Lundi, 11 décembre 2023
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Les « points chauds » de la faim

Nada Al-Hagrassy , Vendredi, 16 juin 2023

Selon un rapport publié conjointement par l’Organisation des Nations-Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) fin mai, l’insécurité alimentaire aiguë risque d’augmenter dans 18 « foyers de famine » entre juin et novembre 2023. Focus sur les pays les plus touchés.

Les « points chauds » de la faim

Le Liban

Le pays du Cèdre est en proie à des crises politiques et économiques ininterrompues depuis plus d’une décennie. Ce qui a fait remonter les prix des denrées essentielles tout en affectant le niveau de vie des citoyens et des réfugiés au Liban. La contraction continue de la croissance, de 21,4 % en 2020 à 7 % en 2021 pour atteindre 5,4 % en 2022, a provoqué la chute de la devise locale. La livre libanaise a perdu plus de 99 % de sa valeur au marché noir. En plus, l’épuisement des réserves en devises étrangères a contribué à l’augmentation du taux d’inflation pour atteindre 190 % en février 2023. La dégringolade de la devise locale a rendu l’insécurité alimentaire plus alarmante, car le Liban importe presque tous ses besoins en nourriture et en énergie. Entre janvier et avril 2023, 2,3 millions de personnes composées de 1,5 million de Libanais et 800 000 réfugiés syriens, soit environ 42 % de la population, ont affronté un niveau élevé d’insécurité alimentaire aiguë (phase 3 de l’IPC).

La Syrie

L’insécurité alimentaire en Syrie est causée par un ensemble de facteurs qui va de la crise économique au tremblement de terre de février, en passant par le conflit interne et les pluies irrégulières. Tous ces facteurs ont accentué les difficultés des Syriens d’avoir accès à leurs besoins les plus élémentaires. Le tremblement de terre a eu un fort impact sur l’économie syrienne. Le PIB du pays s’est contracté de 2,3 % en 2023. Le prolongement de la crise du combustible a profondément influencé la fourniture d’énergie nécessaire pour l’irrigation agricole. Et ce, au moment où certaines zones agricoles ont été affectées par la tombée irrégulière des pluies. Pendant la période d’août jusqu’à octobre 2022, 12,1 millions de personnes, soit 55 % de la population, ont fait face à une situation d’insécurité alimentaire aiguë. Celle-ci est susceptible de s’empirer à cause de la détérioration des conditions économiques et des répercussions du tremblement de terre. Presque 5,9 millions d’enfants et de femmes ont besoin d’aide alimentaire urgente, soit une augmentation de 18 % par rapport à 2022.

Le Yémen

La crise de l’insécurité alimentaire au Yémen demeure à un niveau critique. En dépit de la facilité d’avoir accès à l’aide humanitaire depuis la signature de la trêve en 2022, certains obstacles demeurent toujours. Même si les parties belligérantes observent un cessez-le-feu, les affrontements survenus au mois de mars ont indiqué que la situation sécuritaire demeure précaire. Cette instabilité politique et l’insuffisance des revenus en devises étrangères ont prolongé la durée de la crise économique avec tout ce qu’elle comporte d’augmentation des prix des produits de base. Ce qui épuise la réserve des devises étrangères et accentue la dévaluation de la monnaie locale dans les zones contrôlées par le gouvernement reconnu internationalement. Cette crise économique a causé une situation d’insécurité alimentaire (phase 3+ de l’IPC) pour 17 millions de personnes, soit 53 % de la population, dont 6,1 millions sont au bord de la famine (phase 4 de l’IPC) dans la période d’octobre à décembre 2022.

Le Soudan

Le déclenchement du conflit interne au Soudan a rendu extrêmement difficile la fourniture, ainsi que toutes sortes d’accès à la nourriture et même aux besoins de base. Ceci est intervenu au moment où le Soudan est au seuil de la saison de pré-récolte ou « saison maigre », qui s’étend de juin à septembre et qui signifie que les anciennes réserves sont finies et que la nouvelle récolte n’est pas encore ramassée. La crise alimentaire s’empire à cause de la destruction des zones urbaines et rurales, l’une des conséquences du conflit. Ce qui a entraîné de violentes perturbations des services de base, des marchés et des chaînes d’approvisionnement, causant ainsi une augmentation de 40 à 60 % des prix des produits de première nécessité. D’ailleurs, le spectre des inondations et de la sécheresse plane toujours sur la saison agricole. Si les agriculteurs n’arrivent pas à récolter le sorgho et le millet, le prix de la nourriture s’enflammera. Ainsi, selon le rapport de la FAO, 11,7 millions de personnes, soit 24 % de la population, font face à une situation d’insécurité alimentaire aiguë (phase 3+ de l’IPC).

La Centrafrique

Entre inondations et sécheresse, la situation de l’insécurité alimentaire se détériore en République Centrafricaine. Le pays est un théâtre de violence entre les forces de sécurité et des groupes armés. La détérioration de la situation sécuritaire a empêché l’arrivée d’aide humanitaire à la population déplacée. En février 2023, quelque 483 000 personnes ont été déplacées à l’intérieur du pays. Il est également à noter que les inondations ont sévèrement endommagé plusieurs régions, ce qui a affecté le niveau de vie des citoyens dans ces zones. Les dommages causés par les inondations ont également atteint des terrains cultivés. En l’absence de toute aide, 3 millions de personnes, soit 49 % de la population, font face à la phase 3 de l’IPC de l’insécurité alimentaire durant la période d’avril à août 2023, dont 807 000 personnes se trouvent dans un état critique de la phase 4 de l’IPC.

Le Nigeria

Les causes de la détérioration de la situation d’insécurité alimentaire dans ce pays sont multiples : d’une crise sécuritaire aux conditions économiques, en passant par la tombée des pluies au-delà de l’attendu dans le nord du pays. Alors que les zones de l’ouest risquent le danger des inondations, le centre du pays est victime des pluies bien au-dessous de la moyenne. Les zones du nord-ouest et du nord central sont les théâtres d’affrontements entre les forces de l’ordre et des groupes armés. Ces conflits ont entraîné le déplacement de 3,1 millions de personnes tout au long des zones du nord. Par ailleurs, la dépréciation continue de la monnaie a contribué à l’augmentation du taux d’inflation pour atteindre 22 % en mars 2023. Tous ces facteurs menacent aujourd’hui 24,8 millions de personnes de la pire crise d’insécurité alimentaire (phase 3+ de l’IPC) au cours de la période de juin à août 2023, dont un million sont au bord de la famine. Ce taux représente une augmentation de 2 % par rapport à l’année passée.

Le Pakistan

A cause de la dégradation de la crise politico-économique à laquelle s’ajoutent les inondations de 2022, la situation de l’insécurité alimentaire au Pakistan gagne d’ampleur. L’aggravation de la dette publique a lourdement pesé sur la crise financière en réduisant la capacité du pays à importer les besoins essentiels en nourriture et en énergie. L’insécurité alimentaire au Pakistan s’est encore dégradée à cause des effets des grandes inondations survenues entre juillet et septembre 2022, notamment sur la production agricole. Les pertes causées par les inondations sont estimées à plus de 30 milliards de dollars. Entre septembre et décembre 2022, près de 6 millions de Pakistanais souffrent d’insécurité alimentaire sévère, et 2,6 millions sont considérés comme en situation d’urgence.

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