incapables de déterminer la direction de l’attaque principale.
C’est ainsi que dans l’explication de la doctrine de combat occidentale, dans les livres de combats tactiques, l’on trouve écrit qu’il est encore possible de réaliser l’élément de surprise. En plus, une nouvelle clause est venue s’ajouter aux principes traditionnels du combat (à savoir la surprise, le secret, la tromperie, les manoeuvres) qui est l’utilisation de « méthodes non conventionnelles dans la guerre moderne ».
Enfin, la guerre d’Octobre est venue apporter un nouvel élément aux principes de combat, qui est la qualité. Avant octobre 1973, la comparaison entre les forces était une comparaison purement quantitative basée sur le nombre de chars, d’artillerie, d’avions, de sousmarins et de destroyers. L’étude la plus célèbre dans ce domaine est celle présentée par The Institute for Strategic Studies of London (ISSL), dans son célèbre rapport annuel « Military Balance ». Avant la guerre d’Octobre, elle montrait l’entière supériorité d’Israël face à l’Egypte et la Syrie. « La guerre d’Octobre a révélé un nouveau facteur qui est le soldat égyptien. Celui-ci était complètement différent du soldat de 1967 ou de 1956 ! Les soldats en 1973 étaient hautement qualifiés. Ils détenaient tous des diplômes universitaires et avaient le moral très haut. Le fait qui a poussé les instituts d’études stratégiques à ajouter un nouvel élément lors du calcul et de la comparaison des forces, qui est la qualité du combattant, grâce aux exploits réalisés par les combattants égyptiens dans cette guerre glorieuse », conclut Farag.
Lien court: