Al-Ahram Hebdo : Quelle est l’importance du premier sommet sino-arabe pour les deux parties ?
Dr Ahmed Sultan : Pékin entretient d’étroites relations avec la région arabe. De plus, le Forum de coopération sino-arabe créé en 2014 constitue le cadre d’une vaste coopération dans tous les domaines. Ce premier sommet sera donc l’occasion de renforcer le partenariat stratégique entre les deux parties qui possèdent de nombreux dénominateurs communs, représentés par le respect du droit international, de la légitimité internationale et de l’engagement à régler les différends par des moyens pacifiques. Il y a aussi un désir commun d’élargir et d’approfondir les domaines de coopération afin de réaliser les intérêts de toutes les parties. Par conséquent, ce premier sommet sino-arabe aura de nombreux effets positifs au cours de la période à venir. Les deux dernières décennies ont vu une croissance des relations commerciales entre la partie chinoise et les pays arabes, le volume des échanges commerciaux entre les deux parties ayant atteint environ 330 milliards de dollars en 2021 contre environ 36,7 milliards de dollars en 2004, lors du lancement du Forum de coopération sino-arabe. De plus, les investissements de Pékin dans les pays arabes se sont élevés à environ 213,9 milliards de dollars en 2021.
— Quels sont les principaux dossiers soumis à ce sommet ? Qu’en est-il du dossier de l’énergie à la lumière de la crise énergétique mondiale ?
— De nombreux dossiers sont sur la table du sommet sino-arabe dont les échanges commerciaux entre Pékin et les pays arabes, notamment Riyad et les partenariats sino-arabes, que certains peuvent considérer comme potentiellement inquiétants pour Washington et l’Occident. Mais il faut noter que les pays arabes attachent une importance particulière à leurs intérêts économiques et les placent en premier lieu loin des considérations politiques, et donc le dossier énergétique sera fortement présent à la table du sommet, d’autant plus que la crise ukrainienne a des répercussions directes sur les marchés de l’énergie.
Au cours des dernières années, les importations chinoises de brut arabe sont passées de 0,8 million de barils en 2003 à près de 5,74 millions de barils au cours du 3e trimestre de 2022, soit plus de la moitié des importations de brut de la Chine au cours des 9 premiers mois de l’année. De plus, l’Arabie saoudite représente la principale source de brut pour la Chine, soit 17 % de ses importations au cours de l’année dernière, alors que le Qatar était son second fournisseur de GNL en 2021.
— Quels sont les défis et les opportunités de la coopération énergétique sino-arabe ?
— Ce sommet sino-arabe intervient quelques jours après la réunion de l’OPEP+ et du début de l’embargo européen sur le pétrole russe, à un moment où les relations saoudo-américaines sont tendues suite à la décision de l’OPEP+ de réduire la production de pétrole. De plus, le monde connaît des répercussions sans précédent dans le dossier énergétique, car 9 mois après le début de la guerre, on assiste à une reformulation complète de la carte énergétique mondiale. La guerre a fortement impacté l’approvisionnement en pétrole et en gaz naturel et a directement affecté la sécurité énergétique. Ce qui rend la coopération sino-arabe dans le domaine de l’énergie d’une grande importance géopolitique, en particulier avec les énormes capacités humaines, économiques et techniques des deux parties, ainsi que les importantes réserves de pétrole de la région arabe.
Du point de vue de Pékin, la région arabe n’est pas seulement une source fiable d’approvisionnement énergétique et un vaste marché d’exportation pour ses produits, elle est aussi un élément important de l’initiative de « la Ceinture et la Route », lancée par Pékin il y a près de 10 ans. En revanche, les pays arabes considèrent Pékin comme une puissance économique mondiale dont la prospérité économique ne peut être ignorée.
— Quels sont les domaines de coopération entre la Chine et les pays arabes dans le domaine des énergies renouvelables, surtout que la Chine est le plus grand investisseur dans ce domaine au monde ?
— La Chine est maintenant un pays pionnier en ce qui a trait à l’accès à l’énergie propre et à la consommation de l’énergie propre (gaz naturel, hydroélectrique, nucléaire, éolien et solaire) qui représente plus de 24 % de la consommation totale de l’énergie en Chine, en hausse d’environ 8 % entre 2012 et 2020. La capacité de la Chine en matière d’énergie renouvelable s’élève à plus de 934 millions de kilowatts, soit une augmentation d’environ 17,5 % par rapport à 2019.
Partant, la coopération sino-arabe dans le domaine de l’énergie propre a des perspectives prometteuses en raison de trois facteurs principaux, dont le premier est que les régions de l’Asie occidentale et de l’Afrique du Nord disposent d’importantes ressources en énergie solaire et bénéficient de taux élevés d’ensoleillement. Deuxièmement, les politiques énergétiques des pays arabes soutiennent la transition vers une énergie propre afin de réduire la dépendance à l’énergie fossile. Troisièmement, Pékin possède une vaste expérience dans les technologies photovoltaïques et les réseaux solaires thermiques et électriques. La Chine et les pays arabes élargissent leur coopération dans les domaines de l’énergie solaire, éolienne et hydroélectrique, grâce notamment au Centre de formation sino-arabe pour l’énergie propre et le Laboratoire national conjoint égypto-chinois des énergies renouvelables. Par ailleurs, la centrale solaire de Kharsaa, la centrale solaire thermique de Dubaï d’une capacité d’environ 700 MW, et le projet de production d’électricité de 1 465 MW de la centrale solaire de Benban en Egypte ont été créés, ainsi que d’autres projets de coopération, comme le complexe de Hassyan, en partenariat avec la partie chinoise, un projet-clé qui jouera un rôle important dans le soutien de la stratégie de l’énergie propre des Emirats arabes unis 2050. Il s’agit également du premier projet d’investissement du Fonds de la Route de la soie au Moyen-Orient, et il deviendra la première centrale électrique au charbon propre au Moyen-Orient.
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