La pousuitte des affrontements entre l’armée soudanaise et les Forces de Soutien Rapide (FSR) ont poussé 20 000 Soudanais à fuir vers les pays voisins, notamment le Tchad qui abrite déjà plus de 600 000 réfugiés, dont 400 000 originaires du Soudan. C’est ce que vient de dévoiler l’Agence des Nations-Unies pour les réfugiés (HCR) en soulignant que « les nouveaux arrivants au Tchad font peser une pression supplémentaire sur les services publics et les ressources du pays qui sont déjà surchargés ». Les autres pays d’accueil sont la RDC, l’Ethiopie et le Kenya.
L’afflux de réfugiés soudanais a poussé le HCR à former une mission conjointe avec le Fonds des Nations-Unies pour l’enfance (Unicef) et le Programme Alimentaire Mondial (PAM) pour « évaluer les besoins urgents des déplacés soudanais dans leur communauté d’accueil et convenir d’un plan de secours face à une éventuelle poursuite de l’afflux de réfugiés », a déclaré la représentante du HCR au Tchad, Laura Lo Castro. Selon l’agence, plus de 80 % des déplacés sont des femmes et des enfants qui traversent les frontières seuls, arrivent souvent dans un état de malnutrition et s’entassent dans des asiles à ciel ouvert. Face à cet afflux, le Tchad a fermé le 15 avril ses frontières terrestres et aériennes avec le Soudan. « Jusqu’à nouvel ordre », a déclaré le porte-parole du gouvernement tchadien, Aziz Mahamat Saleh. La frontière est du Tchad jouxte le Darfour dans l’ouest du Soudan dont la population a souffert de violences tribales lors de la guerre du Darfour. Celle-ci a eu des répercussions sur les deux pays, notamment à cause des difficultés d’accès à l’eau. Beaucoup d’observateurs prévoient un exode massif de civils une fois qu’un accord de cessezle- feu durable sera mis en place au Soudan. Le Soudan connaît déjà une grave crise de « déplacés climatiques » depuis 2020. Cette année, le Soudan a connu les pires inondations jamais enregistrées. Elles ont recouvert les deux tiers du pays et ont violemment endommagé les maisons, les terres agricoles et le bétail.
Des dizaines de milliers de personnes se déplacent constamment fuyant les conditions climatiques difficiles aussi bien que l’instabilité politique et l’insécurité alimentaire. Paradoxalement, le Soudan accueille, à son tour, plus de 340 000 réfugiés éthiopiens, surtout dans la région du Nil bleu, qui ont fui en 2021 les violences dans la province du Tigré.
Une crise complexe
La destruction des infrastructures vitales s’ajoute au calvaire que vivent les Soudanais depuis le déclenchement des hostilités. Les projectiles ont mis trois stations d’eau potable hors d’état de service, causant ainsi une grave pénurie d’eau pour les habitants des quartiers résidentiels de la capitale soudanaise, Khartoum, et le déplacement d’une partie de la population vers le centre et le sud du pays. Les affrontements n’ont pas épargné les personnels et sièges des organisations internationales. Le PAM a fait savoir qu’il suspendait temporairement toutes ses opérations au Soudan, à cause de la mort de trois de ses employés. Cet arrêt, même temporaire, aggrave la situation de famine qui sévit dans le pays. Un tiers de la population soudanaise, soit 15 millions de personnes, se trouve dans une situation d’insécurité alimentaire aiguë à cause « des effets combinés du conflit, de la crise économique, des chocs climatiques et des mauvaises récoltes qui affectent considérablement l’accès des populations à la nourriture au Soudan », selon des estimations publiées en 2022 par le PAM. L’escalade de la violence met en danger des millions d’enfants, a averti l’Unicef dans un rapport, soulignant que « les combats ont interrompu les soins essentiels et vitaux pour environ 50 000 enfants souffrant de malnutrition aiguë sévère. Ces enfants vulnérables ont besoin de soins continus, 24 heures sur 24, qui sont mis en péril par l’escalade de la violence ».
Les violences ont également affecté les hôpitaux. L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a tiré la sonnette d’alarme en raison des attaques qui ont visé 16 hôpitaux, dont 9 situés à Khartoum. Ceux-ci sont désormais complètement hors service. « Le reste des hôpitaux situés à Darfour et autres Etats sont sur le point de s’arrêter à cause du manque de dispositifs médicaux et de la fatigue du personnel », a déclaré Ahmed Al-Mandari, directeur régional de l’OMS pour la Méditerranée orientale. Ce qui aggrave encore plus la situation est l’usage de certains établissements de santé à des fins militaires, ce qui fait qu’ils sont devenus des cibles de frappes. De son côté, le directeur de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus, a déploré que « les médecins sont souvent incapables d’accéder aux blessés et les blessés ne peuvent pas atteindre les installations ». La dégradation de la situation humanitaire au Soudan a poussé la communauté internationale à appeler les parties belligérantes à accepter une trêve et à ouvrir des couloirs pour que l’aide humanitaire arrive à ceux qui en ont besoin. Des appels qui restent vains.
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