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Eau : La stratégie globale de l’Egypte

Aliaa Al-Korachi , Samedi, 12 août 2023

Pour renforcer ses ressources hydriques, l’Egypte a adopté une stratégie visant à maximiser les gains possibles de l’interdépendance entre l’eau, l’alimentation, l’énergie et le climat. Explications.

Eau : La stratégie globale de l’Egypte

Le 1er août, la nouvelle année hydrologique a commencé en Egypte. Le début de cette année coïncide avec l’arrivée de la crue du Nil au lac Nasser. De même, les Egyptiens célèbrent depuis les temps anciens, le 15 août, la fête de Wafä Al-Nil. Selon les mythologies pharaoniques, la crue du Nil représente l’effusion des larmes de chagrin d’Isis après la mort de son mari, Osiris. Avec le commencement de cette année, l’heure est au bilan au ministère de Ressources hydriques, afin de voir ce qui a été réalisé et les enjeux de la stratégie égyptienne pour une gestion durable des ressources en eau. En effet, la liste des pays touchés par le stress hydrique dans le monde ne cesse de s’allonger. Ce phénomène touche aujourd’hui plus d’un quart des habitants de la planète. La pénurie en eau dans le monde s’accentue de plus en plus à cause du réchauffement climatique qui se poursuit à un rythme inédit.

Défis multiples

L’Egypte souffre, quant à elle, d’une situation de pénurie d’eau unique. Puisqu’elle est en tête de la liste des pays arides, où il pleut le moins dans le monde. Par ailleurs, la part annuelle d’eau par habitant ne dépasse pas les 560 m3, ce qui place l’Egypte bien en deçà du seuil international de pénurie d’eau estimé à 1 000 m3. Le déficit en eau de l’Egypte, l’écart entre les ressources en eau disponibles (environ 58 milliards de m3) et la quantité d’eau réellement utilisée (79 milliards de m3), est actuellement d’environ 21 milliards de m3. Selon des estimations, ce déficit pourrait atteindre 51 milliards de m3 d’ici 2050. Par ailleurs, l’Egypte importe actuellement environ 40 milliards de m3 d’eau virtuelle contenus dans les produits alimentaires importés. Il est prévu que ce chiffre atteigne 70 milliards de m3 d’ici 2050, pour répondre à la demande alimentaire de la population. « L’Egypte se trouve au coeur de trois défis entremêlés : hydrique, alimentaire et climatique », explique Omar Al-Husseini, chercheur en sciences de l’environnement, avant de souligner que la croissance démographique rapide en Egypte et l’activité agricole de plus en plus intensive « ont fait de la durabilité de ses ressources en eau une question de sécurité nationale ». L’Egypte dépend du Nil, presque exclusivement, pour ses ressources en eau, dont environ 80 % vont au secteur agricole, nécessaire pour la subsistance de la population égyptienne. En tant que dernier pays en aval du Nil, l’Egypte est la plus affectée par le changement climatique que tout autre pays du bassin du Nil.

Stratégie globale

Ainsi, pour faire face au défi de l’eau, l’Egypte s’est lancée dans une course effrénée en multipliant les projets et les initiatives pour renforcer ses ressources hydriques et maximiser les gains possibles de l’interdépendance entre les questions de l’eau, de l’alimentation, de l’énergie et du climat, que aux niveaux national, régional et international.

Au niveau national, « le gouvernement a décidé de travailler sur deux volets parallèles. Le premier est de chercher des moyens pour préserver les ressources en eau et les droits historiques de l’Egypte dans les eaux du Nil par le biais de négociations avec l’Ethiopie, afin de parvenir à un accord juridique contraignant pour le remplissage et l’exploitation du barrage éthiopien de la Renaissance. Le second volet consiste à examiner les différentes méthodes d’augmenter et de diversifier les ressources en eau, ainsi que de limiter le gaspillage », explique Al-Husseini. C’est pourquoi l’Etat a élaboré un plan national de développement des ressources en eau (2017-2037), d’un coût d’environ 900 milliards de L.E. Ce plan vise à augmenter les investissements, notamment dans les projets d’infrastructures hydriques comme les usines de traitement des eaux usées, le dessalement de l’eau de mer, les systèmes d’irrigation modernes, ainsi que les projets de protection des dangers des pluies torrentielles et de protection des villes côtières.

Les grands projets

En mai 2022, le gouvernement égyptien a annoncé son intention d’étendre les projets de dessalement de l’eau de mer, en particulier dans les villes côtières et frontalières, en construisant 14 nouvelles stations. Ce projet vise à porter la capacité totale des usines de dessalement du pays à environ 1,4 million de m3 par jour. Il existe actuellement 82 usines de dessalement d’une capacité totale de 917 000 m3 d’eau par jour.

Ces projets sont menés parallèlement au projet national de revêtement des canaux d’irrigation qui vise à améliorer la gestion et la distribution de l’eau. Celui-ci vise à revêtir les canaux d’irrigation sur 7 500 km et à éviter l’infiltration de 5 milliards de m3 d’eau par an. Le traitement des eaux usées est une autre priorité pour l’Egypte. L’Etat veut construire dans les prochaines années 17 stations de traitement d’eaux usées. En 2021, l’Egypte a inauguré la plus grande station d’épuration d’eaux usées au monde à Bahr Al-Baqar, à Port-Saïd, d’une capacité de production de 5,6 millions de m3 par jour.

La mobilisation du financement nécessaire pour renforcer les infrastructures africaines sur la base du bénéfice mutuel se trouve au coeur de la stratégie de l’Egypte qui préside actuellement le Conseil des ministres africains de l’eau (AMCAW). Au niveau international, l’Egypte participe à toutes les initiatives internationales sur l’eau, en particulier l’Initiative mondiale de l’Onu pour les systèmes d’alerte précoce et l’adaptation, et l’initiative « Alliance Mondiale contre le Changement Climatique » (AMCC) lancée par l’Union européenne. Par ailleurs, l’Egypte a réussi durant sa présidence de la COP27 à placer l’eau au coeur de l’action climatique avec l’initiative Action for Water Adaptation and Resilience (AWARe). Celle-ci vise à mettre en oeuvre des projets dans le domaine de l’adaptation au changement climatique dans les pays en développement, en particulier les pays africains.

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