Le conflit risque de porter un coup sévère aux exportations pétrolières du Soudan.
Le Soudan est en proie à une récession économique qui a atteint son point culminant quelques jours après le déclenchement des dernières hostilités entre l’armée et les Forces de Soutien Rapide (FSR). Selon plusieurs chaînes d’information arabes, les boulangeries sont sur le point de fermer leurs portes, car le stock de farine disponible n’est suffisant que pour 24 heures. D’autres médias ont mis en relief l’entassement des Soudanais devant les supermarchés impatients de se procurer les produits de première nécessité qui sont déjà en pénurie.
Il s’agit d’une dégringolade des conditions de vie dans le contexte déjà maussade d’une économie fragilisée par une dette de 55 milliards de dollars. Le brin d’espoir apporté par les perspectives du Fonds Monétaire International (FMI) s’est dissipé avec le déclenchement des hostilités. Aux réunions du printemps, tenues du 10 au 16 avril, le FMI avait prévu une croissance de 1,2 % l’année prochaine, contre une croissance lente de 0,3 % en 2022 et négative de -1,5 % en 2021.
Cette dégradation économique était liée à l’impasse politique qui persiste depuis octobre 2021. Depuis cette date, les services sociaux de base ont continué de se détériorer. S’y ajoutent les séquelles de la crise alimentaire mondiale, qui selon un rapport du Programme des Nations-Unies pour le Développement (PNUD) a laissé 15 millions de personnes exposées au danger de la famine. L’un des facteurs ayant poussé à cette situation est l’interruption des aides et des dons étrangers. Les institutions financières mondiales avaient temporairement gelé le soutien financier de plusieurs milliards de dollars à Khartoum.
Cette situation s’est reflétée sur les indicateurs macro-économiques avec une inflation annuelle projetée de 89 %, selon Qamar Mohamed, experte en économie régionale, contre 63,3 % en février dernier, tel que rapporté par la Banque Centrale du Soudan. « Le coût du panier des matières premières essentielles a augmenté de plus de 300 % depuis la crise du coronavirus en 2020 et l’impasse politique de 2021 qui a amplifié la situation », explique Mohamed Shadi, macro-analyste auprès du Centre égyptien de la pensée et des études stratégiques (ECSS). Pour ce qui est du taux de change, « le dollar s’échange à 600 livres soudanaises alors que, en parallèle, le marché noir ne cesse de prospérer où il est vendu à 750 livres », ajoute l’expert.
Un prix exorbitant à payer
Les incertitudes continuent de planer sur les perspectives d’une amélioration économique tant qu’aucune solution politique n’est trouvée. Dans ce « contexte embrouillé, le recours à l’institution financière mondiale n’est pas possible, étant donné la décision internationale prise en 2021 de couper le financement » au gouvernement soudanais, analyse Qamar Mohamed. « Certains impacts non désirables sur l’économie soudanaise se sont fait déjà sentir. Ils s’ajoutent au comportement des consommateurs qui accourent pour se procurer les denrées essentielles. Il y a également une défaillance des infrastructures dans les différents secteurs », explique-t-elle.
A une échelle plus large, Mohamed Shadi prévoit des impacts économiques plus radicaux au niveau des exportations pétrolières qui constituent 90 % du total des exportations et 50 % des revenus budgétaires. L’un des flux les plus importants d’entrée de devises pour l’économie soudanaise est l’oléoduc du Grand Nil, qui transporte le pétrole du Soudan et du Soudan du Sud à l’étranger à travers Marsa Al-Bashir à 24 km au sud de Port-Soudan. D’après Shadi, ce pipeline est très important pour l’économie soudanaise car il transporte 132 000 barils par jour, constituant une partie essentielle des revenus du Soudan avec les frais de transit sur le pétrole sud-soudanais.
« Le problème est que ce pipeline se termine dans l’est du Soudan, où le peuple Beja a des velléités séparatistes et appelle à l’autonomie. Le pipeline a été perturbé plus d’une fois en raison des protestations », explique l’expert qui met en relief le danger qui couve pour les cinq raffineries de pétrole que possède le Soudan. Il estime que ces raffineries seront la scène d’affrontements sanglants en raison de leur importance stratégique. La plus grande est à Khartoum avec une capacité de 100 000 barils par jour. « La deuxième raffinerie la plus importante est située au Port-Soudan, et elle produit 22 000 barils par jour, mais est suspendue en raison de l’affaire de Beja, et c’est l’une des causes les plus importantes du dilemme énergétique au Soudan. Il ne reste que la raffinerie d’Obeid, qui produit seulement 10 000 barils par jour. Si la raffinerie de Khartoum est endommagée, le Soudan tombera dans une grave crise, en particulier en ce qui concerne le pain, qui pose déjà d’énormes problèmes », conclut-il.
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